Casablanca. Jour d'élections ou presque. Un vendredi des plus ordinaires pour les 5 millions de Casablancais. Un scrutin sans grands enjeux, introduit par une campagne menée sans panache. Casablanca (Maroc). De notre envoyé spécial La plus grande métropole du Maroc, capitale économique par excellence, deuxième plus importante place financière du monde arabo-musulman (la Bourse de Casablanca brasse plus de 55 milliards de dollars), Casablanca n'a pas la tête à l'urne. Pas de signe apparent de la votation qui engage plus d'une trentaine de formations politiques dans le renouvellement des composantes des conseils communaux et municipaux. 27 795 conseillers devaient être élus hier dans les 1503 communes que compte le royaume. Les bureaux de vote ont ouvert hier dans l'indifférence générale. Pas de rush, pas d'affluence. « Il est aussi normal qu'il n'y ait pas de monde le matin. C'est un jour de semaine (le week-end est samedi-dimanche au Maroc), les gens travaillent et n'ont à mon avis ni l'esprit ni l'envie de cautionner cette mascarade. Il faudrait toutefois attendre la fin de la journée pour savoir si ces élections seront comme les dernières, les législatives boycottées par les deux tiers des électeurs. » Ibrahim, agent dans un Call-center sis non loin du quartier huppé le Prince, ne se fait pas trop d'illusions. La participation, la grande inconnue de ces élections, donne des sueurs froides dans le dos aussi bien du gouvernement Abbas El Fassi, (plus fragilisé que jamais depuis le retrait le 29 mai dernier du Parti authenticité et modernité, de la coalition gouvernementale) que des partis historiquement au pouvoir, Istiqlal, Union constitutionnelle, ou les anciennes formations de l'opposition comme l'USFP (socialiste), PPS (communiste), PJD (islamiste), Mouvement populaire (droite) qui ont accepté de rallier, à la faveur de « l'alternance consensuelle », la cour du roi. Marée verte du PJD ? Les « boutiques politiques » que sont devenus les anciens partis de l'opposition endossent une lourde responsabilité dans la désaffection populaire et de la disqualification de la chose politique, estime Khalid Jemai, journaliste et militant des droits de l'homme. Pour ces élections, nombre d'observateurs de la scène politique locale prédisent un abstentionnisme record. Lors des législatives de 2007, il flirtait déjà avec 63% du corps électoral, estimé présentement à 13 millions d'électeurs. D'autres prédisent la progression de la « marée verte », du parti islamiste « light » de la justice et du développement (PJD), deuxième force politique au Parlement, avec 46 sièges. Autre grand favori, le PAM, parti créé en 2007 par « l'ami du roi » et ancien secrétaire d'Etat délégué au ministère de l'Intérieur, Fouad Ali El Himma. Ce nouveau parti, véritable cheval de Troie de Mohammed VI, qui a basculé dans l'opposition… institutionnelle, tout en gardant un pied dans le gouvernement, pourrait tout aussi faire la surprise. Les liens privilégiés qu'entretient El Himma avec le monarque, les grands moyens mis à sa disposition, ont transformé le PAM, en quelques semaines seulement, en une redoutable machine électorale. De nombreux députés de l'USFP, du Rassemblement des indépendants (RNI), du Mouvement populaire, etc., ont rejoint le parti avec armes et bagages le « hizb tractour », le parti du « tracteur » comme il est désigné ici. « Ali El Himma a fait de sa proximité de la famille royale une idéologie mobilisatrice », souligne Omar Brousky, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Le Journal. Le makhzen juge et partie Difficile toutefois de faire des pronostics. Le PAM, le PJD et l'Istiqlal partent, selon lui, favoris dans ces élections, Brousky parie néanmoins sur un fort taux d'abstention. Libéré après 17 ans passées dans les geôles du roi, Abdelallah Al Harrif, secrétaire général du parti Ennahdj Edimocrati, Voie démocratique, ne se fait lui aussi aucune illusion sur l'issue « arrangée » du scrutin. Ce dernier n'est, d'après lui, qu'un simulacre d'élection. Le ministère de l'Intérieur, « juge et partie », dans ces élections, a, de son avis, déjà rendu son verdict. Les conseils communaux ne disposent d'aucun pouvoir, tout est concentré dans les mains de la maffia makhzenienne. La campagne électorale, « tiède, morne, insipide et manquant de dynamisme », selon Brousky, est marquée par des actes de violence, par des tentatives de corruption des électeurs, (des partis « achètent » à 100 dirhams la voix dans certaines régions du pays). Des scandales qui ont fait les choux gras de la presse indépendante. « Une campagne de coups et blessures », titre carrément le magazine Nichane, la réplique en Daridja de l'hebdomadaire Tel Quel. Dans les quartiers pauvres de l'ancienne médina, à Sidi Béliout, Derb Lenglise, Bab Merrakech, les bureaux de vote guettaient désespérément les improbables votants. « Pourquoi, je voterai. Ils sont tous pareils, tous pourris, tous des menteurs », répond un marchand de fruits et légumes, place Verdun, le quartier juif. « Casa » est une commune riche que toutes les formations politiques rêvent de conquérir. Parmi les candidats en lice figurent le fils de Abbas El Fassi, le Premier ministre. Dans la cité « européenne », les quelques bureaux de vote disséminés à la nouvelle médina, dans le quartier riche d'Anfa, (nom antique de Casablanca), les électeurs ne sont également pas au rendez-vous. A la mi-journée, le taux de participation était de 12%, les prévisions les plus optimistes donnent un taux de 40% à la fin de la journée. Les résultats définitifs seront connus aujourd'hui.