Après la perte de Ghaza et la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006, le Fatah n'a-t-il pas perdu toute crédibilité ? Le Fatah a perdu beaucoup en crédibilité et c'est une des raisons de son échec aux élections législatives de 2006. Depuis, cette dégradation s'est accélérée puisqu'il n'est absolument rien sorti des «négociations» liées au processus d'Annapolis, tandis que la guerre à Ghaza s'est déroulée sans que le Fatah n'y soit impliqué. Pour autant, ce mouvement reste important du point de vue historique comme du point de vue politique. Il demeure très bien implanté, dispose toujours de cadres de valeur et représente, avec le Hamas, l'un des deux pôles de la vie politique palestinienne. Par ailleurs, ce sont ses leaders qui sont reconnus sur le plan international. Dans ces conditions, quelle importance accorder à ce congrès ? Ce congrès est très important, car il constitue une occasion unique pour le Fatah de retrouver une crédibilité très érodée, condition nécessaire pour retrouver pleinement sa place dans le jeu politique interne. Mahmoud Abbas a beaucoup insisté sur les erreurs passées. Il faut voir comment cette autocritique va être reçue par les Palestiniens. Et le fait qu'il rappelle l'importance de la résistance a du sens même si beaucoup penseront, sans doute, que ce rappel est bien tardif. Le congrès du Fatah a été présenté par Mahmoud Abbas comme «une plateforme pour un nouveau départ». Un nouveau départ, est-il vraiment possible ? Oui je pense que c'est réalisable, si ce congrès adopte de nouvelles orientations pragmatiques et crédibles. Mais tout cela n'aura de sens que si elles sont suivies d'effets concrets et palpables. Le choix des nouveaux responsables sera, de ce point de vue, un élément essentiel. Il faut voir émerger au premier plan de nouveaux leaders qui auront la confiance et l'estime de la population, sans quoi ce congrès sera vite oublié. Quel regard la population palestinienne porte-t-elle sur ce congrès, croit-elle aux promesses du Fatah de se renouveler et d'apporter quelque chose de nouveau ? Difficile de répondre à cette question. Dans quelques semaines, des sondages permettront d'y voir plus clair. Ce qui me semble très probable c'est que les Palestiniens ne donneront aucun chèque en blanc à ce parti même ressourcé par ce congrès. Ils ont eu tellement de déceptions dont ils ont toujours beaucoup souffert, qu'ils ne peuvent avoir qu'une attitude assez méfiante et donc surtout pragmatique. Ils attendront de voir les résultats concrets, s'il y en a. Ce congrès est aussi l'occasion de renouveler la direction du parti, notamment avec la nomination de nouveaux membres au comité central, quels sont les pronostics pour le moment ? C'est la grande question. Des leaders de la nouvelle génération vont-ils se retrouver enfin au premier plan ? Comme dans tout parti, la bataille interne doit être dure et tout pronostic me paraît bien difficile. Certains de ces leaders disposent d'une forte crédibilité auprès de la population et leur succès serait donc un gage important de la réussite de ce «nouveau départ». Si par exemple, un homme comme Marwan Barghouti se retrouvait à la tête du parti, ce serait sans doute un tournant important dans l'histoire du Fatah d'autant que sa popularité va bien au-delà des sympathisants du Fatah. Et il ferait un excellent candidat pour la prochaine élection présidentielle. Les Palestiniens pourraient ainsi avoir un président en prison, ce qui donnerait à voir avec une grande force ce qu'est la réalité de la Palestine…. Quelles ont été les réactions d'Israël après le discours de Mahmoud Abbas lors de l'ouverture du congrès ? Il ne faut se faire aucune illusion sur les réactions officielles en Israël. Elles ne peuvent qu'être négatives. Ce gouvernement de droite ne veut pas négocier avec les Palestiniens. Il trouvera donc toujours un prétexte pour justifier ce refus. L'évocation de la légitimité de la résistance par Mahmoud Abbas dans son discours a, d'ailleurs, aussitôt été interprétée comme une volonté de recourir au terrorisme par le ministre de l'Information. Certains observateurs israéliens vont jusqu'à dire que l'autorisation donnée par Netanyahu à la tenue de ce congrès n'était pas sans arrière-pensée : il espérait ainsi faire la preuve que le Fatah n'est pas un interlocuteur puisqu'il se réfère toujours à la lutte armée. Cette hypothèse est plausible même si elle ne peut être qu'un élément d'une réalité beaucoup plus complexe…. Quelles répercussions ce congrès va-t-il avoir sur les relations entre le Fatah et le Hamas ? Ce congrès risque de détériorer encore les relations entre le Fatah et le Hamas, puisque Mahmoud Abbas a opté pour une ligne très dure à l'égard du mouvement islamiste. En d'autres termes, si on peut comprendre que le Fatah a d'abord besoin de réaffirmer une identité politique crédible il faut bien voir que sans un effort majeur pour retrouver un minimum d'unité nationale, rien d'essentiel ne pourra se faire. |Bio express | |Jean-Paul Chagnollaud est un spécialiste de la question palestinienne. Il est directeur de la revue Confluences Méditerranée et de la collection Comprendre le Moyen-Orient chez L'Harmattan. Il a publié entre autres, aux éditions de l'Harmattatn : Israël, Palestine Imaginer la paix ? |