Sept ans à peine après le recouvrement de sa souveraineté nationale, l'Algérie accueillait l'Afrique, dont une partie des pays était sous occupation coloniale ou sous régime d'apartheid, ainsi que des Afro-Américains pour le premier rassemblement culturel à l'échelle continentale. Quarante ans après, l'Algérie devra à nouveau reprendre le flambeau du 5 au 20 juillet prochain avec ses propres moyens financiers, logistiques et humains. Il ne s'agit pas de la célébration d'un anniversaire, mais d'un événement en soi qui appelle à être pérennisé. Paris. De notre bureau Si le 1er Festival panafricain d'Alger en 1969 a été « un hymne à la liberté conquise ou recherchée », ce 2e festival, placé sous le signe de la « renaissance » du continent africain, devra concrétiser le rêve inachevé et déboucher sur des projets de coopération concrets. Un fonds pour le développement de la culture dans ses différentes variantes, particulièrement le cinéma qui nécessite des budgets conséquents, devrait en résulter. Cette manifestation devrait être l'occasion de relancer la culture en Afrique et en premier lieu en Algérie. L'organisation de cet événement culturel découle d'une décision des Etats membres de l'UA, a indiqué Ahmed Bedjaoui, conseiller de la ministre de la culture, Khalida Toumi, qui pilote une délégation du comité exécutif de préparation et qui après Bruxelles s'est arrêtée à Paris jeudi pour présenter les grandes lignes du second Panaf d'Alger. Aucun pays ne s'étant déclaré en mesure de l'organiser, l'Algérie s'est alors portée volontaire. « C'est un défi d'organisation, de coût », a précisé Ahmed Bedjaoui, rappelant que les ministres africains de la Culture sont restés dix ans sans se réunir (de 1995 à 2005). Le contexte politique n'est plus celui de 1969, tous les pays, à l'exception du Sahara-Occidental, sont indépendants et nombre d'entre eux ont traversé ou traversent de nombreuses crises et vivent des événements tragiques. C'est aussi une autre réalité « à laquelle il faut s'adapter », a signalé Ahmed Bedjaoui, « une réalité de marché ». 300 spectacles sur les places publiques « La rue a été un élément essentiel du festival de 1969, ce sera le cas pour cette seconde édition, a souligné M. Bedjaoui, avant tout c'est une fête populaire. » Le 2e Panaf d'Alger ce sont plus de 300 concerts et spectacles sur les places publiques, un festival de jazz, un festival diwan avec la participation de grandes vedettes, comme Salif Keïta, Ismaël Lo, Ray Lema, Mory Kante, Khaled, Kassav, Manu Dibango, Zahmania… Plusieurs spectacles seront itinérants dans une quinzaine de villes du pays. Toutes les manifestations du festival seront gratuites. « Il est important que les jeunes Algériens se répproprient la culture de leur continent », souligne pour sa part Malik Aït Aoudia. Des résidences de création en écriture, des expositions de peinture, de design, de bandes dessinées et de photographies, des défilés de mode, des expositions sur les architectures de terre, le Sahara, les éléments africains du patrimoine immatériel de l'humanité et le Salon de l'artisanat d'art africain. Des conférences, des colloques. Plus de 200 titres de grands auteurs seront réédités et traduits en arabe, français et anglais. Pour ce qui est du théâtre : 15 pièces de théâtres nationaux du Bénin, du Congo, de Côte d'Ivoire, d'Egypte, du Ghana, de la RASD, du Sénégal, du Soudan, du Tchad et de Tunisie ; 12 pièces de compagnies théâtrales du Burkina Faso, du Cameroun, de Libye, de Madagascar et du Togo ; 14 pièces théâtrales d'Algérie. 150 films programmés Au chapitre cinéma, 150 films seront visionnés et une soixantaine de réalisateurs seront présents. Ce 2e Panaf signera-t-il la renaissance du cinéma africain et plus particulièrement algérien ? Des productions et des coproductions, la réhabilitation de salles existantes et le lancement de nouveaux projets sont annoncés. 