Le programme présidentiel s'attache à doter le secteur de la justice de tous les moyens lui permettant de relever les défis    Lignes ferroviaires: la création du GPF, un grand acquis pour le secteur    La caravane nationale de la Mémoire fait escale à Khenchela    Implication de tous les ministères et organismes dans la mise en œuvre du programme de développement des énergies renouvelables    Le Général d'Armée Chanegriha reçu par le vice-Premier-ministre, ministre de la Défense et ministre de l'Intérieur du Koweït    Numérisation du secteur éducatif : les "réalisations concrètes" de l'Algérie soulignées    Beach Tennis: le Championnat national les 29-30 novembre à Boumerdes    Clôture du séjour de découverte technologique en Chine pour 20 étudiants    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Hand-CAN- 2024 dames: départ de l'équipe nationale pour Kinshasa    Attaf reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    Les incendies de forêts atteignent en 2024 l'un des plus bas niveaux depuis l'indépendance    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.235 martyrs et 104.638 blessés    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Liban: Josep Borrell réaffirme le soutien de l'UE à la FINUL    Le Président de la République préside l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Sonatrach : lancement d'un concours national de recrutement destinés aux universitaires    Organisation d'une journée d'étude sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Les joueurs mouillent-ils leurs maillots ?    Ligue 1 Mobilis : la LFP fixe les dates de la 11e journée    Belaili sauve l'EST de la défaite contre Ben Guerdane    Président colombien : « Le génocide à Gaza est un message d'intimidation envers les pays du Sud »    Des artistes illustrent les horreurs de Ghaza    L'indépendance de la République du Rif en marche    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Quarante-cinq lotissements sociaux créés à travers plusieurs commune    Opération de dépistage du diabète    Lettre ouverte A Monsieur le président de la République    L'Algérie révise partiellement sa politique des subventions des prix du gaz naturel pour les industriels    Deux artistes algériens lauréats    Commémoration du 67e anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Keynes est mort
Publié dans El Watan le 21 - 01 - 2009

Pour cette société, les pouvoirs publics doivent mener une analyse approfondie sur la cohérence entre investissement, prix et financement. Sinon, la charge pour le Trésor, qui a donné sa garantie aux banques pour les emprunts de l'entreprise, risque d'être lourde. En quatrième lieu, la dépense publique, très dépendante de la fiscalité pétrolière, est le moteur principal de la croissance des secteurs de la construction et des services et joue aussi un rôle important dans l'équipement et la croissance de l'agriculture. Dans le secteur de la construction, c'est la commande publique qui détermine, pour l'essentiel, la croissance des entreprises. Une enquête récente sur la PME en Algérie indique que plus de 34% des entreprises activent dans le secteur de la construction. Cette proportion est encore plus élevée dans certaines régions du pays comme à l'Ouest où l'activité industrielle est languissante depuis plus d'une décennie. La plupart de ces PME travaillent pour des marchés publics dans la construction de logements, d'infrastructures éducatives ou administratives, d'équipements publics de toutes sortes. Tout freinage de la dépense publique peut entraîner une baisse d'activité et des emplois offerts. C'est probablement le seul aspect keynésien de la politique publique auquel il faut être attentif, encore que l'offre du secteur est fragile et des efforts restent à faire pour renforcer les entreprises de construction, généralement sous-équipées et mal organisées qui connaissent des niveaux de productivité faibles et des coûts unitaires salariaux élevés.
La croissance du secteur des services modernes est très corrélée à celle des importations (transport, distribution, commercialisation des marchandises importées). Le retard parfois important mis pour le lancement de certains grands projets d'équipement public a freiné les importations et avec elles la croissance du secteur des services. La crise a enfin et surtout rappelé la faible contribution de l'industrie à la croissance globale. Le secteur industriel public, à quelques exceptions près, tire la croissance vers le bas malgré les capacités installées.
