Bien que maigres, les résultats de la table ronde sur le conflit du Sahara occidental n'ont pas empêché l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Horst Köhler, de se montrer convaincu, lors de son bref point de presse animé jeudi au Palais des nations de Genève, «qu'une solution pacifique est possible». A première vue, les travaux de la première rencontre destinée à relancer les négociations pour le règlement du conflit du Sahara occidental, organisée mercredi et jeudi par l'ONU à Genève, ne se sont pas mal passés, puisque les délégations des deux belligérants, le Front Polisario et le Maroc, ont parlé de «discussions qui se sont déroulées dans une atmosphère d'engagement sérieux, de franchise et de respect mutuel». Il y a eu en tout, entre mercredi et jeudi, deux plénières et une réunion finale. L'autre indicateur pouvant laisser penser que le processus de règlement du conflit a, cette fois, des chances d'avancer tient au fait aussi que les deux parties en conflit ont donné leur accord à l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, Horst Köhler, pour prendre part à une nouvelle table ronde au cours du premier trimestre de l'année 2019. Dans le communiqué final ayant couronné leurs premiers contacts directs depuis 2012, contacts auxquels ont assisté l'Algérie et la Mauritanie en leur qualité de pays voisins, le Front Polisario et le Maroc ont convenu également que «la coopération et l'intégration régionales, ainsi que l'absence de confrontation constituent le meilleur moyen de relever les nombreux défis importants auxquels la région fait face» et qu'«une solution au conflit constituerait une contribution importante pour améliorer les vies des peuples de la région». Autrement dit, tout le monde reconnaît que l'option de la guerre est à éviter dans la mesure où elle pourrait être coûteuse pour tout le monde. Ce point constitue en soi une avancée au vu des tensions et des risques de déflagration qui ont pesé sur la région ces dernières années. Des tensions régulièrement alimentées par les atermoiements du Maroc et ses menaces récurrentes d'attaquer des positions du Front Polisario dans les territoires sahraouis libérés. Mais cela reste de la phraséologie. Rencontre glaciale Car hormis ces déclarations de bonne intention, aucune décision concrète allant vraiment dans le sens de l'application des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur le règlement de ce conflit vieux de 43 ans ou qui permettrait de se rapprocher d'«une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental», comme le veulent les Nations unies, n'a pour le moment été prise. Aussi, le dégel prendra-t-il certainement du temps avant de s'opérer. Des sources onusiennes confient, à ce propos, que la rencontre, de laquelle la presse a été soigneusement tenue à l'écart, fut glaciale, les intervenants s'étant chacun limité à lire les déclarations qu'ils avaient soigneusement préparées pour la circonstance. Bien que maigres, les résultats de cette table ronde, qui «a permis de dresser le bilan de l'évolution de la situation, d'aborder des questions régionales et de discuter des prochaines étapes du processus politique concernant le Sahara occidental», pour reprendre l'expression du communiqué final de la rencontre, n'ont pas empêché Horst Köhler de se montrer convaincu jeudi, lors de son bref point de presse animé au Palais des nations de Genève, «qu'une solution pacifique à ce conflit est possible». «Il est clair que pour moi, personne ne gagne à maintenir le statu quo», a-t-il ajouté après avoir pris soin d'avertir, avant de commencer son speech, qu'il ne répondrait à aucune question des journalistes. L'intrusion des états-Unis L'ancien président allemand a toutefois de quoi se montrer satisfait. Il aura réussi en effet son pari difficile de parvenir à réunir, autour d'une même table, le Front Polisario et le Maroc. Il faut toutefois convenir que cette réussite, il la doit aussi en grande partie aux Etats-Unis qui ont exprimé leur volonté de sortir le conflit du statu quo et multiplié ces derniers mois les pressions sur les protagonistes du conflit, en particulier sur Rabat, pour les amener à reprendre leurs négociations abandonnées il y a six ans à New York. Il est possible, donc, que ce ne soit pas de gaieté de cœur que le Maroc ait pris part au tour de table de Genève. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, accompagné de Omar Hilale, représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies à New York, a d'ailleurs confirmé avec dépit à un confrère d'un grand journal genevois le rôle joué par Washington dans le dossier sahraoui. La satisfaction qu'il a affichée à la fin de la rencontre ne pouvait être donc qu'un sentiment trompeur. En même temps, ce constat amène à penser que le processus de règlement du conflit initié par l'ONU n'est pas à l'abri d'un nouveau couac et surtout d'un nouveau faux bond marocain. Même si Nasser Bourita assure que son pays «s'engage sincèrement à contribuer aux efforts de Köhler pour parvenir à cette solution politique réaliste, pragmatique, fondée sur le compromis», les faits montrent que Rabat n'a pas encore la tête à discuter. Preuve en est, la veille même du début des discussions de Genève, la police marocaine n'a pas hésité à réprimer des militants sahraouis des droits de l'homme qui manifestaient pacifiquement dans les villes occupées d'El Ayoun et de Boujdour. L'alerte du Front Polisario A l'inverse, le Front Polisario paraît apprécier davantage l'implication des Etats-Unis dans le dossier. Tout en réaffirmant son «engagement à rechercher une solution politique juste, durable et convenue d'un commun accord, menant à un processus d'autodétermination au Sahara occidental», le mouvement de libération s'est d'ailleurs dit, dans une déclaration rendue publique jeudi après-midi, «encouragé par le soutien constant de l'administration américaine au processus de l'ONU». En revanche, le Front Polisario n'a pas caché sa crainte de voir les efforts de l'ONU «sapés» par la Commission de l'Union européenne (UE). «Nous sommes profondément préoccupés par les efforts soutenus, illégaux et sans compromis de la Commission de l'Union européenne visant à conclure des accords commerciaux avec le Maroc, notamment sur le territoire du Sahara occidental, en violation des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne», déclarent les Sahraouis, qui exhortent par la même occasion «les dirigeants européens à saisir cette occasion pour investir leurs efforts dans le processus de paix des Nations unies». L'alerte lancée par le Front Polisario depuis Genève invite à la prudence et rappelle que le chemin menant vers la paix au Sahara occidental est encore long, tortueux et surtout semé d'embûches.