Ce chiffre ne prend pas en considération les voitures restituées à leurs propriétaires et celles qui sont introduites frauduleusement via les frontières terrestres par les filières basées au Maghreb et en Afrique. Durant l'opération coup-de-poing, organisée à Magra, plusieurs cas de figures illustrent la manière avec laquelle les trafiquants agissent. Plus de 48 300 véhicules de tourisme et utilitaires ont été subtilisés à leurs propriétaires en Algérie. Le chiffre révélé par la Gendarmerie nationale comprend toutes les voitures et autres camions volés et qui ont fait l'objet de plaintes aux quatre coins du pays. Les vérifications effectuées sur des moyens de locomotion ont permis de récupérer des milliers de véhicules et de les restituer à leurs propriétaires, et ce, après enquête sur les spécificités de chaque unité récupérée et répertoriée dans la banque de données des gendarmes. Sur la RN 4, dans un barrage de routine, dressé à un point sensible de la région de M'sila, le commandant de l'Escadron de sécurité routière (ESR), Halim Djendoubi, explique que les trafiquants de voitures transitent souvent par l'axe M'sila-Batna-Bordj Bou-Arréridj, notamment les spécialistes du trafic de gros tonnages qui fait fureur dans la région. Tout est mis à contribution pour identifier les voitures recherchées, à commencer par le système PDA relié au serveur central qui supervise le ballet terrestre. Idem sur l'axe de Zouaoula, sur la route de Métarfa, où le radar Provide 2000, un système sophistiqué équipé d'une caméra et d'une vidéo d'enregistrement, constate tout. Rien ne lui échappe. Il enregistre jusqu'à 6 millions d'unités et emmagasine les images. “Si, par exemple, ce système détecte une voiture volée, mais répertoriée, la sirène de la voiture se déclenche automatiquement. Il ne reste qu'à donner le signalement de la voiture pour l'intercepter”, explique le patron de la gendarmerie de M'sila, Ben Mahdi. Sur cette route où les accidents mortels sont quotidiennement enregistrés, les automobilistes autochtones démantèlent les plaques de signalisation routière pour justifier leur excès de vitesse. Il y a même des plaques qui sont “réécrites” au pinceau pour réduire ou augmenter la vitesse à la guise des chauffards vandales de la région. Ce tronçon routier est le plus fréquenté par les trafiquants de véhicules. Il mène droit à El Djezar, à Batna, limitrophe de la wilaya de M'sila. Sur cet axe, notamment sur la route de Ouled Addi Guebala, tout se vend. “Bled garages” par excellence, ce couloir est longé de cimetières infinis de voitures et de camions réformés, d'autres en réparation et mis en vente. Inutile de chercher ailleurs, toutes les pièces de rechange sont exposées au bord de la route par les propriétaires des milliers de garages où soudeurs, plombiers, tourneurs et autres mécaniciens trouvent leur compte. Avec une moyenne de 17 affaires traitées annuellement, le vol de voitures à M'sila demeure inquiétant. Trafic de véhicules au nom de la reconversion à… l'Islam ! À peine arrivés à Magra, où l'opération coup-de-poing bat son plein, le commandant de la compagnie, Djamel Gasmi, nous invite tout de go à constater la saisie d'un camion semi-remorque de marque Renault R-340. Cet engin, introduit frauduleusement via la frontière terrestre de Tamanrasset, a fait l'objet d'un trafic hors normes pour être acheminé vers M'sila. Ici, on maquillera son numéro de châssis, un poinçonnage à froid, avant d'être, de nouveau, immatriculé dans la wilaya de Béjaïa. Le conducteur confiant devait alors l'acheminer vers Sétif pour être écoulé. Mais c'était compter sans la vigilance des gendarmes qui ont débusqué le stratagème. Deux autres camions seront également saisis. Bourrés de marchandises, entre produits alimentaires, détergents et lubrifiants, un mélange dangereux pour la santé publique, ces engins seront immobilisés par les gendarmes de Belaïba, le temps de l'instruction judiciaire. Mais les trafiquants découvrent, entre temps, un raccourci reliant M'sif à Aïn El Khadra sur cette bande de la Sebkha, les routiers rusés usent de toute leur intelligence pour contourner les barrages fixes afin de chuter à Barika, wilaya de Batna. Route nationale non encore classifiée, cet axe est en cours de réalisation par une entreprise italienne. Mais depuis quelque temps, les éléments du GGN de M'sila ont compris la nouvelle méthode et le palliatif. Le plus curieux est la saisie d'un véhicule de marque Peugeot 406 au carrefour reliant M'sila, Batna et Bordj Bou-Arréridj. Cette voiture a été introduite sans carte grise, de France, par un ressortissant français venu se convertir à l'Islam. Depuis, elle circule sur l'axe de M'sila où les Peugeot 406 sont très prisées et à un prix dépassant les 150 millions de centimes. Bien avant, c'est un homme armé d'un pistolet automatique factice qui subtilisait des voitures à leurs propriétaires sous la menace. Cet individu sera arrêté avec une voiture volée au moment où il se dirigeait vers Alger. Arrivé à hauteur d'un virage dangereux, le véhicule se renverse. Sorti sain et sauf de cet accident, le trafiquant ne désespère pas en voulant faire appel aux dépanneurs pour remorquer son “butin de guerre”. Cet