«Je n'y suis jamais autant allé que depuis que je suis un vieil orphelin.» Une phrase «pirouette» dont il est coutumier suffit à Tadjer pour dire que c'est la quatrième fois qu'il vient en Algérie cette année. Il sera, en effet, au Salon du livre d'Alger (SILA) à partir du 27 octobre, pour présenter son roman Le Porteur de cartable, paru en 2003 en France, aujourd'hui coédité par les éditions Apic. «Je ne sais pas si ça a quelque chose à voir avec mon statut d'écrivain, mais à chaque fois, j'éprouve davantage de plaisir à revenir.» Car enfant, l'auteur a souvent porté les valises de ses parents à l'occasion des vacances familiales passées dans la région d'El Kseur. Alors que l'Algérie apparaît dans la plupart des romans que trimballe l'auteur dans ses bagages, Omar, son «porteur de cartable», transporte les fonds qu'il collecte auprès des militants du réseau FLN. Et voilà le lecteur catapulté dans la France de 1962, à l'approche de la signature des accords de paix. Le voilà, observant ce môme qui n'accepte pas l'arrivée dans son immeuble de Raphaël et sa famille, des pieds-noirs rapatriés d'Algérie. Un récit où l'auteur mêle le léger et le grave, le tendre aussi, donnant à parcourir ce bout d'histoire à travers les yeux de l'enfant. Un livre qui a fait école puisqu'il est aujourd'hui étudié dans des lycées français, belges et tunisiens. Mais l'actualité de l'écrivain ne s'arrête pas là. Western est le dernier roman qu'Akli Tadjer vient de publier chez Flammarion et qu'il ne pourra «que» présenter au salon. Pour dire sa frustration, une autre formule claque : «C'est comme si on proposait une recette de cuisine alors qu'on n'a pas les ingrédients pour la réaliser.» Mais après tout, rien ni personne ne peuvent empêcher l'avant-goût : Omar Boulawane, journaliste trentenaire et célibataire, accepte naïvement de garder le neveu de sa voisine, une ancienne «claudette» partie donner un nouveau souffle à sa carrière en Tunisie… Ainsi commence Western où, même en filigrane, l'Algérie apparaît encore. Loufoque et tendre, l'histoire amène, au fil des pages, tous les ingrédients de cette époque révolue, transposés dans les rues du Paris d'aujourd'hui, une sorte de «OK corral» des temps modernes. Mais ici, les chevaux n'ont de place que sous le capot des autos. A l'image d'un héros façon John Wayne, Boulawane braque ses yeux pas toujours revolver sur ce qui l'entoure. Un regard corrosif et tendre, que les mots de l'auteur transposent de manière drôle ou grave, faisant mouche à chaque fois. Autour de Boulawane gravitent Kader Houssel, Godasse, les frères Bitoune, Jules,et Leïla (l'amour bien sûr !). Autant de personnages, héros, gentils, méchants, qui tiennent le «lecteur-spectateur» en haleine, car tels les plans d'un film, les pages défilent, l'entraînant malgré lui dans l'aventure. Faisant passer des francs éclats de rire à l'émotion et du burlesque au plus grave, comme dans chacun de ses romans, Tadjer a parsemé Western de pépites. De celles qui font le génie d'une écriture dont on ne se lasse pas, de celles qui donnent au mot «populaire» toute sa noblesse. -Le Porteur de cartable (Apic 2009 -246 p.) – Western (Flammarion 2009 – 288 p.)