Entre 1970 et 2005, la production industrielle a été multipliée par deux et demi en Algérie, alors qu'elle a été multipliée par 12 en Tunisie, par 4 au Maroc, par 25 en Indonésie et par 6 en Turquie. L'industrie hors hydrocarbures, en 2006, a produit, en termes constants, pratiquement la même valeur que celle produite en 1983. La place de l'industrie dans l'économie nationale a fortement chuté et l'Algérie est l'un des rares pays en développement à connaître une situation semblable.
Le recul observé en Algérie est considérable. La place des industries manufacturières est passée de 6,7 à 5,2% du PIB entre 2003 et 2007. Le pays est passé, ces dernières années, à la dernière place des trois pays du Maghreb en matière de produit industriel par tête. Les nombreuses et conséquentes mesures financières déjà adoptées n'ont pas réglé les problèmes structurels des entreprises publiques : les sureffectifs sont toujours là, le vieillissement des équipements et leur obsolescence sont réels, les pertes de parts de marché sont d'autant plus intenses que la libéralisation commerciale et l'ouverture aux nouveaux investisseurs ont été fortes. Peut-être a-t-on sous-estimé le démantèlement tarifaire effectué ces dernières années. L'Algérie s'est retrouvée en 2007 parmi les pays qui protègent le moins leur industrie : 9% de droits de douane en moyenne alors qu'ils sont autour de 15% dans les pays voisins et de 22% en Egypte. Mais les statistiques montrent que le déclin industriel public est antérieur à la déprotection effective de l'industrie comme c'est le cas de façon éloquente pour les industries textiles, des cuirs et peaux et des bois et papiers. D'autres facteurs ont pu jouer, comme les coûts unitaires salariaux, la stagnation technique et l'évolution du taux de change. Pour toutes ces raisons relatives à la dynamique propre des différents secteurs de l'économie, il y a de fortes chances de voir le taux de croissance global reculer en 2009.
Les conséquences sociales possibles du recul de
la croissance
Tout se jouera évidemment du côté de l'emploi et du pouvoir d'achat de la population. On se rappelle que la crise pétrolière de 1986 avait entraîné une forte récession qui avait duré pratiquement dix ans. En conséquence de l'arrêt des investissements et de la crise des approvisionnements, la création d'emplois avait chuté brutalement et le taux de chômage avait bondi. Comment cela peut-il se passer en 2009 ?
Cela dépendra du comportement des secteurs créateurs d'emplois. Selon les calculs de la Banque mondiale, au cours de la période 2000-2005, la contribution de l'agriculture s'est élevée à 40% des emplois nouveaux, celle du secteur de la construction à 22%, le tout dans le contexte d'une croissance extensive, à faible productivité du travail, à faibles salaires, fortement tirée par la dépense publique.
L'évolution de l'emploi dans l'agriculture dépendra des conditions climatiques et de l'exécution des dépenses publiques dans ce secteur. Certains observateurs ont noté que la dépense publique a été beaucoup plus bénéfique aux vendeurs d'équipements de l'agriculture qu'aux exploitations agricoles elles mêmes. La pérennité de l'emploi dans le secteur de la construction dépendra de l'évolution des mises en chantier de logements financés ou aidés par l'Etat mais aussi du rythme d'avancement des grands travaux.
Hors auto-construction, les mises en chantier de nouveaux logements ont été estimées comme suit : 330 000 en 2005 ; 244 000 en 2006 et 161 000 en 2007. Cette évolution est un motif de préoccupation en raison de son impact sur l'emploi et sur la disponibilité de logements, notamment dans les grandes villes qui connaissent une inflation des prix et des loyers. La raison en est la faiblesse des capacités de réalisation ou parfois de la lourdeur des procédures administratives. La plus grande vigilance doit être déployée pour ne pas perturber l'emploi dans cette branche, porteuse de stabilité sociale.
Le pouvoir d'achat de la population dépendra de l'emploi mais aussi de l'évolution des prix, notamment à l'importation. Les statistiques publiées récemment par l'ONS indiquent une croissance de près d'un quart des prix à l'importation de 2008 par rapport à 2009, notamment pour les produits alimentaires dont les prix ont évolué encore plus vite. C'est très préoccupant. L'inflation mondiale sera en principe ralentie par la crise mais tout dépendra de la politique monétaire qui sera suivie par les principaux pôles économiques mondiaux et notamment de l'impact des nouvelles politiques de soutien de l'activité sur les prix aux Etats-Unis et en Europe. L'impact de l'inflation sur les prix intérieurs dépendra aussi de l'évolution des taux de change au plan mondial et de la politique suivie par la Banque d'Algérie.
La charge qui en résultera pour le budget pour les subventions mérite aussi l'attention.
Dans ce contexte de crise, les risques de surendettement des ménages restent modestes. Au cours des dernières années, le crédit aux particuliers a augmenté rapidement sous l'effet de la croissance des revenus des ménages et de l'impulsion apportée par les nouvelles banques. A fin de 2006, le total des crédits aux particuliers s'élevait à 202 milliards de dinars avec 127 milliards pour le logement, 65 milliards pour le crédit automobile, le reste réparti entre les équipements électroménagers et l'informatique. Les années 2007 et 2008 ont certainement accentué cette croissance mais les encours restent moyens. Ce volume de crédits aux particuliers est modeste, il ne représente que 10% des encours à l'économie et place l'Algérie en queue des pays arabes.
En 2006, l'encours du financement bancaire du logement ne dépassait pas 1,5% du PIB alors que les aides publiques au logement représentent, elles, plus de 3% du PIB et ont encore augmenté avec la mise en place d'un important programme public pour la période 2006-2009.
Deux banques distribuent l'essentiel du crédit immobilier aux particuliers : la CNEP qui en distribue 80% et la BDL, un peu plus de 14% ; les banques étrangères ne se sont pas vraiment engagées sur ce marché. Les risques de surendettement sont faibles, notamment si on tient compte de la hausse des prix de l'immobilier dans les grandes villes qui accroît la valeur des actifs des ménages. Mais cette hausse des prix entraîne déjà une éviction des classes moyennes traditionnelles. Le marché du crédit immobilier est complexe : il se développe plus vite à l'intérieur du pays en raison d'un accès plus aisé au foncier, avec un crédit moyen modeste de l'ordre de 800 000 dinars. Il est en stagnation dans les grandes villes en raison de la rareté du foncier, de la hausse des prix de vente et du niveau de revenu des candidats à l'achat. La pression de la demande s'accentue sur le logement social, y compris de la part des cadres moyens et sur l'AADL en raison des prix et des conditions d'accès encore raisonnables.
Le crédit automobile est distribué principalement par trois banques : la CNEP pour plus de 35 milliards de dinars, la banque Baraka pour plus de 15 milliards de dinars et la BNP pour un montant plus modeste mais en croissance. La Société Générale vient loin derrière. Mais son taux de croissance est important et il représente une proportion importante des fonds propres des banques qui le distribuent.
Les risques de surendettement sont faibles, notamment si on tient compte de la hausse des prix de l'immobilier dans les grandes villes qui accroît la valeur des actifs des ménages. Mais cette hausse des prix entraîne déjà une éviction des classes moyennes traditionnelles. Même si les défauts de paiement ne constituent pas un phénomène préoccupant, récemment, plusieurs banques de la place ont exprimé le souhait de voir naître une centrale des risques pour les crédits aux particuliers.
D- La crise et la confiance
La confiance est un facteur de production à côté du capital et du travail. Ainsi, les plans de relance mis en œuvre en Europe pour relancer la consommation et l'investissement n'ont pas eu tout l'impact attendu. Devant le risque réel de voir les économies sombrer dans la récession, faute de distribution de crédits aux entreprises et aux ménages, la réaction des gouvernements a été globale et massive mais ne sera pas nécessairement couronnée de succès tant les anticipations sont devenues négatives et la crise de confiance profonde. L'élément psychologique joue à plein.
Les ménages, déjà fortement endettés dans certains pays, n'ont pas voulu aller plus loin et les entreprises face à l'atonie de la consommation sont restées dans l'expectative en matière d'investissement. La relance peut être plus significative lorsqu ‘elle compte sur l'investissement public ou celui des entreprises publiques comme dans le cas de la France. L'Algérie qui dispose, pour l'instant, d'énergie à bon marché, de ressources financières abondantes et peut faire valoir sa position géographique centrale et son marché dynamique a une économie en principe attractive qui inspire confiance. Les entreprises privatisables constituent aussi un élément d'attractivité non négligeable à condition que la privatisation soit conduite avec soin et surtout suivie d'effet. Le pays a la chance d'être moins exposé à la crise que le Maroc ou la Tunisie dont les secteurs bancaires et immobiliers ont été plus massivement investis par les capitaux étrangers, français, espagnols et arabes et dont les secteurs exportateurs sont aussi simultanément très exposés. Mais elle doit faire un effort pour rassurer les investisseurs, tous les investisseurs, par la stabilité de son discours et de sa pratique à leur égard.
La nécessité d'afficher un discours clair et stable en direction de l'opérateur extérieur quel que soit son domaine d'intervention (réalisation de projets, participation à la privatisation, investissement direct), n'exclut pas la lutte contre les prédateurs bien connus maintenant. Elle est la condition d'une crédibilité internationale du pays.
Parmi ces investisseurs, une attention particulière doit être portée aux grandes entreprises, en voie d'internationalisation et en quête de débouchés européens, originaires d'autres pays émergents et aux «grosses» PME déjà exportatrices vers l'Algérie situées de l'autre côté de la Méditerranée et en quête de délocalisation.
A un moment de moindre abondance des ressources publiques en raison de la baisse du prix du pétrole, la plus grande attention doit être accordée à la mobilisation des ressources privées et, en la matière, la confiance est un facteur décisif. Il faut simultanément redonner confiance aux gestionnaires du secteur public, tétanisés par la crainte de prendre des initiatives et des décisions, en particulier dans les banques.
3- L'impertinence des politiques keynésiennes en Algérie
La crise est un moment propice à l'évaluation, à la réflexion et à l'action. Elle met à nu la faible diversification de l'économie, notamment en raison de la faible substitution aux importations, la concentration excessive de nos ressources extérieures et la fragilité de la base financière de l'Etat qui résulte de ces phénomènes. La qualité actuelle de la croissance est médiocre : la productivité du travail est en baisse dans l'agriculture et la construction, alors que la désindustrialisation du pays se poursuit. La répartition du revenu est devenue plus inégalitaire en raison de la stagnation relative des revenus salariaux et de la dynamique des revenus non salariaux produite par l'ouverture de l'économie et celle du secteur informel. Cette situation n'est pas une fatalité. Dans mon dernier livre Pour une meilleure croissance, j'ai décrit le potentiel formidable de croissance qui existe dans les différents secteurs de l'économie et les politiques publiques nécessaires pour le mobiliser. Le marché de l'argent d'abord au cœur du financement de l'investissement et des entreprises est toujours victime d'une structure encore déséquilibrée de l'industrie bancaire, en termes d'acteurs, de ressources et de produits, qui perpétue des effets d'éviction préjudiciables à l'investissement et à la croissance. Sonatrach, replacée par le législateur au centre de l'accumulation dans le secteur, est face à de nouveaux défis qui imposent des efforts considérables de modernisation de l'entreprise nationale. Il faut préserver et renforcer la production et les exportations d'hydrocarbures par des efforts importants de recherche et de développement. On a vu plus haut la nécessité de protéger le programme amont de Sonatrach, notamment pour le pétrole. Mais on a aussi besoin d'économiser l'énergie consommée localement pour renforcer l'offre exportable.
La croissance très rapide de la consommation intérieure d'énergie, avec un gaspillage notable, est un problème sérieux de macroéconomie qu'il faut traiter comme tel. Chacun a notamment en tête la question de la consommation d'électricité et des carburants, notamment du diesel et des coûts d'opportunité qui leur sont liés, qui imposent des efforts d'investissement qu'on pourrait réduire. Certes, pour le moment, la place des énergies renouvelables est marginale dans le bilan énergétique national : moins de 1% fourni essentiellement par l'hydroélectricité, le solaire, l'éolien, la géothermie et la biomasse représentant 0,01% du bilan global.
