Il y a encore des femmes qui se font piéger à cause du mariage religieux… Le mariage chez le cadi, traditionnellement, était le seul mariage officiel qui pouvait exister en l'absence d'un état civil. La colonisation a introduit l'état civil tel qu'on le connaît aujourd'hui. Durant cette période, le mariage chez le cadi était une forme de résistance et la manifestation du refus de l'administration française. Surtout, la seule manière de manifester son identité musulmane face à la colonisation. Le cadi était reconnu comme autorité, même de la part de l'administration française. La Fatiha était confondue avec le mariage coutumier inscrit par le cadi. Qu'est-ce que la Fatiha ? Tout simplement la formule qui rend licites les relations sexuelles. Ce n'est pas la conclusion du mariage. Car même si on se marie à la mairie, ou chez le cadi, si la Fatiha n'est pas lue, les relations entre l'homme et la femme, officiellement mariés, sont considérées comme adultères, zina. Encore plus loin, dans les coutumes et la religion musulmane, en l'absence de registres écrits, comment peut-on informer d'un mariage dans la tribu ? Tout simplement en lisant la Fatiha en présence de témoins. Autrefois, les enfants étaient très peu scolarisés. Les parents algériens ne se pressaient pas pour valider leur mariage à l'état civil français. Comme le mariage à cette époque se faisait par le juge coutumier (cadi) qui inscrivait sur son registre l'acte (conditions, dot, témoins…). Après l'indépendance, les Algériens ont adopté les deux méthodes, le mariage civil et celui devant cadi. De nos jours, la pratique du cadi commence sérieusement à disparaître, reste le mariage par la Fatiha et celui auprès de l'état civil. Mais le problème qui se pose avec le mariage avec la Fatiha uniquement, c'est dans le cas où le mari disparaît, la femme se retrouve, quelques mois plus tard, fille-mère ! Ces dernières années, le ministère des Affaires religieuses a pensé à mettre en vigueur une note obligeant les imams à vérifier d'abord l'existence d'un acte de mariage civil pour lire la Fatiha. Malheureusement, on constate que la Fatiha n'est pas obligatoirement lue par un imam relevant du ministère mais par un simple citoyen jouissant d'une notoriété populaire. Les avocats disent qu'il ne faut pas trop légiférer le mariage. Ne pensez-vous pas que cela compliquera davantage la situation ? Le mariage seulement avec la Fatiha est un moyen de contourner les conditions et restrictions faites à la polygamie et de légaliser l'adultère. On peut facilement avoir une maîtresse halal. Si le mariage par la Fatiha n'est pas interdit, tous les hommes peuvent être polygames sans limites ni restrictions imposées par les amendements du code de la famille de 2005. De même, les femmes se donneront bonne conscience en épousant des hommes mariés, semi-clandestinement. D'une part, la relation est rendue licite devant leur famille, d'autre part les « époux », prennent autant de femmes qu'ils veulent, en ayant aussi bonne conscience. Ils auront officialisé devant Dieu. Mais nous savons tous que la pratique est intentionnellement malhonnête. Dans ce cas, si l'homme veut reconnaître les enfants, il le fera, et c'est à son décès que la ou les précédente(s) épouse(s) découvriront son adultère remariage. Si, par contre, il veut renier cet « écart » de conduite, il abandonne cette épouse concubine et ses enfants. Le ministère des Affaires religieuses souhaite la révision du code de la famille de façon à légaliser d'office la Fatiha. Pensez-vous que cela puisse régler le problème ? A mon avis, il faut punir les couples qui consomment le mariage avec, seulement, la Fatiha. Car le drame réside dans la naissance des enfants qui sont considérés, en cas de non reconnaissance paternelle, comme des enfants illégitimes. Si maintenant on s'amuse à légaliser d'office la Fatiha, cela veut dire, systématiquement, polygamie ne respectant pas les amendements du code de la famille de 2005. Ce qui aggravera sans doute le problème. J'estime qu'il faut avoir le courage de préciser que la Fatiha est une simple légalisation de la relation sexuelle et non le mariage. S'agit-il de régler le problème des enfants et de limiter des naissances hors mariage ou d'interdire les relations sexuelles avant le mariage officiel ? Le ministère des Affaires religieuses, comme autorité, devrait interdire le mariage par la simple Fatiha.