Il a souligné qu'il peut consulter les archives d'Aix-en-Provence, en France, mais qu'il ne peut pas le faire en Algérie. «Et on me dit que vous faites de l'histoire sur la base d'archives françaises !», a-t-il regretté. Benjamin Stora a estimé que le problème de l'ouverture des archives d'Etat doit être posé par les citoyens. Il a observé avoir vu peu de chercheurs algériens s'intéresser aux archives de la guerre de libération existant en France. «Qu'on balaie devant nos portes avant de s'en prendre aux autres», a appuyé Abdelmadjid Merdaci, qui a modéré les débats, avec Ouanassa Siari Tengour, tous deux enseignants à l'université de Constantine. Benjamin Stora a rappelé que les historiens français se sont battus pour obtenir la libération des archives de la guerre d'Algérie. Celles-ci avaient été ouvertes partiellement en 1992 en vertu d'une loi interdisant la consultation publique des documents liés à la présence coloniale française en Algérie pendant trente ans. Mais, selon Benjamin Stora, l'accès demeure toujours difficile. En 2008, l'Assemblée nationale française a examiné un projet de loi prévoyant un retrait de certaines archives de la consultation publique pour cinquante ans. Il s'agit des documents susceptibles de «porter atteinte à la vie privée ou de donner des jugements de valeur». Mais certains documents classés «secret défense» relatifs à la guerre d'Algérie antérieurs à 1958 seront consultables à partir de 2012. Jusque-là, les chercheurs ne pouvaient pas avoir accès aux documents classifiés postérieurs à 1948. Paris a fait une proposition à Alger de créer un groupe de travail mixte pour faciliter l'accès des chercheurs algériens aux archives, y compris celles qui sont encore couvertes par les délais de protection. La proposition n'a eu aucun écho. Benjamin Stora a dit rêver de voir s'installer une commission mixte d'historiens français et algériens pour travailler ensemble sur l'histoire. Pour Mohamed Harbi, les principaux bénéficiaires de l'indépendance de l'Algérie étaient ceux qui étaient en rapport avec la colonisation. «Il ne s'agit pas de désigner des personnes. Ces bénéficiaires sont ceux qui avaient acquis un capital culturel qui les a portés là où ils étaient», a précisé l'auteur de Le FLN, mirage et réalité. Un intervenant lui a demandé s'ils étaient des traîtres. L'historien a répondu que ce n'est pas forcément le cas. «J'ai connu des fils de caïd qui n'étaient pas des agents français», a-t-il appuyé. Mohamed Harbi a été emprisonné après le coup d'Etat militaire de 1965 avant d'être mis sous résidence surveillée par Houari Boumediène. «Nous devons jeter un regard froid sur la colonisation et éviter l'usage de l'Histoire pour masquer nos échecs», a plaidé Mohamed Harbi.