C'est dans une atmosphère de grande émotion que celle-ci a été entamée avec une allocution prononcée par Soufi Djamal, secrétaire général de l'association qui a remarquablement retracé la vie, l' œuvre et le parcours exemplaires du grand maître. Après le dépôt d'une gerbe de fleurs sur la tombe, accompli dans une symbolique de perpétuation de la pensée et de la réappropriation de la mémoire par un jeune participant, la cérémonie a pris fin avec la Fatiha récitée pour la miséricorde de l'âme du grand disparu. Cette action culturelle, consacrée à l'évocation et au souvenir, s'est prolongée en soirée au palais El Menzeh qui n'a pu contenir une très nombreuse assistance venue se ressourcer en la circonstance à la pensée de l'idole, hélas, très tôt ravi à l'affection des siens mais qui a marqué d'une empreinte indélébile la mémoire de la cité par son art légendaire, son style exceptionnel, sa voix cristalline et sa très forte personnalité. Des noms célèbres et connus dans le monde de la culture algérienne étaient présents à l'évènement, à l'image du monument de la musique andalouse, le professeur Sid Ahmed Serri, l'historien Daho Djerbal, l'écrivain-poète Amine Zaoui, la virtuose interprète de la chanson citadine, Zakia Kara Terki, le chef d'orchestre andalou, président de l'association EI Inchirah, Hini Smaïn et le directeur général de la radio périphérique algéroise, El Bahdja. Une communication centrée sous le thème «Vie, parcours et œuvre de Cheikh Hadj M'rizek» a brillamment été soutenue par l'écrivain-musicologue Abdelkader Bendamèche qui a suscité un grand intérêt auprès de l'auditoire. Des interventions et des témoignages très fructueux ont enrichi le débat sur ce qui fut une figure emblématique d'Alger et de sa Casbah. Le témoignage le plus poignant fut celui du monument du patrimoine musical andalou, Sid Ahmed Serri, qui a relaté les liens d'amitié qui le liaient au Cheikh Hadj M'rizek et des visites successives qu'il lui rendait à son domicile, à Bologhine (ex-Saint Eugène) durant la pénible épreuve de sa maladie. La dernière qu'il a évoquée dans un soupir profond de compassion qui a remué l'assistance fut lorsqu'il s'est remémoré la scène où, accueilli par la famille affligée qui lui a appris l'état désespéré du malade et l'invite à l' introduire à son chevet, il décline l'invitation en exprimant son regret de ne pouvoir subir une aussi déchirante épreuve et vouloir garder en mémoire et à jamais l'image du maître dans toute sa superbe de forte personnalité, d'élégance et de raffinement. Le grand écrivain, homme de culture et de renom, Amine Zaoui, avec l'éloquence qui est la sienne a, dans une pathétique évocation, affirmé que Cheikh Hadj M'rizek incarne à lui seul le musée de la chanson chaâbie à travers sa personnalité authentiquement algérienne de par sa culture et ses valeurs civilisationnelles. L'intervention la plus attendue par l'assistance fut celle de sa fille unique et adulée, Mme Chaïb Zoulikha qui, déjà très peinée lors de la cérémonie de recueillement, n'a pu retenir son émotion à l'évocation de son père enfin ressuscité de l'oubli. Elle a tenu à retracer les traits de ce qu'il fut en ces termes : «Avenant, affable, très chaleureux, mon père était adopté par toute la population au sein de laquelle il retrouvait toute sa plénitude et son bonheur. Il a célébré et partagé dans l'allégresse des fêtes familiales de mariage, de circoncision qui resteront ancrées dans la mémoire de ceux-là mêmes qui l'ont connu et aimé au souvenir des jours heureux». En remerciant l'Association de la Rampe Louni Arezki, elle a tenu à préciser que toute la famille de Cheikh Hadj M'rizek se joint à elle pour exprimer aux membres de ladite association sa profonde reconnaissance pour le premier acte de mémoire et de souvenir à l'endroit de son illustre père enfin ressuscité d'un long oubli. Le moment le plus fort de la soirée fut celui de la cérémonie de la remise d'une plaque commémorative dédiée à la mémoire de Cheikh Hadj M'rizek par une syrnpathisante de l'association, Mme Addi Nadjia, native aussi de La Casbah, et la lecture du message gravé sur celle-ci : «Pour la mémoire et en souvenir de Cheikh Hadj M'rizek et de son œuvre éternelle, Alger et sa Casbah reconnaissantes», solennellement prononcé par Rabah Haouchine, vice-président de l'association. C'est sous un tonnerre d'applaudissements et une profusion de youyous que Mme Chaïb Zoulikha et sa famille, bien que très émue, étaient ravies par la forte démonstration de gratitude et de reconnaissance exprimées à l'endroit de son illustre père, hôte ressuscité lors d'une soirée de liesse à La Casbah, pour rester à jamais vivant dans le cœur et la mémoire de la jeunesse venue nombreuse découvrir et connaître sa légende. Après la distribution d'un CD de compilation de 10 célèbres chansons de Cheikh Hadj M'rizek, édité en commémoration de cette inoubliable journée, un récital de chants a été magistralement interprété par le virtuose Tarek Difli, de Constantine qui, avec le secret de ses envolées mélodieuses, a fait planer l'ombre de l'illustre disparu à travers l'éternelle et populaire chanson Ya mesbah ezine, reprise en chœur et à l'unisson par toute l'assistance dans une sublime communion de pensée. Si cet évènement mémoriel a réuni les armoiries de la musique andalouse dans la suite du monument Ahmed Serri et de ses disciplines, Zakia Kara Terki et Smaïn Hini, il n'en a rien été du courant de la chanson chaâbie, naturellement plus apparentée par le devoir de reconnaissance au legs inestimable de Cheikh Hadj M'rizek à la famille musicale qui fut la sienne. Pour connaître les impressions du président de l'association Aït Aoudia Lounis, visiblement réjoui du succès de cette journée mémorable qui fera date, nous lui avons rappelé que les grands efforts investis dont il nous a fait part n'ont heureusement pas été vains, il a eu pour réponse : «A l'association, nous avons été interpellés par notre conscience, après un triste constat sur un terrain de prédilection de la culture de la chanson chaâbies qu'est l'historique Casbah d'Alger -au fait son berceau- où une jeunesse native de l'antique cité, de souche algéroise, de la tranche d'âge de 20 à 40 ans, ignorait jusqu'au nom d'une de ses figures emblématiques que fut Cheikh Hadj M'rizek. C'est essentiellement en direction de cette jeunesse que cette démarche de la réappropriation de la mémoire et des valeurs culturelles algériennes est orientée. Cette jeunesse qui constitue le relais vital pour la préservation et la perpétuation de celles-ci nous a comblé d'espoir, elle a répondu avec empressement et enthousiasme à l'appel de la mémoire par sa présence, en nombre et surtout son avidité de découvrir, de savoir, de connaître par ses aînés les pans précieux de sa trame existentielle. Démonstration est ainsi faite avec un présage prometteur matérialisé par les refrains entonnés avec passion de l'immortelle Yak Kadi hymne du souvenir, certes mais aussi de l'espoir. Nous serons attentivement à l'écoute de cette jeunesse avec qui nous continuerons le chemin sur les traces de nos illustres guides, ancrés en notre personnalité pour pérenniser le rayonnement de notre si riche patrimoine culturel.