Beaucoup plus facile qu'elles ne voulaient le faire croire, les autorités israéliennes ont réussi à faire évacuer la presque totalité des colonies de peuplement juifs de la bande de Ghaza. jeudi, 17 des 21 colonies étaient déjà vides de leurs habitants récalcitrants opposés au plan de désengagement de Sharon, aidés par des membres de l'extrême droite israélienne, venus soit des colonies de Cisjordanie occupée soit de l'intérieur du territoire israélien. Les colonies qui ont vu une certaine résistance des colons et de leurs sympathisants sont celles de Neve Dekalim, la plus importante du groupe de colonies de Ghoush Gatif au sud ainsi que de Kfar Darom au centre de la bande de Ghaza. Les heurts se sont soldés par quelques dizaines de blessés de part et d'autre. Les policiers et les militaires israéliens ont dû arrêter un certain nombre de personnes coupables de violences contre eux. Dans ces deux colonies, les colons et leurs sympathisants se sont retranchés dans les synagogues. C'est au cours de l'assaut dans ces deux points qu'il a été noté le plus grand nombre de blessés et de personnes arrêtées. Les violences, lors de l'assaut de la synagogue de Kfar Darom, sur le toit de laquelle des irréductibles s'étaient retranchés, ont fait 75 blessés, dont 31 parmi les militaires et les policiers qui ont mené l'opération, selon des sources militaires et hospitalières. 250 personnes ont été arrêtées à la suite des accrochages. A noter qu'à aucun moment il n'y a eu usage d'armes à feu, ni du côté des militaires ni de celui des colons. L'armée israélienne se préparait hier à faire évacuer la colonie de Gadid qui fait aussi partie du groupe des colonies de Ghoush Gatif. Ces opérations s'arrêteront pendant le shabat juif, de vendredi soir à samedi soir. L'évacuation totale des 21 colonies de la bande de Ghaza devrait être terminée mardi ou au plus tard mercredi. Cette opération que les autorités israéliennes présentaient comme une mission à hauts risques, tant sur le plan sécuritaire, en faisant craindre, une résistance armée de la part de certains extrémiste, que sur le plan de voir une grande cassure au niveau de la société israélienne entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le désengagement, s'est finalement déroulée sans grandes embûches. Certains médias israéliens ont même accusé les colons et les militaires israéliens chargés de les évacuer d'avoir mis en scène certains actes afin que le désengagement paraisse difficile et douloureux pour les deux parties. L'hypermédiatisation de l'événement, avec sa retransmission en direct par les plus grandes chaînes satellites mondiales, rejoint aussi cette hypothèse de certaines mises en scènes théâtrales. Israël en tire plusieurs bénéfices. Il montre à l'opinion internationale qu'il est prêt à des « sacrifices douloureux » pour « instaurer la paix dans la région » ! Sharon, connu comme un homme sanguinaire, auteur de crimes contre l'humanité à l'image de ceux perpétrés à Sabra et Chatila au Liban en 1982, veut endosser l'image d'un « pigeon de paix » qui met sa vie politique en jeu à cause de la grande opposition qu'il rencontre non seulement au niveau de la société israélienne dont une large partie désaprouve son plan mais au sein même de son propre parti le Likoud. Sharon s'apprête même à se rendre dans les colonies une fois vidées, afin de parachever la mise en scène. On le verra peut-être pleurnicher sur les décombres des maisons des colons que l'armée devrait commencer à démolir sitôt l'évacuation des colons terminée. Ce jour-là, les larmes de Sharon seront véridiques, non pas qu'il a mal à cause de ses efforts pour la paix, mais juste qu'il n a pas pu conserver Ghaza au sein de ce qu'il appelait le Grand Israël, concept qui s'est écroulé avec l'évacuation du premier colon de Ghaza. Au fond de lui même, Sharon veut conserver Ghaza, la Cisjordanie et la ville sainte d'Al Qods et voir le peuple palestinien aller en enfer. Mais la grande résistance des Ghazaouites ainsi que leur démographie impossible à vaincre l'ont poussé à quitter les lieux tout en espérant conserver la ville sainte ainsi qu'une majeure partie de la Cisjordanie. Une fois Ghaza libérée, les Palestiniens doivent redoubler l'intensité de la résistance en Cisjordanie et dans la ville sainte. Ce sera leur seul moyen de contrer ce que leur réserve Sharon, qui s'est peut-être rendu compte que la force si grande soit-elle ne peut, à elle seule, déterminer la destinée des peuples. Les extrémiste israéliens qui peuvent être très violents lorsqu'il s'agit de Palestiniens, vont tout entreprendre afin d'arrêter le processus de désengagement. Ils peuvent aller jusqu'à l'élimination physique de Sharon, seul acte qui pourrait éventuellement mettre un terme au retrait, mais étant donné que ce dernier jouit de mesures sécuritaires exceptionnelles, ils attaquent des Palestiniens innocents. C'est ce qui s'est passé mercredi dernier à Chilo, une colonie juive près de Ramallah, lorsqu'un terroriste israélien a tué de sang-froid 4 ouvriers palestiniens dont 2 avec qui il venait de déjeuner. « Je ne suis pas désolé de ce que j'ai fait. J'espère que quelqu'un tuera aussi Sharon », a lancé Asher Weisgan devant un tribunal de Tel-Aviv. Avec la tuerie de Chafa Aamr, en Galilée, où 4 Israéliens d'origine palestinienne ont été tués, c'est le deuxième acte du genre en deux semaines et rien ne prédit que c'est le dernier.