En dépit des stratégies, programmes et projets annoncés, le bilan est très maigre. Tout ou presque est à faire. Les différentes énergies mobilisables, pour l'éclairage et le chauffage résidentiel notamment, diffèrent d'une région à l'autre. La valorisation des ressources naturelles hors hydrocarbures, notamment dans le domaine minier, portuaire et touristique, reste presque totalement à faire alors que le pays dispose d'avantages compétitifs importants en Méditerranée.
La reconquête des marchés intérieurs de produits aussi importants que les produits alimentaires, le ciment, l'acier, les médicaments, la téléphonie abandonnés indûment aux importateurs, appelle d'autres politiques économiques pour élargir l'offre locale, la croissance et l'emploi. L'agriculture, le tourisme, les transports aérien et maritime, la construction ou les nouvelles technologies conservent un potentiel de croissance encore considérable. Toutes ces politiques de diversification ont été rendues difficiles sinon impossibles par le recours trop facile aux importations grâce à la manne financière du pétrole.
A. Renforcer les acteurs
de la croissance
La diversification de la croissance dépendra d'abord de la qualité et des stratégies des acteurs.
L'apport de l'investissement extérieur est fondamental, notamment comme vecteur du changement technologique. En contexte de crise, il faut rassurer les investisseurs et notamment les investisseurs étrangers porteurs de technologies et de savoir-faire. Depuis quelques années, de nouveaux investisseurs étrangers se déploient en Algérie. Ils investissent, recrutent, forment, font des profits et transforment les règles du jeu économique en Algérie. Les marchés, progressivement plus concurrentiels, procurent des biens et des services de meilleure qualité aux consommateurs.
L'attractivité de l'économie algérienne pour ces investisseurs nouveaux a été incontestable, et pas uniquement dans le secteur des hydrocarbures. Il faut capitaliser sur ce premier mouvement dans et hors du secteur des hydrocarbures pour rendre l'économie algérienne encore plus attractive à la fois pour les investisseurs étrangers et locaux. Cette dynamique des investissements étrangers en Algérie doit être évidemment réexaminée dans le contexte de la crise. L'impact de la crise sera ambivalent. Le ralentissement économique de l'Europe est de nature à freiner son dynamisme international et donc ses investissements extérieurs. Les gros investisseurs seront probablement moins incités à investir. Il faut examiner les nouvelles stratégies des filiales locales des grands groupes internationaux dans l'industrie et les services mais aussi dans le secteur de l'immobilier et du tourisme, leurs priorités et la place que l'Algérie y occupe.
La privatisation et le partenariat sont des moteurs du développement industriel mais leur mise en œuvre doit être suivie pour encourager les meilleures pratiques. En sens inverse, des pratiques de prédation sont signalées ici et là de la part d'investisseurs plus enclins à tirer un profit maximal du marché, que de se tenir à leurs engagements d'investir, de produire et de former. Certains cas sont déjà sur la place publique et vont désespérer les Algériens et pénaliser les repreneurs de bonne foi. Il faut améliorer l'action publique dans le domaine du transfert des actifs au privé et du partenariat, pour renforcer à l'avenir les chances de succès. Trop de cas viennent à l'esprit qui illustrent une inertie formidable qui découragent les repreneurs.
On doit fixer les droits et les obligations de l'investisseur étranger pour maximiser son apport à l'économie nationale sans léser ses intérêts, notamment à la lumière des expériences de ces dernières années dans la sidérurgie, le ciment ou la téléphonie, etc. La qualité de la gouvernance du secteur industriel public et privé, est un facteur déterminant aujourd'hui pour les entreprises et leur contribution à la croissance générale.
La mise à niveau comme ensemble de mesures d'accompagnement des entreprises pour acquérir une capacité suffisante de compétitivité est indispensable pour les entreprises mais il faut aussi agir sur les comportements et les mentalités des managers pour donner plus de place à l'organisation, à la stratégie, à la gestion des ressources humaines et des finances.
