Les accusés ont donné trois versions. L'une modérée, la deuxième extrémiste et la troisième mitigée. Ils ont clamé haut et fort leur innocence et ont fait tout endosser à leur complice en fuite. Mais ils ne savaient certainement pas que la caméra de surveillance a enregistré toute la scène de l'assassinat. Le meurtre a été perpétré de sang-froid. Je requiers la réclusion criminelle à perpétuité contre les principaux accusés et l'application de la loi pour recel », a martelé en substance l'avocat général. Dans le box des accusés, O.Abdallah, D. Djillali et L.Abdelkrim, s'interrogaient mutuellement du regard. Vraisemblablement, ils ignoraient totalement que le tribunal criminel était en possession de cet enregistrement, preuve irréfutable de leur forfait. Leur complice dans cette affaire d'assassinat et de tentative d'assassinat, N. Saâdaoui en l'occurrence, poursuivi pour recel, ne broncha pas et garda la tête baissée, en évitant de regarder les autres. C'est sûr qu'il n'aurait pas aimé être à leur place. Selon les faits relatés à travers la lecture de l'arrêt de renvoi, le 20 janvier de l'année écoulée, aux environs de 21 heures, la victime, B.Abdelkader, infirmier de son état au centre hospitalo-universitaire d'Oran, a emprunté une venelle pour se rendre à un kiosque multiservices situé à quelques pas de son lieu de travail. En passant près de l'encoignure d'une porte, il remarqua la présence de quatre individus, les accusés, éclusant du vin. Son instinct l'avertit du danger et il prit aussitôt ses jambes à son cou. Il a été malheureusement rattrapé à hauteur d'un dépositaire de boissons alcoolisées. Les malfrats se sont acharnés sur l'infirmier à coups de couteau avant de le délester de son veston en cuir et de son portable. La victime a été poignardée à 17 reprises sur différentes parties du corps, selon les résultats de l'expertise médicale. Elle a succombé sur les lieux bien avant l'arrivée des secours. L'agression mortelle a été commise en face de l'objectif d'une caméra de surveillance installée par l'établissement en question. Quelques minutes plus tard, le quatuor infernal récidive en s'attaquant à un automobiliste en panne, S. Abdelhafid, un policier qui venait de terminer son service. Ses assaillants lui ont asséné 17 coups de couteau, toujours selon le rapport du médecin légiste, qui lui a délivré un certificat d'incapacité de travail de 45 jours. L'agent de police a, fort heureusement, survécu par miracle. Les trois accusés ont été unanimes à déclarer que leur acolyte T. Nourredine, en fuite, est le seul auteur de l'assassinat. « J'étais ivre et j'ignore ce qui s'est passé. Je ne portais pas de couteau sur moi ce soir-là », ergote O.Abdellah, un escogriffe à la mine revêche, qui semble vivre dans un brouillard d'hébétude. Le président le jauge un instant en surmontant apparemment sa répulsion avant de s'adresser à N. Saâdaoui, qui a été interpellé en possession du portable de la victime. « Vous ignoriez qu'ils ont volé le téléphone mobile ? » « Ils avaient besoin d'argent pour continuer leur virée nocturne. Ils me l'on fourgué sous la menace. Pour eux, le couteau est un jeu dont ils se délectent », glapit-il larmoyant. Ses yeux heurtèrent ceux de O.Abdellah et on devine aisément ce qu'il aurait souhaité lui faire subir. Au terme des délibérations, le tribunal criminel a prononcé une peine de 20 ans de réclusion pour chacun des trois principaux accusés. N.Saâdaoui a bénéficié de l'acquittement et T. Nourredine a été condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité.