Tout comme la majorité des hommes qui ont pu, d'une façon ou d'une autre, pénétrer dans les rouages de l'administration, Ahmed Ouyahia, actuel chef du gouvernement, est passé par les fameuses enquêtes d'habilitation. En 1975, le jeune Ouyahia - il avait 23 ans - était déjà diplômé de la prestigieuse Ecole nationale d'administration et titulaire d'un deuxième diplôme en sciences politiques. Au cours de la même année, il est appelé sous les drapeaux. Il avait été affecté, dans ce cadre, en qualité de secrétaire à la présidence de la République. Comme on n'attribuait pas une fonction aussi sensible à tout-venant, surtout pas à un « Kabyle montagnard », la machine secrète, les services de renseignement s'entend, s'était mise en branle. L'enquête sécuritaire - c'est la règle - amène les agents d'habilitation à fouiller dans tous les tiroirs et terroirs. A ce titre, on ne se doutera pas un instant que les services aient « revisité » le passé de celui qui sera considéré plus tard comme l'une des pièces maîtresses du régime et le préféré, dit-on, des chefs militaires. Les enquêteurs se sont même rendus à Bouadnane, un village de la commune d'Iboudrarène (lieu de naissance d'Ouyahia) où ils se sont intéressés au passé révolutionnaire de sa famille. Ce fut au cours de l'année 1975. Sur les lieux, ils ont interrogé plusieurs personnes, dont Dda Rezki qui a accepté de nous livrer son témoignage. « Ils ont posé des questions d'ordre général, notamment sur Ismaïl Ath Yahia (père d'Ouyahia, ndlr), sur l'enfance du jeune Ahmed qui, à ma connaissance, n'a vécu dans son village natal que quatre ou cinq ans. Ils ont également posé des questions sur le passé historique de sa famille », souligne le vieux Rezki. Les « fichiers » étant ainsi vérifiés et les archives épluchées, les agents chargés de l'habilitation ont répondu par un « avis favorable » aux questions formulées par les services de la Présidence. Certainement, Ouyahia leur doit sa brillante carrière. Fort de l'estime dont il jouissait au sein de l'institution militaire et de l'administration, Ouyahia n'a pas cessé de gravir les échelons. Entre 1977 et 1981, il occupa le poste de cadre au département Afrique au ministère des Affaires étrangères. De 1981 jusqu'à 1984, il sera nommé conseiller aux affaires étrangères à l'ambassade d'Algérie à Abidjan puis membre de la mission permanente de l'Algérie auprès de l'ONU (1984-1989). Avant sa nomination pour la première fois à la tête du gouvernement, le 31 décembre 1995, Ouyahia avait occupé plusieurs postes de responsabilité. Pour l'anecdote, au moment où il effectuait son service national à la Présidence, Ouyahia attira l'attention de l'ancien président Houari Boumediène. Son dynamisme, sa diplomatie et surtout son esprit de synthèse ont fait dire au Président qu'Ouyahia sera un jour un « futur serviteur dévoué de l'Etat ».