Rendez-vous n Quarante années séparent la 1re édition du Panaf de la seconde qui aura lieu au mois de juillet. Il y a quarante ans, l'Algérie célébrait l'Afrique, ses arts et ses traditions, son chant et sa voix, ses couleurs et ses sonorités. Elle exaltait sa culture, sa mémoire, son présent, lors de la tenue, en 1969, du Festival panafricain. Alger était l'hôte des musiciens de jazz, des dramaturges, des acteurs et actrices, des poètes, des universitaires, des écrivains et des militants politiques. C'était, pour les nostalgiques de cette époque, un moment épique, historique, un moment fort de l'Algérie contemporaine tant en sensations qu'en euphorie. Car c'était pour la première fois que l'Afrique s'exprimait avec autant d'allégresse que de conviction. Cette année, l'aventure sera renouvelée. La deuxième édition aura lieu au mois de juillet. Six mois nous séparent de l'événement. La question qui, aujourd'hui, se trouve sur les lèvres de chacun, notamment ceux qui ont vécu cette manifestation chargée de souvenirs – et d'espoir pour une Afrique libre, unie et soucieuse de son avenir – est : le deuxième Panaf, tel qu'il était désigné, à l'époque, par les Algériens, aura-t-il la même portée historique, le même impact médiatique et la même aura politique qu'il y a quarante ans ? Autrement dit, la deuxième édition du Panaf aura-t-elle le même succès que celle de 1969 ? Une chose est sûre, les temps ont changé. La réalité sociale et politique n'est plus la même. Les discours enflammés et révolutionnaires revendicatifs tels des étendards levés, eux aussi, n'ont plus lieu d'être. Ainsi, le contexte social et politique a changé, contexte dans lequel était enraciné le Festival culturel panafricain et qui conférait à celui-ci toute sa symbolique, sa signification culturelle et sa charge politique. Si en effet en 1969 le Panaf revêtait un caractère politique, c'est parce qu'il était alimenté par des discours révolutionnaires. Alger devenait, le temps d'un festival, le carrefour incontournable des révolutionnaires, une tribune pour les revendications légitimes des peuples opprimés. Et l'Algérie, militante invétérée des libertés du continent noir et des droits de ses peuples, et d'autant plus qu'elle célébrait le septième anniversaire de son indépendance, réitérait aussi bien indiscutablement qu'inconditionnellement son engagement en faveur des mouvements de libérations et de toutes formes de lutte tant contre les dominations coloniales que contre les discriminations raciales. Le Panaf était l'incarnation des élans révolutionnaires et de la liesse populaire. Il illustrait manifestement cette réalité. Car le continent noir endurait encore le colonialisme à l'exemple du Congo et subissait la ségrégation raciale en Afrique du Sud avec l'apartheid. Et le Panaf était une occasion pour dénoncer l'impérialisme aussi bien colonial qu'occidental et revendiquait aussi bien les indépendances des pays encore sous le joug du colonialisme que les droits civiques des pays victimes du racisme, combat auquel elle adhérait avec une conviction foncière. C'était un moment où s'était forgée une conscience politique nouvelle. Et la culture en était le véhicule, l'outil de promotion. Elle devenait un instrument de mobilisation pour tout peuple opprimé. Même les Afro-Américains étaient, dit-on, concernés par le Panaf auquel ils s'identifiaient. Puisqu'ils partageaient la même réalité sociale que leurs frères de l'Afrique du Sud, à savoir la discrimination raciale. l Quarante plus tard, que peut-on dire du Panaf 2009, sachant que l'Afrique est en mal d'être, en proie tant au malaise social qu'à l'instabilité politique, comme elle est en proie aux conflits armés, à la famine et aux épidémies, et à toutes sortes de calamités naturelles et de bêtises humaines. Le Panaf de 1969 tient sa réussite, notons-le, des illusions que les peuples africains dont le peuple algérien, à l'époque, se nourrissaient. Ils croyaient dur comme fer à l'unité continentale et au militantisme révolutionnaire. Mais plus tard, place aux désillusions. Aujourd'hui, la réalité est encore plus dure, et les peuples africains, désabusés, rattrapés par leur propre réalité politique, économique et sociale, n'ont plus foi en de telles exaltations. Certainement, le Festival culturel panafricain de 2009 ne sera pas comme celui de 1969, ce serait un leurre de croire le contraire. Car le Panaf intervient, pour rappel, dans un contexte national et mondial différent de celui de 1969 où il était question de la logique des mouvements de libération de l'Afrique. La deuxième édition réfère à un moment de mondialisation dans lequel l'Afrique s'efforce de trouver une place en tant qu'acteur à part entière. Et seul l'avenir nous dira de quoi il sera et quelle représentation aura-t-il.