Ouyahia reprend, pour la troisième fois, du service à la tête du gouvernement algérien et pour la deuxième fois sous les ordres de Bouteflika. Une surprise ? Pas tout à fait. Le départ du très effacé Abdelaziz Belkhadem était dans l'air depuis des mois. Et les missions diplomatiques confiées ces derniers mois par le président Bouteflika au chef du RND mettaient déjà ce dernier sur orbite. L'intermède n'aura donc duré que deux années durant lesquelles le Premier ministre sortant aura géré à tâtons un gouvernement sans programme dans une posture d'un secrétaire technique. Ahmed Ouyahia qui fut contraint en mai 2006 de démissionner de manière humiliante de la tête du gouvernement sur fond d'une fronde à l'Assemblée, orchestrée et téléguidée à partir du palais présidentiel, revient ainsi comme si de rien n'était… Un profil idéal Le président Bouteflika à qui il offrit la planche de salut en mai 2003, en acceptant, contre vents et marées, de le servir comme chef du gouvernement après le limogeage de Ali Benflis, rappelle ainsi l'enfant prodige pour une mission quasi similaire, la crise politique en moins. Premier enseignement politique : entre les deux hommes, c'est désormais la lune de miel jusqu'à la prochaine brouille… Une certitude cependant, Ahmed Ouyahia devrait être le métronome de la révision constitutionnelle et le RND l'escabeau politique number one du troisième mandat. Le « pedigree » politique de Ahmed Ouyahia fait de lui, à l'évidence, un profil idéal pour Bouteflika dans la conjoncture actuelle. Comme en 2003, Ahmed Ouyahia, qui adore les tâches ingrates et difficiles, devra s'attacher sans tarder à requinquer le bilan comptable du président Bouteflika. A moins d'une année de la présidentielle, le chef du RND va retrousser les manches pour relancer les chantiers du Président, poussifs sous Belkhadem. Les défis du « revenant » Le programme d'un million de logements, l'autoroute Est-Ouest, le métro d'Alger, l'emploi de jeunes, sont entre autres les défis que le « revenant » devrait relever. Ouyahia n'a certes pas le temps qu'il faut pour mener à bien sa mission. Mais Bouteflika sait qu'il a affaire à un homme tâcheron qui, en un laps de temps court, pourrait remettre les Algériens au travail. Son équipe gouvernementale d'abord. On s'en souvient du rythme soutenu qu'il avait impulsé en 2003, alors que le pays sortait d'un séisme dévastateur. Force était de constater que le train de travail de Ouyahia était arrivé à l'heure. Et l'Algérie de 2008 ressemble fort à celle de 2003 : incertitude à tous les niveaux et moral national en berne. Pour cause, la panne économique décriée par les entrepreneurs nationaux et étrangers au moment où les caisses de l'Etat débordent de milliards de dollars, dénote d'une indigence managériale avérée. Ahmed Ouyahia le diplomate de carrière est aussi un meneur d'hommes capable de renverser la vapeur. Une qualité que partisans et adversaires lui reconnaissent sans réserve. La gestion à-vau-l'eau de la chose économique par un Temmar omniprésent pourrait donc gagner en lisibilité mais surtout en efficacité. Ouyahia qui, sans être un économiste, maîtrise parfaitement les rouages de l'économie, pourrait ainsi booster les réformes réclamées à cor et à cri par tous les acteurs. S'il a la faconde nécessaire pour convaincre les plus réticents sur ses choix, il a également – et au besoin – un verbe de destruction massif pour mettre hors d'état de nuire ses adversaires politiques. Et le savoir-faire de « Si Ahmed » va bien sûr au-delà de la sphère économique. Ayant fourbi ses armes en diplomatie, il s'avère à l'état actuel des enjeux de la politique étrangère nationale un profil recherché. Dans un contexte géopolitique marqué par le projet de l'union pour la Méditerranée (UPM) pour lequel l'Algérie hésite encore, Ouyahia devrait négocier une place au soleil quitte à rompre avec la rigidité algérienne sur la présence d'Israël à Paris. L'enjeu pour lui est de savoir tirer des avantages comparatifs d'un quitus algérien pour l'UPM. En Afrique, Ouyahia présente aussi un bon CV du fait qu'il soit le médiateur au nom du président de l'OUA dans le règlement du conflit Ethiopie-Erythrée (1999) mais également le principal artisan du règlement du conflit du Nord du Mali en 1992. Fait du hasard, son retour aux affaires coïncide avec la reprise des armes au nord du Mali et la sollicitation de l'Algérie pour une autre médiation… En tout état de cause, le président Bouteflika n'a pas trop le choix en rappelant son « loyal serviteur ». C'est quelque part son propre échec de l'avoir fait partir pour rien.