Douleur Des hommes, des femmes et des enfants marchent aveuglément dans la rue, en hurlant et en pleurant. Certains brandissent des drapeaux aux couleurs de la Palestine, d'autres des portraits de leur chef. Des milliers de Palestiniens se sont jetés dans les rues jeudi, tirant en l'air des rafales d'armes automatiques et incendiant des pneus dont la fumée âcre a obscurci le ciel. Le désordre dans Gaza est indescriptible. Même décor dans plusieurs villes et camps de réfugiés de la bande de Gaza, Jabaliya, Khan Younès et Rafah, notamment. De nombreuses artères et rues de Gaza sont bloquées par des barrages de pierres et de pneus en flamme. Les embouteillages sont monstres. La fumée noire qui se dégage des pneus recouvre toute la ville, donnant l'impression que la nuit est en train de tomber. La police est présente partout, mais reste en retrait, tentant parfois de dégager le passage pour laisser passer ses véhicules toutes sirènes hurlantes. Les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, groupe armé lié au Fatah, le mouvement fondé par Yasser Arafat au début des années 1960, a sorti ses hommes dans les rues et les a appelés à frapper «l'occupant partout où il se trouve». Dans une mosquée de Gaza, les radicaux du Hamas déplorent la perte «d'un grand leader» et espèrent que sa disparition «rendra le peuple plus fort dans sa lutte et sa résistance contre l'ennemi sioniste jusqu'à la victoire et à la liberté». Des centaines de gardes du corps de Yasser Arafat se sont rassemblés devant les locaux du Fatah. Certains pleurent. D'autres tirent en l'air. Des adolescents agitent des keffiehs à damiers noir et blanc, la coiffe mythique du leader palestinien. Les muezzins ne cessent de psalmodier des versets du Coran, tandis que la télévision diffuse des prières lancinantes. Tous les commerces ont maintenu baissés leurs rideaux de fer. Les écoles seront fermées également durant les prochains jours. Des rafales d'armes automatiques retentissent sans arrêt tandis que des voitures ont accroché sur leur capot de grandes photos d'un Arafat arborant un sourire victorieux. A Ramallah, «la perle de la Cisjordanie», on pleurait, on discutait par petits groupes sur la place Al Manara. Des portraits du chef palestinien ont été accrochés partout. Quelques centaines de mètres plus loin, devant la Mouqataa, le QG de Yasser Arafat, un homme d'une soixantaine d'années s'est évanoui en apprenant la nouvelle. Les principales mosquées de Ramallah diffusaient, par haut-parleurs, des versets du Coran.