Depuis quand connaissez-vous cheb Mami ? Nous nous sommes rencontrés en 1997. Le 1er janvier 2004, nos relations sont devenues intimes. Longtemps, elles sont restées clandestines. J'étais folle de lui… Quand nous n'avons plus protégé nos relations, il m'a dit : « Si tu es enceinte, tu avortes. » Je lui ai répondu qu'il n'en était pas question. Il a tellement l'habitude qu'on lui obéisse qu'il n'a pas pensé une seconde qu'une femme puisse lui tenir tête. En juillet 2005, quand je lui ai annoncé ma grossesse au téléphone, il était comme fou. Il me disait : « Non, non, ce n'est pas possible ! Avorte ! Je n'en veux pas ! » J'ai ressenti que, pour lui, faire un enfant avec une Française, déjà mère de famille, c'était la honte. Vous a-t-il menacée ? Un jour, il m'a dit : « Ne me pousse pas à faire des choses qui pourraient m'envoyer en prison et ruiner ma carrière. » Sur le moment, je n'ai pas compris la menace. En août, son manager Michel Lévy m'a proposé un reportage de quatre jours à Alger. J'avais confiance en cet homme. J'ai décidé d'emmener avec moi ma première fille. A l'aéroport, une amie est venue nous accueillir, mais il y avait aussi Hicham Lazaâr, l'assistant de Lévy. Il a insisté pour que je l'accompagne jusqu'au bungalow qu'on m'avait loué. Je suis partie seule avec lui, pensant revenir très vite. Que s'est-il passé ? Dans le bungalow, Hicham m'a servi un jus d'orange. Au bout de quinze minutes, j'étais incapable de faire un geste. Il m'a assuré qu'il allait chercher un médecin et il est revenu avec une femme. « Elle va te faire une piqûre de vitamines. » Dehors, un taxi m'attendait avec, à son bord, Kader, le bras droit de cheb Mami. Ils m'ont conduite à la villa du chanteur. Dans une petite chambre, Kader m'a jetée sur un matelas par terre. Il m'a insultée et m'a dit : « T'as fauté. » Il a commencé à me déshabiller. Il voulait me bâillonner, mais il y a renoncé. Deux femmes sont arrivées. Elles m'ont fait trois piqûres, sans doute pour provoquer des contractions. L'une s'est mise à califourchon sur moi et me pressait le ventre, tandis que l'autre... Kader regardait. Cela a duré toute la nuit. Et le lendemain ? Je me vidais de mon sang. A l'aube, on m'a donné un pantalon noir et une serviette de toilette, on m'a poussée dans une voiture. A la station de taxis où il m'a relâchée, Kader m'a dit : « Si tu parles, on s'en prend à ta fille. » Vous n'êtes pas rentrée immédiatement en France ? Non. J'étais persuadée que leur opération avait réussie, que tout était fini. Une fois en France, j'ai pris rendez-vous avec un échographe qui m'a annoncé : « Il est bien vivant, ce petit bébé ! » J'étais aux anges. J'avais été très abîmée, mais la poche des eaux était restée intacte. Avez-vous hésité avant de porter plainte ? Oui. J'avais peur d'eux et je voulais croire que cheb Mami avait été berné. Surtout, j'ai pensé au bébé : je ne souhaitais pas qu'il sache, plus tard, ce que son père lui avait fait. Un avocat m'a déconseillé de déposer plainte et m'a incitée à réclamer un dédommagement. J'ai informé Michel Lévy que je me contenterais de 30 000 euros si cheb Mami s'excusait et s'engageait à me laisser tranquille. Comment a-t-il réagi ? Il croyait que je mentais. Il a demandé à sa secrétaire de vérifier que je n'avais pas posé un coussin sur mon ventre. Il rechignait à payer, alors que, parallèlement, il me proposait 100 000 euros pour avorter en Angleterre… Finalement, Michel Lévy m'a donné un chèque de 5000 euros, mais cheb Mami ne s'est jamais acquitté de la somme que je réclamais. A cette époque, je recevais sans cesse des coups de fils anonymes. Michel Lévy et la secrétaire de cheb Mami m'ont conseillé de me cacher avec ma fille. « Il a pété les plombs, m'a dit Lévy, il est prêt à la faire enlever. » C'est là que j'ai décidé de saisir la justice. Vous a-t-on crue ? Il s'est passé une chose extraordinaire. J'étais au commissariat de Saint-Denis. Mon téléphone portable a sonné. C'était cheb Mami. J'ai mis le haut-parleur. « Ce n'est pas possible que cela ait raté ! criait-il. J'étais là ! Le sang, je l'ai vu ! » Le policier a tout noté. « J'irais témoigner pour vous au procès », m'a-t-il dit. Après, tout s'est calmé. Ma grossesse s'est très bien passée. Le 4 mars 2005, j'ai mis au monde une petite fille, en pleine santé, dont les policiers ont prélevé l'ADN. (*) Extraits de l'interview accordée le samedi 16 mai au quotidien Le Parisien. Nous avons gardé le faux prénom donné par le journal à la jeune femme pour la protéger.