L'école primaire Mohamed Berkane (Bakoura), érigée sur le versant sud du mont Chenoua, avait jailli de l'anonymat, quand elle avait fait l'objet d'un acte de sabotage (explosion) perpétré par les hordes criminelles, dans la nuit du 12 février 1996. Le climat de terreur avait fait fuir un nombre important de familles de cette zone rurale. Un détour vers cet établissement scolaire durant le week-end dernier du mois de janvier 2005, marqué par une violente tempête de neige et de froid sibérien, nous a révélé que ce lieu du savoir construit en zone rurale, à l'instar de beaucoup d'autres dans la wilaya, est victime de l'oubli. Cette école primaire est aujourd'hui fréquentée par 195 élèves, filles et garçons. Quelques mètres avant d'arriver à cet établissement scolaire, une décharge publique s'étend sur la verdure. Ce qui signifie que le ramassage des ordures ménagères ne se fait pas. Le tronçon routier étroit obstrué qui relie la RN 11 à l'école se trouve dans un piteux état. La circulation des voitures est extrêmement rare. Les citoyens mettent environ 30 minutes pour parcourir le trajet qui relie ce petit village agricole à l'arrêt de bus, bien entendu lorsque la météo le permet. L'école comprend 12 classes, dont 7 accueillent les élèves des classes du 1er et 2e paliers. Les problèmes de l'eau et de l'électricité avaient été résolus pour cette école. Des enfants qui fréquentent cette école habitent dans deux hameaux lointains, douar Bouhalouf et douar Bensalah. La pluie vient de faire à nouveau des dégâts à l'intérieur des classes, du réfectoire, dans la cour et à l'extérieur de l'école. Les travaux d'étanchéité réalisés à deux reprises durant les cinq dernières années, très mal faits et non contrôlés par les services techniques compétents, ont causé des désastres. Des chutes de pluie ont été enregistrées et causent des désagréments. C'est un établissement scolaire qui n'a pas été repeint depuis plus d'une décennie. La clôture demeure en instance d'un projet de réfection. Pendant la séance d'éducation physique, les élèves sont perturbés par des jeunes oisifs de cette cité rurale. Le gardiennage de jour de cet établissement scolaire est assuré par un père de famille, recruté dans le cadre du filet social par l'APC pour un salaire mensuel de 3000 DA. Il reconnaît qu'il mène une vie très difficile, et c'est grâce à l'aide sporadique de son père, un simple retraité, qu'il arrive à survivre, en attendant qu'un jour les responsables le recrutent. En ces journées glaciales, les écoliers étudient dans de dures conditions. Il n'y a point de chauffage. Beaucoup d'élèves sont légèrement habillés. Quand l'oued est en crue, ils ne peuvent pas rejoindre les classes. Dans un passé récent, trois écoliers ont été emportés par les eaux de l'oued Hachem. Les enseignants de cette école et les habitants souhaitent qu'un fourgon de transport de voyageurs leur soit affecté. Sur un total de 195 élèves inscrits, seuls 106 ont bénéficié de l'aide à la solidarité de la rentrée scolaire. Mais à la fin de janvier 2005, douze élèves n'ont toujours pas perçu cette allocation de solidarité. L'école Mohamed Berkane est étouffée par le poids du silence et de l'oubli. Elle est demeurée mobilisée pour permettre aux enfants des zones rurales d'apprendre à lire et à écrire en dépit de l'adversité de son environnement. Mais jusqu'où peut aller cette patience ?