Une troïka européenne se déplacera dans les prochains jours à Alger pour rechercher avec le gouvernement algérien les voies et moyens de renforcer la stabilité au Sahel et d'écarter durablement la menace du terrorisme. C'est Me Rezzag Bara, conseiller à la présidence de la République, qui a rendu publique l'information, hier, lors d'une conférence-débat consacrée aux « Politiques des grandes puissances dans le Sahel africain », organisée par le journal arabophone Ech-chaâb. Me Rezzag Bara n'a pas fourni de détails concernant la composante de cette troïka ni sur son agenda exact. Toutefois, depuis le traité d'Amsterdam, il est utile de savoir que la troïka de l'Union européenne réunit généralement le ministre des Affaires étrangères de l'Etat membre qui assure la présidence du Conseil de l'UE , le secrétaire général ou le haut représentant pour la politique étrangère et à la sécurité commune. Il réunit aussi le commissaire européen chargé des relations extérieures et de la politique de voisinage. Même s'il ne s'est pas trop attardé sur la question, Me Rezzag Bara a néanmoins accepté de donner son appréciation concernant la visite de la troïka européenne. Selon lui, celle-ci doit être perçue comme « une reconnaissance du rôle leader joué par l'Algérie pour sécuriser et mettre la région du Sahel sur la voie du développement ». Un rôle, rappelle-t-on, clairement reconnu par les Etats-Unis d'Amérique à travers la visite effectuée, la semaine dernière à Alger, par le commandant en chef de l'Africom et les débats abrités le 17 novembre dernier par le Sénat américain. Me Rezzag Bara a confié, en outre, que les Européens viendront aussi à Alger avec l'idée de renforcer le leadership acquis de l'Algérie. Le point de vue développé par Me Rezzag Bara, concernant la place et le rôle de l'Algérie dans la sous-région sahélienne, a été globalement partagé par les animateurs de la conférence, Salem Barkouk et Saoud Salah, tous deux universitaires et experts en relations internationales. Les deux chercheurs s'accordent également sur le fait que la principale menace pour l'Algérie pourrait venir du Sud durant les prochaines années. MM. Barkouk et Saoud ne se sont toutefois pas mis d'accord sur la nature des rapports qu'entretiennent les Etats-Unis et la France, les deux grandes puissances présentes dans la région. Alors que le docteur Saoud Salem soutient l'idée que la relation entre les Etats-Unis et la France au Sahel est basée sur un partage des rôles et des intérêts, le docteur Salem Barkouk a défendu âprement l'idée qu'il existe une forte rivalité entre Washington et Paris. Les Etats-Unis et la France, la grande rivalité Au-delà, les experts algériens ont tous les deux mis l'accent sur le fait que les Etats-Unis et la France ont depuis longtemps pris l'option stratégique de marquer, chacun selon ses intérêts, ses priorités et sa doctrine, une présence au Sahel pour en faire une plateforme pour l'exercice de leur influence. Le docteur Saoud est allé plus loin en disant que « la France ne serait pas la France sans le Sahel ». La raison de toutes ces manœuvres ? Assurer, entres autres, un accès aux richesses naturelles et particulièrement aux ressources énergétiques. Dans ce contexte, Salah Saoud a soutenu que « la politique de la France a un contenu ancien mais avec une approche nouvelle » qui repose sur un certain nombre de pays dont la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad. Selon le conférencier, le changement se situe surtout au niveau du ton employé et de la manière adoptée. M. Saoud a estimé que dans le fond, la relation de la France avec ses anciennes colonies n'a pas changé dans son essence et ses objectifs. Salem Barkouk, qui est revenu sur la politique africaine des Etats-Unis, a expliqué que les événements du 11 septembre ont constitué un tournant dans la politique extérieure de Washington, en ce sens que les Américains se sont orientés vers la lutte antiterroriste en « soutenant l'action collective avec d'autres parties dont les pays sahélo-sahariens ». La partie américaine, a poursuivi M. Barkouk, explique ses efforts par « le désir de ne pas laisser la région se transformer en havre de paix pour des groupes terroristes qui ont, avec le temps, tissé des liens étroits avec le crime organisé ». Washington inclut également dans son approche une dimension assez méconnue mais non moins importante qui est celle du pétrole. Pour s'en convaincre, il n'y qu'à jeter un coup d'œil sur le rapport de l'ex-vice-président américain, Dick Cheney, paru en 2002. En effet, celui-ci mentionne l'Afrique comme une des ressources énergétiques stratégiques nécessaires pour les USA à l'avenir. Le point de vue ne sera certainement pas démenti par la Chine, une puissance de plus en plus présente en Afrique et qui commence sérieusement à menacer des positions dominantes des uns et des autres.