Il faut renforcer les entreprises locales, en créer beaucoup d'autres et les soustraire toutes à l'arbitraire de certaines administrations. Il est indispensable de développer les PME dans l'industrie.
Au cours des dernières années, leur nombre s'est accru principalement dans les secteurs des services et dans la construction et très peu dans l'industrie. Un indicateur reflète assez bien cette situation : en 2006, il y avait 86 PME pour
10 000 habitants en Algérie, 344 en France. Certains autres pays en sont à 400 voire à 700. Le principal facteur explicatif est la formation qui reste assez faible et mal orientée vers l'entrepreunariat.
B. Améliorer l'efficacité de l'investissement
La diversification de l'économie passe évidemment par un effort d'investissement. Encore faut-il que celui-ci soit efficace. Dans un article récent, Ahmed Bouyacoub a comparé, pour la période 1970-2005, l'efficacité de l'investissement réalisé en Algérie par rapport à celui effectué au Maroc et en Tunisie. L'Algérie a investi, de 1970 à 2005, par tête d'habitant, deux fois et demi plus que le Maroc, une fois et demi plus que la Tunisie. Or, le taux de croissance annuel moyen du produit intérieur brut (PIB), c'est-à-dire de la richesse produite par individu, pendant la même période, est de 0,1% pour l'Algérie, 1,4% pour le Maroc et 2,3% pour la Tunisie.
On constate que sur le très long terme et malgré les investissements importants, la croissance du PIB par individu a été très faible en Algérie. La croissance économique a à peine couvert la croissance démographique. Ceci nous interpelle même si une partie de l'investissement a servi directement à la consommation collective d'éducation, de santé et de sécurité. L'efficacité de l'investissement en Algérie est liée à sa structure : la part dominante de l'investissement public et celle du secteur des hydrocarbures tire cette efficacité vers le bas pour des raisons bien connues. L'efficacité de l'investissement sera accrue, à l'instar de la Tunisie et du Maroc, lorsque la structure de l'investissement sera rééquilibrée en faveur de l'investissement privé. A cet effet, l'accès du secteur privé aux ressources d'investissement, sous différentes formes, est primordial. Beaucoup reste à faire aussi dans ce domaine, notamment quand il s'agira d'améliorer les relations entre l'administration et les entrepreneurs privés. La première, submergée et omnubilée par la réalisation de l'investissement public, n'a pas le temps, les moyens ou la volonté d'encourager et de faciliter les porteurs de projets. C'est dans l'économie locale que se joue aussi la diversification.
C. Mieux financer l'investissement
L'amélioration de l'intermédiation financière est évidemment un moyen incontournable de la diversification. La crise, parce qu'elle restreint la base financière de l'Etat et son épargne budgétaire, est un bon moment pour réévaluer la politique budgétaire actuelle et le financement global de l'économie. De nombreux programmes ont été mis à la charge du budget alors que d'autres modes de financement étaient possibles, en recourant au moins partiellement aux financements privés. Aller du budget au financement par les banques et le marché des capitaux, comme cela est possible pour de nombreux investissements, nécessite cependant de prendre de nombreuses mesures. Certaines concernent la politique des prix qui doit être ajustée pour renforcer la bancabilité de nombreux projets. D'autres sont relatives à l'industrie bancaire elle-même et au marché des capitaux.
Le renforcement des fonds propres de la place est le premier impératif. Il exige une meilleure capitalisation des banques publiques mais simultanément l'amélioration substantielle de leur gouvernance pour les empêcher de dilapider de nouveau le capital public. L'accumulation de créances non performantes sur le secteur privé a atteint un niveau préoccupant. Elle est d'autant plus regrettable qu'elle reflète parfois des phénomènes de surfacturation qui facilitent la fuite des capitaux. Hier, la perte de substance des banques a pu être expliquée aux Algériens par les difficultés des entreprises publiques, si nécessaires à la construction du socialisme.
Comment expliquera-t-on aux Algériens les saignées d'aujourd'hui et de demain ?
