Avec un rare sang-froid, dès que le véhicule dans lequel elle voyageait avait été arrêté par des hommes armés, Giuliana a eu le réflexe d'appeler, de son téléphone portable, une consœur restée à l'hôtel. Cette dernière a raconté avoir entendu des rafales d'armes automatiques et une voiture démarrer à toute vitesse, ce qui l'a convaincue de donner l'alerte. Gabriele Poro, directeur du quotidien communiste, a raconté s'être entretenu avec Giuliana une demi-heure avant son enlèvement, vers 12h30, aux alentours de l'université de Baghdad. Selon le ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pisanu, la journaliste italienne aurait été enlevée par « un groupe armé sunnite ». Nous l'avions croisée à une conférence de presse sur la liberté d'expression en Algérie, tenue à Rome, en décembre 2004. Elle nous avait raconté son dernier voyage en Irak où, contrairement aux autres journalistes occidentaux qui préféraient ne pas prendre trop de risques et travailler du fameux hôtel Palestine, elle sillonnait de long en large l'Irak, avec un rare courage. Elle avait ri aux éclats, quand nous lui avions dit : « Après tes randonnées en Kabylie, en plein terrorisme, tu ne crains plus rien. Ce n'est plus du courage, c'est de la folie furieuse ! » Journaliste honnête, rigoureuse et professionnelle, elle est également une fervente militante de la défense des idéaux humanistes. Elle, l'amie de la cause des démocrates algériens, afghans, sahraouis, kurdes... Elle avait couvert la guerre en Somalie, en Afghanistan, en Irak et s'est occupée de l'Algérie, à partir du début des années 1990. Elle connaissait tout de l'Algérie et s'y rendait même pour y passer ses vacances, avec son conjoint. Elle est particulièrement affectionnée à El Watan et a régulièrement écrit des articles pour dénoncer la fermeture du journal ou les procès intentés contre ses journalistes. Sa solidarité, entraînant celle de son journal, n'a jamais fait défaut à El Watan. Une semaine avant de se rendre à Baghdad, elle nous avait téléphoné, après avoir entendu un programme sur Radio Rai, sur la laïcité en Islam. « Je voulais te féliciter pour tes propos. J'ai bien apprécié ton intervention », nous avait dit Giuliana et on s'est entendu pour se revoir quelques jours plus tard. Entre temps, elle est partie suivre le vote en Irak. Hier, au ministère des Affaires étrangères italien, une cellule de crise a été formée pour suivre cette affaire. Les Italiens, traumatisés après la barbare exécution du journaliste Enzo Baldoni en Irak, les mois derniers, prient pour sa libération saine et sauve.