Elle s'appelle Saliha. Il y a trente ans de cela, elle accepta de devenir une deuxième épouse. De cette relation basée uniquement sur la Fatiha, la jeune femme donna naissance à un enfant. Tout allait bien jusqu'à ce que son mari décède. Saliha voulut alors garantir à son fils l'héritage familier. Une vraie bataille commença. Comment pouvait-elle prouver qu'elle était officiellement mariée ? Cas inédit ! Elle introduisit alors une action en justice pour valider son mariage et fit appel à l'imam qui avait procédé à la lecture de la Fatiha. Mauvaise surprise : l'imam était décédé, tout comme les témoins. Pire, la première épouse l'accusa de fausse déclaration. Aujourd'hui encore, Saliha n'arrive toujours pas à valider son mariage, et elle se retrouve aussi… malmenée par les tribunaux. L'affaire est devant le juge d'instruction pour fausse déclaration. Son tort : avoir accepté de consommer son mariage sur la seule base de la Fatiha. Il ne s'agit évidemment pas du seul cas traité par le tribunal d'Alger. Aujourd'hui, rares sont les mariages consommés sans acte civil. Selon les avocats, cela s'explique par le fait que les femmes actuellement sont davantage conscientes du risque. « Mais ce n'est surtout pas grâce à la note du ministère », soulignent certains hommes de loi. « Personnellement, je sens une prise de conscience particulière des femmes et des jeunes filles qui ne veulent plus s'aventurer avec un mariage religieux sans sa validation civile », nous explique Me Yasmina Bendakir, avocate à la Cour. Même avis partagé par Me Aïssani, avocat à la Cour suprême, qui nuance toutefois : « Mais en dépit de cette mesure instaurée depuis 2000, certains imams continuent sans aucune entrave de lire la Fatiha. » Y a-t-il alors des imams introduits en justice ? « Aucun, à ma connaissance », nous a répondu Me Aïssani. « Au regard de la loi, en effet, il n'y a pas d'infraction, et personne ne peut poursuivre un imam pour avoir lu la Fatiha sans acte de mariage », nous explique encore l'avocat. Car la note du ministère se limite aux imams fonctionnaires relevant de la tutelle. Si sanction il y avait, elle se ferait sur le plan administratif, sans plus. En d'autres termes, les seuls imams enclins à respecter la note sont ceux du ministère. Neuf ans plus tard, en dehors de l'évolution des mentalités, rien n'a encore réellement changé. Le phénomène qui avait pris des proportions alarmantes en Algérie dans les années 70 et 80, notamment dans les zones rurales où les actes de mariage sont rarement validés par l'état civil même après des années d'union, commence plus ou moins à disparaître. Mais aujourd'hui encore, des centaines de femmes mariées et non déclarées se retrouvent avec des enfants qui ne sont même pas reconnus par leur géniteur. Le cas de Souhila s'inscrit également parmi les inédits de la justice. Mariée civilement et religieusement, elle divorce officiellement en avril 2000, quelques mois plus tard. Peu de temps après, le couple reprend la vie conjugale mais seulement avec la Fatiha. Un enfant naît en novembre 2002. Ils décident une fois de plus de rompre. Mais là, le père ne veut pas reconnaître son fils. Son argument : la notification du jugement de divorce d'avril 2000. Autrement dit, même si on se réfère au code de la famille, il est presque impossible de donner la paternité à cet enfant, sinon par test ADN, récemment disponible. L'article 43 du code de la famille stipule que l'enfant est affilié à son père s'il naît dans les dix mois suivant la date de la séparation. Dans le cas de Souhila, si l'enfant était né au maximum en février 2001, il aurait été reconnu, mais l'enfant est né en novembre 2002 ! Souhila est toujours en justice pour tenter d'arracher ses droits. Que proposent les avocats ? - Sensibiliser les futurs mariés et éviter de trop légiférer sur le mariage. Revenir à la pratique adoptée dans les années 1970. A cette époque, la loi autorisait le juge à venir à la cérémonie familiale du mariage pour donner un cachet légal au mariage.