Selon certains universitaires, l'Algérie ne dispose pas de doctrine en matière de politique étrangère d'où ces attractions-répulsions avec l'ancienne puissance coloniale « en fonction du contexte ». Les universitaires algériens sont loin de partager l'optimisme béat de nos autorités sur la prétendue aura diplomatique de l'Algérie à l'étranger. Loin s'en faut ! Hier, une conférence autour de la politique étrangère de la France sous Sarkozy, organisée par le centre d'Echâab des études stratégiques, a viré à une démystification de la diplomatie algérienne. « Nous n'avons aucune identité, nous ne sommes ni Arabes ni Français, ni Africains et encore moins musulmans… ! Nous n'avons pas pu et su dessiner notre cercle, c'est pour cela que personne ne veut de nous ! » C'est en ces termes crus qu'a tonné Salah Saoud, enseignant au département des sciences politiques de l'université d'Alger, devant une assistance médusée par tant de cran, en ces temps où le politiquement correct tient lieu de stratégie discursive. Ce fut le clou d'une conférence-débat dont la thématique choisie –la politique étrangère de la France– n'avait pas trop emballé les journalistes, les universitaires et les diplomates présents avant que la dissection de la diplomatie algérienne ne fasse irruption dans les questions. Un thème qui ne pouvait tomber mieux au lendemain d'une déclaration polémique du président de l'APN sur le thème de la mémoire en marge de sa visite à Paris. Après avoir ouvert la boîte de Pandore par son propos tonitruant, le professeur Saoud à fait des émules dans la salle dans une sorte de réquisitoire contre la diplomatie algérienne accusée d'être stratégiquement inclassable. Illusion d'optique Un intervenant a appuyé ce constat par l'avis d'un haut responsable de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui déclarait : « Avec l'Algérie, on est vraiment perdus face à une population francophone et un Etat qui ne l'est pas ! » Abdelhamid Bessa, également professeur à l'université d'Alger, a, quant à lui, estimé que l'Algérie ne s'est pas encore départie de l'influence « tutélaire » de la France. « Vous savez tous que des avions militaires français survolent quotidiennement l'espace aérien algérien dans des opérations au Sahel et en Afrique ! », lance-t-il, comme pour corroborer la thèse selon laquelle l'Algérie reste dans le pré carré français malgré le faux débat autour de la mémoire. Nos universitaires n'ont pas souhaité commenter les soubresauts de la diplomatie algérienne à l'égard de la France, notamment autour de la question de la mémoire et de la repentance. Mais tous considéraient que l'Algérie ne dispose pas de doctrine en matière de politique étrangère d'où ces attractions répulsions avec l'ancienne puissance coloniale « en fonction du contexte ». Il ressort du débat que notre pays affiche des positions fluctuantes au gré des calculs politiques internes surtout. Les quelques coups de sang des responsables algériens à l'égard de la France devraient, d'après eux, être catalogués dans la rubrique des diversions. Personne, hier dans la salle, n'était en mesure d'expliquer pourquoi la visite annoncée de Bouteflika à Paris a-t-elle été reportée. Cette « illisibilité » confirme, d'après les conférenciers, le caractère « insondable » des rapports que développe l'Algérie avec la France qui ne sont pas forcément indexés sur les intérêts bien compris des deux pays. En revanche, tout le monde s'accorde à reconnaître à la France une « cohérence » diplomatique quand bien même elle a rompu tactiquement avec sa « politique arabe » chère au président Chirac. Le fait que l'Algérie ait cautionné l'UPM de Sarkozy et réanimé des entreprises françaises moribondes par de juteux contrats sans contrepartie « visibles », à l'exception d'un soutien franc au troisième mandat, confirme aux yeux des experts que la diplomatie algérienne n'a plus voix au chapitre. Le tapis rouge déroulé aux responsables algériens à Paris n'est finalement pas signe que tout est rose…