La condamnation était, pour rappel, de l'ordre de 100 000 DA devant être payés par les trois accusés, à savoir le directeur du journal Omar Belhouchet, la journaliste Salima Tlemçani et Kada Hazil, ancien directeur de l'action sociale d'Oran. Le brouhaha habituel, qui habite généralement les salles d'audience, a disparu hier pour laisser place à un silence religieux où l'assistance a prêté une oreille attentive aux détails de cette affaire où le trafic de drogue est associé à de hauts responsables. Le juge, derrière une masse considérable de dossiers, invite les parties à entrer dans le vif du sujet et l'instruire de la nature de la plainte et de l'article mis en cause. La genèse de l'affaire est étalée tour à tour par les prévenus qui ont avancé le seul souci de dénoncer un trafic qui a longtemps noirci la réputation d'Oran. «La journaliste a fait preuve de courage et d'abnégation en acceptant de faire une enquête sur le trafic de drogue à Oran. Il est de notoriété publique que cette ville est devenue une plaque tournante de ce trafic», indique Omar Belhouchet. Et à Salima Tlemçani de dire : «C'est sur la base de témoignages et de documents fiables que l'enquête a révélé une interconnexion entre le trafic de drogue et de hauts responsables. Ce trafic, avec toute la mobilisation des services de sécurité pour le contrecarrer, ne peut évoluer sans la complicité de hauts responsables», dit-elle. Ceci, en faisant rappeler qu'un officier des services de renseignements, qui était chargé d'enquêter sur le phénomène de la drogue à Oran, a été démis de ses fonctions, alors que le plaignant, le général Kamel Abderrahmane, était chef de la 2e Région militaire. Ceci est d'ailleurs l'objet de la plainte pour diffamation de ce dernier qui, sans réfuter l'ordre de limogeage de l'officier en question, dénonce le fait d'avoir été cité par sa fonction dans l'article incriminé paru en octobre 2006. Alors qu'il est du rôle des journalistes de mener des investigations en vue de faire dévoiler la vérité, le juge a reproché à Salima Tlemçani d'avoir effectué une enquête, «c'est le rôle de la police», dit-il. Ce à quoi, la journaliste répond : «Le journaliste est en droit d'enquêter.» Et au juge de reprendre : «Quand il était en fonction, personne n'a osé l'impliquer.» Et à la journaliste de dire : «C'est en sa qualité de chef de la Région militaire qu'il a été cité et non pas en tant que simple citoyen.» Devant la remarque du juge qui intente au travail du journaliste, le directeur d'El Watan lance : «Sachez qu'El Watan n'est pas de ceux qui affligent les personnes une fois qu'elles ont quitté leur fonction. Sachez que nous nous sommes prononcés contre le troisième mandat de Bouteflika alors qu'il est toujours en fonction.» Kada Hazil met un point d'honneur en affirmant encore une fois la véracité de ces accusations portées à l'encontre de Kamel Abderrahmane et d'autres responsables. «C'est en ma qualité de directeur de l'action sociale, nommé par décret présidentiel, que j'ai mené une enquête sur le phénomène de la drogue à Oran. Ceci ma valu une peine d'emprisonnement de deux ans, au même titre que de nombreux autres responsables dont un colonel du DRS ainsi que des douaniers qui avaient dénoncé ce trafic. Et le baron Zendjabil a bénéficié de soutiens jusqu'à obtenir facilement un passeport», note Kada Hazil devant l'étonnement de l'avocat Khaled Bourayou de voir que tant de preuves n'ont pas suscité la curiosité de la justice qui, en pareil cas, peut normalement se permettre d'ouvrir une enquête. Alors que la partie civile s'est faite discrète et s'est contentée de demander le maintien du premier verdict, la défense s'est interrogée sur la célérité dans le traitement de la plainte par le procureur général. «Lorsqu'un simple citoyen dépose plainte, il recourt au procureur de la République et ça prend des mois, voire des années, mais lorsqu'il s'agit d'un haut responsable, il s'adresse au procureur général et sa plainte est vite prise en charge. Que cache un tel empressement ?», s'interroge maître Bourayou en faisant remarquer que «le ministère public préfère poursuivre des journalistes plutôt que de prendre en charge le fond du problème qui est le trafic de drogue». Devant cette attaque, le procureur général ose une réplique qui laisse perplexe l'assistance. Il lit les énoncés d'un procès-verbal lié à une autre affaire remontant à 2001 afin de discréditer les propos de Kada Hazil. Chose qui a soulevé l'étonnement de la défense qui ne s'attendait pas à ce qu'un tel PV, lié à une autre affaire, soit utilisé de la sorte. A noter enfin que pour les mêmes faits, le journal El Watan a été disculpé par la cour d'Oran dans son procès contre le wali Kouadria. «Nous souhaitons que la cour d'Alger s'aligne sur le non-lieu prononcé par la cour d'Oran, puisqu'il s'agit des mêmes faits incriminés», conclut Omar Belhouchet, directeur de la publication d'El Watan.