La problématique, fausse pour certains, pertinente pour d'autres, s'est posée à l'occasion de la septième édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa. Ce fut en tout cas l'une des questions abordées lors de la première séance du café-cinéma tenue la matinée de dimanche dernier avec la participation de Sabrina Draoui, Lyès Salem et Khaled Benaïssa. Il y a peut-être un regard distancié sur les choses, pense le réalisateur de Mascarades, mais au fond, suggère-t-il, la vie ailleurs n'implique pas forcément un regard et une approche différentes des réalités. Le cinéaste, qui se définit d'abord comme un acteur qui aime réaliser des films, a quitté le pays en 1988, quelques mois seulement avant le fameux octobre qui a imposé la trajectoire que l'on sait au pays. A en juger seulement par le ton et la veine de Mascarades, l'homme à de quoi étayer le propos et donner pour vérifiable la pérennité nourricière d'un lien qui permet de happer les pulsions subtiles ou tapageuses de la société algérienne. De l'autre côté, et comme remarqué par un participant au débat, il se trouve des cinéastes, que leur choix et leur condition ont sédentarisé au pays, qui vont chercher leur inspiration on ne sait où et qui donnent à voir un cinéma au paradigme hoquetant au contact du public. Mais les choses sont tout de même plus complexes. Pour Ikbel Zalila, critique de cinéma venu de Tunisie, travailler dans le cinéma en France, notamment pour des cinéastes issus du Maghreb, passe parfois par une série de concessions, assumées ou pas, aux attentes et aux schémas de lectures des publics des pays « d'accueil » ; « l'on a vu des films faits par des Algériens vivant à l'étranger et qui ont triché jusque dans la consistance de la lumière, le tout étant de produire un cinéma qui réponde d'abord aux exigences de l'ailleurs ». Le risque, estime Zalila, est que les cinéastes, qui ont fait ce choix ou ce renoncement, bénéficiant en sus des faveurs des médias, puissent être imposés en modèles. Khaled Benaïssa, un peu perplexe par rapport à la problématique, estime, quant à lui, qu'il faudra relativiser les choses. Il craint un peu la création de faux clivages, dans la mesure où, concernant son expérience, lui qui vit en Algérie et qui se permet quelques escapades ailleurs, ne ressent pas le besoin de cataloguer et de lire le cinéma autrement que par les images produites. Sabrina Draoui, dont le court métrage projeté la veille a traité de la sexualité tourmentée de la femme, sur un ton assez « osé » à l'échelle cassante de nos pudeurs, vit surtout par ici. Son film est cependant de production française. Le genre de film qui n'a aucune chance de passer à la bigote télé algérienne. Elle reconnaît qu'il y a sans doute des facilités ailleurs, des réseaux qui soutiennent les débuts d'un cinéaste et qui portent ses projections. Ce qui, comme tout le monde le sait, est loin d'être le cas dans le pays, hormis quelques cadres qui se comptent sur les doigts de la main, à l'image de l'association Project'Heurts, organisatrice des Rencontres cinématographiques de Béjaïa.