Mascarades, de Lyès Salem, a réconcilié le public avec le cinéma qu'il aime .Beaucoup de tendresse, de l'humour et de la fantaisie, du punch,de belles images, des répliques inspirées, en un mot du bon cinéma. L'ouverture de la septième édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa a été un vrai moment de plaisir partagé, celui, renouvelé, qui date vaguement un autre moment de retrouvailles entre le public et ce nouveau cinéma algérien, dont on parle beaucoup et que l'on n'a pas souvent l'occasion de voir. En présence des réalisateurs, deux courts métrages, Goulili de Sabrina Draoui et Sektou de Khaled Benaïssa (projeté pour la première fois à l'occasion en 35 mm) ont été présentés au public. La schizophrénie de la femme, déchirée entre les exigences raides de la tradition et la religion et les élans du corps et du cœur, sujet délicat s'il en est au cinéma, a été repeinte par Draoui dans un registre dramatique qui ne s'est pas privé d'une certaine gravité, disons shakespearienne ; dédoublement aigu et lourd qui, jouant sur le mythe de l'ange et du démon, répand ces questions sérieuses auxquelles la réalisatrice a refusé de répondre juste les poser assez crûment, pour montrer la profondeur de la fêlure. Le film, qui se joue exclusivement dans le confinement assez oppressant d'un studio, transmet le désarroi indicible d'une jeune femme aux prises avec ses contradictions. Il réussit la gageure peu évidente de donner à saisir la complexité du conflit intérieur sans jugements et sans prétention de détenir une quelconque vérité. Le film de Khaled Benaïssa nous transporte dans un Alger qui se réveille sur ses bruits et ses délires. Délires poussés jusqu'à la caricature par un onirisme tous azimuts qui donne à voir des images rappelant un peu la veine poétique de Tahia ya Didou de Zinet. Une ruelle algéroise, des gamins qui jouent au foot dans un boucan d'enfer, des gardiens de parkings bavards et émoustillés, des vendeurs ambulants de n'importe quel bidule… la foire ou la vie envahissante d'insolence au pied de l'immeuble. Toute cette vie est interrompue, brutalement dissipée, tue par l'intrusion d'une réalité menaçante symbolisée par le stationnement suspect d'une voiture noire, par une descente de la police, par le spectre de la terreur. Un film plein de poésie où le réalisateur a pris le risque de bousculer un certain langage figé du cinéma pour injecter le sien. Le pur bonheur fut de revoir pour ceux qui l'ont déjà vu et découvrir pour les autres, le très virevoltant Mascarades de Lyès Salem. Ce film, comme déjà amplement relevé par la critique, vous gagne très vite à sa cause, à ses personnages, au regard qu'il jette sur ce petit village planté nulle part et grouillant de commérages et de farces inoffensives. Satire sociale et comédie romantique, l'une voisine de l'autre, dans un perpétuel mouvement, un tourbillon joyeux qui insuffle qu'il n' ya rien de grave, qu'il y a juste le beau et le moche et le regard du réalisateur prend sans équivoque partie pour le premier. Les rencontres se poursuivent aujourd'hui avec la programmation d'une nouvelle séance du café-ciné consacrée au documentaire de Larbi Benchiha, Vent de sable, et aux courts métrages prévus en projection hier dans l'après-midi et en soirée.