Les banques étrangères doivent aussi participer au renforcement des fonds propres de la place soit par obligation légale, passer de 2,5 à dix milliards de dinars de capital n'est pas déraisonnable, soit par des mesures incitatives complémentaires. Il reste aussi pour elles la possibilité d'ouvrir leur capital à des actionnaires locaux, ce que n'interdisent ni la loi ni la raison. Mais pour ce faire, elles doivent être traitées équitablement et rassurées sur leur avenir. La plupart sont des filiales de banques internationales qui connaissent des difficultés importantes. Celles-ci vont certainement encourager leurs filiales à l'étranger à collecter plus de ressources locales et à développer leurs activités de crédit.
Il faut veiller à leur bonne santé parce qu'elles sont utiles pour le pays. Les amendes, récemment infligées par la Banque d'Algérie, en application de la loi relative aux infractions en matière de mouvements de capitaux, se révèlent très lourdes pour elles et sont de nature, au moins pour certaines d'entre elles, à porter atteinte à la poursuite de leurs activités en Algérie.
Le renforcement des ressources longues des banques est aussi un impératif pour faire face au coefficient de transformation. Il se fera aussi en conduisant plus d'épargnants vers le marché des capitaux et en permettant à toutes les banques d'y accéder plus rapidement. Il faut aussi statuer sur le rôle de la CNEP dont la politique du crédit est contrainte.
Enfin, malgré la crise, l'excédent important de l'épargne sur l'investissement, qui a été présenté plus haut, pose la question de savoir si l'intermédiation financière ne souffre pas fondamentalement du fait que les liquidités disponibles sont concentrées chez des acteurs ou dans les banques (Trésor, BEA et CNEP) qui n'en ont pas l'usage immédiat. Il faut songer à un redéploiement substantiel de ces moyens financiers vers les intermédiaires financiers qui peuvent les acheminer vers les vrais investisseurs et soumettre ce redéploiement à une meilleure régulation. Le statu quo actuel, qui fait coexister des ressources financières oisives et un sous-investissement dans les entreprises, est un obstacle à l'investissement et à la croissance.
La diversification de l'économie algérienne passe d'abord par sa réindustrialisation et celle-ci est impensable sans une intermédiation financière plus efficace et une élévation du niveau technique de toutes les entreprises. Outre ce qui a été dit sur le renforcement de l'intermédiation financière du marché, la gestion des ressources du Fonds de régulation des recettes peut être un des moyens pour atteindre cet objectif.
Après une première mission, partiellement accomplie, qui a vu les ressources du Fonds servir à la réduction très importante de la dette publique, la seconde mission fixée au Fonds a été, depuis 2006, la couverture du financement des grands projets infrastructurels de la période 2006-2011. Il faut regarder au-delà de cette date et envisager d'autres missions pour faire participer le Fonds à la réindustrialisation du pays qui est un défi pour la diversification de l'économie.
Conclusion : Pour l'Algérie, Keynes est bien mort
Comme on l'a vu, les impacts budgétaires et financiers de la crise en Algérie sont maîtrisables dans les court et moyen termes : sauf baisse encore plus accentuée du prix du pétrole, le financement des grands projets d'équipement et la viabilité de la balance des paiements, allégée du service de la dette, sont assurés pour le moyen terme. Par contre, l'impact sur la croissance est plus significatif et risque d'être plus durable en raison du poids des hydrocarbures et de la fragilité des autres secteurs qu'il faut corriger par des politiques publiques ambitieuses et stables de consolidation et de diversification de l'offre locale, dont la mise en confiance fait partie.
La crise, par ses effets idéologiques, peut conduire certains, heureusement moins nombreux qu'ils ne croient, à contester l'ouverture économique conduite depuis de nombreuses années et freiner pour longtemps les réformes dont l'Algérie a tant besoin. Les bateleurs ne sont pas les payeurs.
Il faut au contraire poursuivre les réformes dans la sphère publique et dans la sphère économique et financière pour élargir et diversifier l'offre locale, améliorer les performances économiques et l'efficacité dans l'allocation des ressources, mieux définir et renforcer la fonction de régulation et de stratégie de l'Etat et consolider sa base financière. Décidément, pour l'Algérie, Keynes est bien mort.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.