L'importation en quantité d'engrais et autres produits fertilisants de qualité douteuse auprès de producteurs européens est, depuis quelques semaines, le principal sujet de discussions des agriculteurs algériens. Ces engrais qui auraient fait l'objet d'un contrôle superficiel ou pas contrôlés du tout, seraient selon ces mêmes agriculteurs et agronomes la principale cause de la très mauvaise rentabilité de leur terre durant ces trois dernières années. Déçus par l'absence de toute réaction à leurs multiples appels de détresse, ils ont sollicité des membres de l'Union nationale des paysans algériens pour alerter les pouvoirs publics sur cet aspect. « Le rendement à l'hectare des terres agricoles est en constante baisse. Nos agriculteurs auraient pu faire mieux si les engrais mis à leur disposition avaient été sérieusement contrôlés par les structures compétentes de l'Etat. Ce qui n'a pas été le cas jusqu'ici. De gros enjeux pèsent sur le commerce des engrais », a précisé un des membres du bureau exécutif de l'Union nationale des paysans algériens. Dans une déclaration faite récemment à notre journal, le directeur de l'agriculture à Annaba, avait imputé cette baisse de rentabilité à différentes causes naturelles intervenues les précédentes années dont la rouille jaune et le charbon et en aucun cas aux semences et intrants dont les engrais commercialisés par la Coopérative des céréales et des légumes secs (CCLS). Il avait laissé entendre que les causes de cette baisse étaient à chercher du côté des importateurs d'engrais et de fertilisants. C'est dans ce sens que plusieurs cadres chargés de la production à Fertial ont abondé. Ils ont pointé du doigt la vingtaine d'importateurs en activité en Algérie. Ces derniers n'auraient pas hésité à inonder le marché national de semences et d'intrants de très mauvaise qualité. Cette situation est à l'origine de la faiblesse de la demande locale sur les engrais produits par l'entreprise algérienne Fertial. Or, s'ils sont boudés par les agriculteurs algériens, ces engrais sont très prisés par ceux étrangers qui sollicitent Fertial, avant tout autre producteur, pour leurs approvisionnements. D'où le chiffre d'affaires record, d'un montant de 8,5 milliards de DA, réalisé en 2004 par Fertial. Il était de 6,5 milliards de dinars en 2003. Sur sa lancée, Fertial était arrivée à accéder à des marchés extérieurs qui lui étaient interdits jusque là. Elle avait même réussi à placer ses produits sur les marchés américains augmentant de fait ses exportations. Celles-ci ont atteint plus de 64 millions de dollars pour 38,7 millions dollars en 2003. « N'était la concurrence déloyale à laquelle notre entreprise était confrontée, nous aurions facilement atteint les 10 milliards de dinars de chiffre d'affaires global en 2004. Des opérateurs économiques nationaux ont jeté leur dévolu sur le marché national des engrais où l'enjeu est de taille. Livrés par des fournisseurs européens, ces engrais sont, en grande partie, de très mauvaise qualité. Un contrôle plus rigoureux de ces produits importés destinés à un secteur stratégique comme l'agriculture, est à même de démontrer la véracité de ce que nous avançons », ont indiqué plusieurs cadres. Commercialisation d'engrais et intrants de très mauvaise qualité avec pour conséquence une très mauvaise rentabilité des sols, un fait que beaucoup d'économistes, cadres et travailleurs de Asmidal, agronomes et travailleurs de la terre attribuent à un sabotage caractérisé de l'agriculture nationale. L'autre argument avancé porte sur la décision de fermeture de l'Unité Acide phosphorique que rien ne justifierait. « Bien avant 1994, notre entreprise s'apprêtait à mettre ses installations à niveau. Les équipements de dépollution étaient prêts à être installés pour ramener le taux à égal ou moins de 10 g/t de fluor, norme tolérée. Un expert de nationalité tunisienne avait été chargé de l'aspect dépollution pour les régions de l'Afrique du Nord et de l'Asie par la Banque mondiale (BM). Après sa visite du complexe, il a établi un rapport dans lequel, éludant le programme de dépollution qui lui avait été présenté par les responsables de l'entreprise, il a aggravé à dessein la situation de nos installations. C'est sur la base de ce rapport que la BM a imposé à l'Algérie le choix de fermer l'unité phosphorique », précise un ancien syndicaliste. Avec la disparition de cette unité algérienne de production, concurrent très sérieux dans la production et la commercialisation de l'acide phosphorique produit à forte valeur ajoutée sur le marché international, le marché méditerranéen a été totalement monopolisé par le Maroc et la Tunisie. Cette unité aurait pu être d'un grand apport en matière de chiffre d'affaires tant au niveau local qu'à l'exportation. « L'objectif de ce responsable désigné par la Banque mondiale était de casser notre entreprise pour d'une part augmenter la dépendance du marché national de l'extérieur et, d'éliminer un dangereux concurrent dans la production et la commercialisation de l'acide phosphorique », ont affirmé des syndicalistes de l'entreprise. Ils ont appelé les responsables politiques et économiques à réagir à cette situation tant en ce qui concerne un contrôle plus rigoureux des importations que celui de l'unité Acide phosphorique Loin de ces propos et accusations, M. Louhichi le président-directeur général de Fertial a estimé que les objectifs assignés à son entreprise ont été atteints à 104% avec la priorité à la satisfaction des besoins nationaux. Il a cependant reconnu que sur ce dernier plan, la demande n'est pas forte. « Nous n'avons plus à prouver la qualité de nos produits dont la compétitivité est indiscutable. Ils sont très appréciés tant sur le marché national qu'international » a précisé ce responsable. Il est quelque peu approuvé par le financier de l'entreprise qui a affirmé : « Nous sommes confrontés à une concurrence déloyale. Certes le marché est libre, mais il est nécessaire que l'Etat joue son pouvoir de régulation dans toute sa rigueur. Malgré cette concurrence déloyale, nous avons dépassé les objectifs tracés pour 2004 avec les 279 524 tonnes métriques d'engrais ». L'autre handicap avancé par les agriculteurs porte sur la faiblesse du taux de fertilisation dans notre pays qui serait l'un des plus faibles au monde. Ce que confirme M. Louhichi : « Effectivement, il est actuellement de 11 kg/ha alors que la norme internationale est de 80 kg/ha. La prospérité du secteur agricole égyptien est dû à une fertilisation de 200 kg/ha ». L'ambitieux programme de relance de l'agriculture nationale serait, selon nos interlocuteurs, très bénéfique pour l'essor du marché des engrais en Algérie. Lancé en 2001, il prévoit l'augmentation de la Superficie agricole utile (SAU) de 950 000 hectares et la création de près de 700 000 emplois. Objectif réalisable au regard de l'utilisation de 47 millions d'hectares de terre dont 8 seulement en SAU.