individu a, dans un passé récent, volé un véhicule à une femme originaire de Sétif. La voiture sera désossée à Djezar, une véritable “boucherie de voitures volées”. Il sera arrêté en possession de l'arme factice et reconnaîtra les faits devant sa victime. Des documents falsifiés pour 1 500 à 500 000 DA ! C'est le réseau le plus important en matière de faux et usage de faux que les gendarmes de Magra viennent de démanteler. Permis de conduire, dossiers administratifs, registre de commerce, passeports, attestations de dispense du Service national, fausses factures, cachets humides, sceaux de l'Etat, griffes officielles des services de la wilaya, en somme tout ce qui pourrait intéresser un bandit ou un criminel, se vend dans cette région où le vrai se raréfie chaque jour. M. Gasmi révèle que ce réseau, dont le cerveau, un enseignant qui réside à Ouled Addi Guebala, a des ramifications qui remontent jusqu'aux wilayas de Constantine, Sétif, Skikda, Djelfa, Tiaret et M'sila. Les documents trafiqués sont cédés entre 1 500 et 500 000 dinars, selon les besoins du client. Le réseau, constitué de 4 personnes, toutes arrêtées, est soutenu par 17 autres individus, tous complices dans la confection des cachets, des sceaux de l'Etat et bien d'autres démarches administratives. Les contrefacteurs détiennent même les copies du cachet et de la griffe personnelle du chef de daïra, des chefs de services de la wilaya, des communes et d'institutions comme les impôts. Les imitateurs, tous des chômeurs, obéissent à la seule logique de satisfaire “le cerveau” dont le lieu de résidence est insoupçonnable, un douar pauvre, révèle M. Gasmi. “Grâce à notre mode opératoire, nous avons pu remonter la filière. L'enquête est toujours en cours et la commission rogatoire de la justice nous saisit à chaque fois qu'il y a un nouvel élément. Toutefois, nous soumettons tout ce qui est saisi à l'expertise, en plus du travail de renseignement qui n'est pas souvent évident”, dira en substance M. Gasmi. Quelques instants avant, notre interlocuteur nous invite à constater une saisie d'armes et de munitions suite à une perquisition de domicile, effectuée mardi dernier aux environs de 17 heures, à Douar Mrazig, une localité relevant de la commune de Barhoum. Résultat, un jeune de 25 ans arrêté avec de la poudre noire, des capsules, des balles explosives, un fusil de fabrication italienne, pour ne citer que cette moisson, alors que l'enquête se poursuit puisqu'il s'agit d'un réseau qui active en liaison avec une filière basée en Tunisie. Deux complices, identifiés, sont actuellement pistés par les gendarmes afin d'établir leur liaison dès qu'il s'agit d'une fabrique d'armes et de munitions, révèle le chef de brigade de Barhoum, Réda Tahri. Avec une moyenne annuelle de 5 réseaux démantelés à M'sila, les trafiquants d'armes sont traqués par les gendarmes qui recourent souvent à l'infiltration des toiles tissées dans les Hauts-Plateaux. L'affaire saillante, pour laquelle le général-major Ahmed Bousteïla a félicité les éléments de Magra est sans doute celle liée à la saisie de 15 pistolets automatiques, 24 fusils de chasse et l'arrestation d'un important réseau composé de 13 individus. Une affaire qui avait défrayé la chronique dans la région et qui a abouti à débusquer les gros bonnets impliqués dans le trafic d'armes, dont des armes de guerre. Deux autres affaires similaires avaient également été élucidées par la compagnie de Magra, dans les localités de Ouled Addi Guebala et Aïn El Khadra. Bilan : 8 personnes appréhendées, saisie de fusils, de poudre noire, de lots munitions mais aussi le démantèlement d'atelier de fabrication d'armes. Ces deux réseaux, liés aux filières de Tébessa, Barika (Batna) et M'sila, activaient sur plusieurs axes. “Ces individus travaillent pour le compte de réseaux isolés et identifiés. Ils n'ont aucune relation avec le terrorisme. Cette région est très réputée pour les parties de chasse, d'où la prolifération des fabriques noires d'armes et de munitions, d'une part, et le commerce prohibée et clandestin, d'autre part”, explique encore M. Gasmi. Fin de l'opération coup-de-poing, le patron du GGN de M'sila, M. Ben Mahdi, fera le bilan de 420 hommes déployés à Magra. Arrestation de 8 personnes recherchées, notamment pour insoumission au Service national, trafic de drogue, détention d'armes blanches, saisie de 2 véhicules, de 40 tonnes de ciment, de kif traité, de quantités inestimables de produits alimentaires, de boissons alcoolisées et de 78 800 pétards. “Nous allons maintenir notre dispositif tout le long du week-end à cause du match Algérie-Egypte. Les trafiquants profitent de ces occasions pour commettre leurs forfaits. Nous avons déjà eu affaire à des situations similaires. À l'approche du Maoulid Enabaoui, nous allons aussi occuper le terrain pour stopper ces trafiquants et ces criminels qui menacent la sécurité publique”, conclut M. Ben Mahdi. Minuit passé, les gendarmes terminent l'opération, mais ne quittent pas le terrain. La défaite des Verts devant les arbitres africains et les Pharaons d'Egypte n'a rien changé. Le défilé venait de commencer, tout au long des routes de M'sila et de Boussaâda, malgré les morsures du froid.