Dans la ville aux 99 saints, ainsi surnommée Béjaïa, « aux 99 seins » disent les mauvaises langues, il y a une part de femmes. Yemma Gouraya bien sûr mais aussi Lalla Yamna, Lalla Bhidja, ou d'autres femmes encore célébrées ou « visitées », comme Setti Thafithawt ou Lalla Fatima. Ou ces deux poétesses bougiotes citées par Ibn Arabi, qui a vécu ici, les savantes de Sidi Touati, du nom de l'université où il y a un millénaire, même des femmes venaient présenter des thèses en astronomie. Et aujourd'hui encore, femmes instruites, maquisardes de la première heure au destin individuel ou groupées dans la fameuse équipe féminine de volley-ball de la ville, au palmarès impressionnant. Ou de son équipe féminine de football, elle aussi l'une des meilleures et des (très) rares du pays. Mais quelques Béjaouies sont surtout fières de la « première dame du pays », Amel Triki, femme du président Bouteflika. Bien que de père tlemcenien, elle est béjaouie par sa mère, et si elle habite à Paris à l'abri du besoin, elle vient souvent ici pour les fêtes et les mariages, ou simplement pour se reposer. Tout n'est pourtant pas aussi rose pour les femmes, raconte encore Farah. Béjaïa reste une ville conservatrice et la nuit tombée, elles rentrent toutes précipitamment chez elles. « A cause peut-être de cette vieille da'wa d'un saint qui les aurait maudites, les rendant belles le jour et devenant très laides la nuit ». Légende ? Comme celle de ce saint de M'sila, Sidi Boudjemlil, venu un jour ici, et tombe amoureux d'une Béjaouie qui l'a rendu fou. Il aurait maudites toutes les Béjaouies, leur assurant que jamais elles ne se marieront. Aujourd'hui encore, des femmes partent de Béjaia pour aller invoquer le pardon de Sidi Boudjemlil à M'sila. Difficile à croire. Les filles de Yemma Gouraya sont tellement belles qu'on ne voit pas qui pourrait refuser de les épouser.