Dimanche, une vidéo circulait sur YouTube : on y aperçoit deux jeunes Ouighours lynchés à mort par des Hans, les deux hommes seraient victimes d'une rumeur, celle d'avoir violé une ouvrière hans dans une usine. C'est l'escalade de la violence. Quatre jours d'émeutes dans cette région stratégique du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), aux confins de l'Asie centrale. Même si la situation tend à revenir à la normale, les autorités comptabilisent 156 morts pour ces quatre jours de violence, beaucoup plus, selon le Congrès mondial des Ouighours. «Punitions sévères» pour les fauteurs de troubles Après la réunion des plus hauts dirigeants du Parti communiste chinois autour du président Hu Jintao, un communiqué annonçait, hier, que les autorités avaient promis des «punitions sévères» aux responsables des émeutes interethniques d'Urumqi (capitale du Xinjiang). Le président chinois avait quitté l'Italie mercredi, renonçant au sommet du G8 en raison des sanglants événements. Entre 600 et 800 victimes des émeutes interethniques Les autorités chinoises recensent 156 victimes des émeutes à Urumqi. Le vice-président du Congrès mondial des Ouighours, Asgar Can, a de son côté déclaré, mercredi 8 juillet au soir, qu'entre 600 et 800 victimes auraient trouvé la mort dans les émeutes interethniques qui ont éclaté dimanche à Urumqi, en Chine. Ce congrès est la principale organisation des Ouighours en exil. Asgar Can a déclaré : «Certains nous ont dit 600, d'autres nous ont dit 800. Nous estimons que c'est entre 600 et 800.» Qui sont les ouighours ? Si pour Pékin cette flambée de violence a été instrumentalisée politiquement, il n'en reste pas moins qu'elle est née aussi des décennies de malentendus et de frustrations. Les 8 millions d'Ouighours, qui formaient jadis 90% de la population de la région, en représentent moins de la moitié aujourd'hui et se sentent asphyxiés par une massive politique de colonisation intérieure des Hans. La région détient 30% des réserves en pétrole de la Chine. Pékin a affecté des sommes importantes au développement de la région, mais le décalage des niveaux de vie entre populations ouighoure et han ne cesse de se creuser, notamment avec la redistribution de la rente en hydrocarbures. Le Xinjiang détient 30% des réserves en pétrole de la Chine et 35% de celles de gaz. Avec la découverte de nouveaux champs dans le Sud, la production a explosé, multipliée par cinq depuis 2002. Nombre d'Ouighours, musulmans turcophones, se plaignent aussi d'une politique délibérée d'étouffement de leur culture et d'un contrôle excessif sur l'exercice de leur religion. Ces dernières années, des vagues d'arrestations de «terroristes» présumés ont exacerbé les rancœurs. Faible réaction de la communauté internationale Le Japon a demandé à la Chine de garantir les droits des Ouighours, mais c'est surtout la Turquie qui a réagi le plus efficacement. Ankara demande au Conseil de sécurité des Nations unies de se réunir pour discuter des moyens afin de mettre un terme aux violences au Xinjiang. Pékin réagit immédiatement par une fin de non-recevoir. La Chine considère ces émeutes comme étant un problème interne. Discuter à l'ONU de ces violences reviendrait, selon Pékin, à s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine, impossible en droit international grâce au sacro-saint principe de non-ingérance dans les affaires intérieures des Etats. Exception faite de l'intervention du Premier ministre turc, Recep Tayyeb Erdogan, peu de voix, notamment de pays musulmans, se sont fait entendre pour défendre leurs coreligionnaires, ces 8 millions de Ouighours que compte le Xinjiang. La solidarité des Etats a sans aucun doute, encore une fois, primé sur la solidarité des religions.