120 écrans seront opérationnels en Algérie d'ici à trois ans. « C'est un cinéma en quête de public et de salles, dira Ahmed Bedjaoui, un travail de longue haleine. » Le ministère de la Culture coproduit avec l'Afrique du Sud deux longs métrages destinés à être projetés en salles de cinéma lors de ce festival. Ces deux œuvres sont écrites et réalisées par Souleïman Ramadan (Afrique du Sud) et Lamine Merbah (Algérie). La durée de chaque film sera comprise entre 70 et 90 mn. Au cours du deuxième semestre 2009, plusieurs coproductions seront tournées en Algérie. Il s'agit, entre autres, de Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, Le Premier Homme de Gianni Amélio (tiré du roman inachevé de Camus), Fréro de Rachid Benhadj, Taxiphone de Mohamed Soudani, Certifié hallal de Mahmoud Zemmouri, Les Derniers jours de Ben M'hidi de Malik Aït Aoudia et un film (sans titre) de Lakhdar Hamina. Des aides de 100 000 euros seront accordées à chacun des quatre meilleurs longs métrages et de 25 000 euros à chacun des quatre meilleurs courts métrages. Un colloque sur le financement du cinéma en Afrique et la production africaine sera organisé les 12 et 13 juillet à l'hôtel Hilton. Projection d'un long métrage collectif composé de 13 courts métrages de 4 à 7 mn chacun, réalisés par Nouri Bouzid (Tunisie), Teddy Matera (Afrique du Sud), Mama Keïta (Sénégal), Abderrahmane Cissako (Mali), Gaston Kabore (Burkina Faso), Yousri Nasrallah (Egypte), Zézé Gambao (Angola), Sol Calvalho (Mozambique), Flora Gomes (Guinée Bissau), Bafulu Bakupa (RD Congo), Mohamed Lakhdar Hamina (Algérie), Rachid Bouchareb (Algérie), Charles Burnett (Etats-Unis). Un film entièrement consacré à ce 2e Panaf sera produit par S. Brahimi et réalisé par Chergui Kharroubi, cinéaste algérien installé en Belgique. Un hommage sera rendu aux pionniers du cinéma africain, à plusieurs réalisateurs africains de la diaspora et à des réalisateurs afro-américains. 400 artistes sous la direction du chorégraphe Kamel Ouali Le festival débutera par une parade populaire dans les rues d'Alger le samedi 4 juillet. La cérémonie officielle d'ouverture aura lieu le 5 juillet à la Coupole du complexe olympique Mohamed Boudiaf. Le spectacle d'ouverture a été confié par la ministre de la culture, Khalida Toumi, au chorégraphe et metteur en scène Kamel Ouali qui dirigera 400 artistes de toutes disciplines et de tout le continent et de New York aussi. A Alger, pour les répétitions finales avec tous les artistes qui s'étaleront sur quinze jours, il disposera de quatre studios. « J'ai eu carte blanche pour mon projet. » « C'est un véritable challenge, car en temps norma,l c'est un travail de six mois », nous a dit Kamel Ouali. « J'ai tenu à rendre un hommage à la femme », a-t-il ajouté. Kamel Ouali a signé entre autres la chorégraphie des Dix commandements, Le Roi-Soleil, Autant en emporte le vent… Il est professeur à l'Académie de danse de Paris et aux conservatoires de La Courneuve et de Saint-Denis. Pour la cérémonie officielle, il y aura aussi les chanteurs Youssou N'Dour, Cesaria Evora et Warda. La cérémonie de clôture se déroulera à la salle Atlas. L'organisation est confiée à Farid Aouameur (musicien) et Abousefiane Lagraâ (danseur étoile, 1er prix international de danse, Berlin 2009). Le budget est estimé à 60 millions d'euros, le Panaf est entièrement financé par l'Algérie et les sponsors algériens, dont des entreprises publiques et privées. Dans ce budget est inclus le coût de la construction du village des artistes, où seront hébergés 2500 des 5000 artistes retenus pour cette manifestation culturelle continentale. Chaque pays membre de l'UA déléguera une soixantaine de participants qui seront entièrement pris en charge par l'Algérie aussi bien pour le voyage que pour leur séjour, à l'exception de l'Afrique du Sud, de la Libye, du Nigeria et de l'Egypte qui prendront en charge le transport de leurs participants. La diaspora sera aussi présente, elle viendra des Etats-Unis, du Brésil, de Cuba. Quelque 1500 journalistes couvriront l'événement. Des accords de retransmission sont passés avec Arte et TV5 Monde. Plusieurs TV assureront la couverture du festival.