Ce qui n'était jusque-là qu'une hypothèse farfelue, formulée par certains cercles politico-médiatiques, tend de plus en plus à se préciser : Saïd Bouteflika, le frère cadet du président de la république, prépare bel et bien la création d'un parti politique. Un ex-membre du gouvernement l'a confirmé hier en marge de la réunion de l'instance exécutive du FLN. Ce « projet » serait, selon lui, dans sa phase de « normalisation ». Il s'agit, a-t-il dit, de faire d'abord « accepter » à l'opinion ce concept nouveau de succession à la tête de l'Etat. L'ex-ministre affirme que les personnalités politiques, dont certaines faisaient partie du staff de campagne de Bouteflika, ont été « approchées » par le frère et conseiller du président, Saïd Bouteflika. Des tractations poussées, non démenties par la présidence de la république qui, si elles venaient à aboutir, chambouleraient tout le paysage politique. Au FLN, on n'est pas « d'accord » et son secrétaire général le laisse entendre. « Rien ne se fera en dehors ou sans le consentement du FLN », déclarait hier Abdelaziz Belkhadem. La réponse du berger à la bergère. Même s'il ne le dit pas expressément, Abdelaziz Belkhadem (ministre d'Etat et représentant personnel du président de la république) ne semble pas apprécier les nouvelles qui arrivent du front. Dans son discours alambiqué, aux formes anguleuses, prononcé à l'ouverture des travaux de la Commission exécutive, Belkhadem a mis un point d'honneur à rappeler les bons et loyaux services rendus par le parti au président et revendique la paternité de la « réussite » du dernier scrutin présidentiel comme pour signifier sa désapprobation à l'idée de la création d'un parti politique, dont la mission première est de porter le frère du président à la magistrature suprême. Le Fln a su, à ses dires, démontrer lors de l'élection présidentielle « son potentiel mobilisateur », sa « discipline », sa « présence » et son « ancrage national ». Le patron du FLN est resté néanmoins prudent. A ce propos, l'ex-membre du gouvernement regrette qu'il n'ait pas fait usage de « franchise » face aux cadres de l'instance exécutive, d'un « style direct », préférant à cela une pléthore de non-dits et d'insinuations malicieuses. Il est difficile cependant de ne pas faire le rapprochement entre les déclarations de Belkhadem et les informations rapportées lundi par le Quotidien d'Oran et faisant état de « contacts intenses », entamés, au pas de charge par Saïd Bouteflika pour le lancement prochain de « son » parti. Ces informations, rendues publiques à quelques mois du 9e Congrès du FLN, ont visiblement fait l'effet d'une bombe au sein du vieux parti. Dans ses travées, le sujet fait indubitablement sensation. La crainte de voir se répéter le scénario de 1997 hante encore les esprits, tant la saignée qui a suivi la création du RND a laissé des séquelles. Belkhadem appelle les militants du parti à faire bloc, « à serrer les rangs » et à ne pas prêter le flanc aux entreprises de déstabilisation qui menacent le parti. « Nous sommes ciblés. Une campagne, qui n'est pas la dernière, cible le FLN depuis l'amendement de la Constitution (…) C'est un rouleau compresseur, qui n'épargne aucune direction de parti, aucun groupe parlementaire (…) », prévient-il ses militants. Une campagne avec ses contingents d'« exécutants » et « surtout de commanditaires » tapis dans l'ombre. « Le FLN se maintiendra, malgré tout debout », se répète-t-il trois fois, sous les applaudissements des membres de l'instance exécutive.