Le cinéaste Rachid Bouchareb, qui séjourne depuis quelques jours à Sétif où il met les bouchées doubles concernant son prochain film, Hors-la-loi, nous parle de la suite d'Indigènes. Peut-on avoir de plus amples informations sur votre prochain film Hors-la-loi ? Ce long métrage de 2h30 est l'une des plus grosses productions maghrébines et africaines, d'autant plus qu'elle est dotée d'un budget de 19,5 millions d'euros. Cette co-production algéro-franco-belge est soutenue par Son Excellence le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture. Le film, co-écrit par Olivier Lorelle et moi-même, retrace le parcours de trois frères dont la famille a été chassée et qui ont survécu aux massacres de Sétif en 1945. Ils se retrouvent ensuite en France et s'engagent dans la révolution. La bataille de Paris, qui oppose le FLN à la police française, va les broyer, les déchirer pour conquérir le droit d'être des hommes à part entière. Hors-la-loi n'est-il pas la suite d'Indigènes ? Effectivement, Hors-la-loi est une suite d'Indigènes qui s'imposait, d'autant plus que le film précité se termine à Sétif où Abdelkader débarqua. Hors-la-loi va sans doute rétablir une vérité historique confinée dans les coffres. Je voudrais, à travers le cinéma, mettre la lumière sur une partie de l'histoire commune des deux nations. N'étant pas un documentaire historique, cette nouvelle œuvre cinématographique sera interprétée par de grands acteurs tels Djamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouadjila, Larbi Zekkal, Ahmed Benaïssa, Chafia Bouadraâ et Mourad Khan, pour ne citer que ceux-là. Plus de 12 000 figurants prendront en outre part au tournage qui aura lieu à Sétif, Kherrata, en France et en Allemagne. Le premier coup de manivelle sera donné le 27 juillet prochain. L'avant-première mondiale aura lieu le 8 mai 2010 à Sétif, avant sa projection en France, une semaine après et pourquoi pas ensuite au Festival de Cannes ! Le dossier des événements du 8 Mai 1945 est l'un des plus importants sujets de discorde entre l'Algérie et la France, qui refuse toute idée de repentance. Ne pensez-vous pas que Hors-la-loi est une autre opportunité pour que cette dernière révise sa position comme elle l'a fait pour les pensions des anciens combattants ? Jacques Chirac, l'ex-président français, qui a été invité par mes soins à assister à l'avant-première de Indigènes, a été prié de réparer cette injustice subie par ces anciens combattants indigènes, lesquels ne percevaient que 5 ou 10 euros par trimestre. Le chef de l'Etat, qui n'est pas resté insensible devant le sacrifice de plus de 150 000 Algériens, a usé de tout son pouvoir pour qu'une loi soit votée à cet effet. J'espère que Hors-la-loi, dont une bonne partie sera consacrée aux événements du 8 Mai 45, fera la lumière sur ce pan de l'histoire commune aux deux pays. On va tout déballer à travers ce film ! N'appréhendez-vous pas les critiques et attaques de certains extrémistes ? Indigènes, qui a décroché le prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, a été vu par plus de 3,5 millions de personnes ; il m'a valu des critiques et des lettres de la part de certains individus de l'extrême droite qui ne m'ont pas, du reste, intimidé. En tant que cinéaste, l'essentiel pour moi est de rétablir la vérité historique qu'on ne doit en aucune manière occulter. La prestation des grands acteurs va, j'en suis convaincu, donner à cette œuvre artistique une autre dimension Peut-on avoir une idée sur votre prochaine œuvre ? C'est une trilogie qui traite de la relation entre les Etats-Unis et le monde musulman en général, et arabe en particulier. Je vais, à travers trois films, traiter, à ma façon, les relations entre les USA et le monde arabe. Deux films seront tournés en Amérique. Les péripéties du troisième se dérouleront au Moyen-Orient. Ce gigantesque projet est presque ficelé, d'autant plus que deux scénarios sont achevés.