Investir dans l'agriculture pour garantir la sécurité alimentaire : une question au menu du 13e sommet de l'Union africaine à Syrte (Libye) jusqu'au 3 juillet. L'intuition pour l'Union africaine de focaliser ce sommet sur le développement de l'agriculture tient officiellement à un double objectif : celui de la croissance économique et celui de la sécurité alimentaire. A juste titre, dans la mesure où selon les perspectives économiques en Afrique (BAD, OCDE et UNECA), la croissance positive sur le continent en 2008 et 2009 s'est appuyée entre autres sur les conditions propices à l'agriculture dans certains pays. Par ailleurs, si l'actuelle crise économique et financière généralisée n'a pas pour unique solution le développement du secteur agricole, force est de constater que les instabilités que nombre d'Etats africains connaissent ont, entre autres, pour source l'insuffisance des denrées alimentaires pour tous. Si on a toujours cité le cas des pays en Afrique au Sud, du Sahara (Niger, Mali, Burkina Faso…) comme manquant d'autosuffisance alimentaire, il est à remarquer que la région Afrique du Nord connaît également ce fléau. En Algérie par exemple, la faiblesse des superficies en terres cultivables, une structure marquée par des aptitudes agro-pédologiques défavorables, une jachère trop importante et un faible taux d'irrigation et de mobilisation des eaux rendent la production agricole très faible. Cela pousse le pays à importer d'énormes quantités de produits alimentaires : blés, orge, aliments du bétail, vaches sélectionnées, cheptel… Une situation qui, selon une étude du Ciheam sur la période 1963-1992, entraîne la dégradation des taux d'autosuffisance alimentaire comme ce fut le cas en 1980-89 pour les blés et les laits. Ni les réformes économiques, ni la création des structures foncières, encore moins la réforme de l'environnement agricole n'ont apporté à l'Algérie l'indépendance et la sécurité alimentaire propices à un pays de cette taille et de ce poids politique et économique.L'enjeu du 13e sommet ordinaire de l'UA n'est donc pas seulement économique, il est également et surtout politique et social et touche à la construction ou la consolidation d'Etats africains véritablement indépendants et résolument utiles pour leurs citoyens. Cela est d'autant vrai que la sécurité alimentaire est bien ce qui a manqué ces dernières années à certains pays, comme l'Egypte, le Maroc, le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie, le Sénégal ou la Burkina Faso, pour maintenir la paix sociale à l'intérieur de leurs frontières. A partir de ce sommet, l'Afrique engage-t-elle globalement un processus de souverainisation alimentaire pour tous ces Etats dont les politiques et la nature n'ont toujours pas favorisé une autosuffisance durable. D'aucuns parleraient d'une croisade contre cet impérialisme alimentaire qui fait de certains pays d'Afrique le déversoir de la production et de la surproduction de certaines régions du monde. Mais tout le problème aujourd'hui est de savoir s'il existe un modèle duquel les Africains pourraient s'inspirer efficacement ? Dans l'attente des conclusions de Syrte, il faudrait peut-être rappeler que, si la géographie et le climat ont une grande importance dans la productivité agricole (thèse proche de celle de Jean Ziegler), le contexte politique, social et surtout le cadre institutionnel en sont pour beaucoup. D'où le maillage entre le développement de l'agriculture et les réformes institutionnelles actuellement en cours au sein de l'UA. Guy Mvelle est aussi coordonnateur général du Centre de recherche et d'études sur les institutions panafricaines.