Un Roi avait trois femmes qui, chacune, lui donnèrent un fils. Il partageait son temps entre ses occupations de famille et ses devoirs de souverain. Mais sa distraction préférée était la chasse. Un jour où il avait organisé une battue dans la forêt, il voulut s'éloigner du groupe de ses compagnons pour manger à l'écart avec quelques familiers et prendre un peu de repos. C'était l'heure du dhor (midi). Après le repas, les intimes qui l'avaient suivi s'allongèrent pour la sieste. Le Roi se prosterna pour sa prière, puis s'apprêtait à rejoindre les dormeurs, quand une fille sauvage surgit d'un buisson et poussa un grand cri : un énorme serpent se dirigeait vers le Roi ! Ce cri mit le Roi en garde et réveilla sa suite. Le serpent fut tué et le Roi sauvé. Le souverain regarda alors avec des yeux pleins de gratitude la curieuse créature à qui il devait d'avoir échappé à la mort. Elle était très belle, mais de couleur sombre. Le Roi lui proposa de l'épouser. Elle y consentit. Ses trois femmes blanches n'aimaient guère leur nouvelle compagne. Elles l'appelaient la «houria khoumriya» (l'ange brun). La mulâtresse donna aussi au souverain un fils. Hélas ! Il était noir comme l'ébène, si noir qu'après l'avoir vu, les trois épouses le décrivirent comme «akhal ma fihi mara» (noir tel qu'il n'y a pas en lui un fil blanc, une cicatrice, une tache blanche). Et le Roi l'appela : Kahl (le noir). Ce monarque était assez gêné d'avoir un fils nègre. Les moqueries de ses trois femmes n'étaient d'ailleurs pas faites pour détendre la situation. Les quatre enfants grandissaient et jouaient ensemble dans les jardins du palais. Mais la Khoumriya comprit vite qu'il convenait d'éloigner le plus possible son fils mal aimé. Elle confia son éducation à un vieil homme habitant la forêt du nom de «Hattab», qui était à la fois bûcheron, habile archer et philosophe. Le jeune Kahl reçut de lui d'excellents principes et, au temps de son adolescence, fut élevé dans le courage, l'honneur, les nobles exemples. Quand il était très jeune, sa mère allait le voir, de loin en loin chez Hattab. Plus tard, il revint à la Cour avec discrétion, par intermittence. D'ailleurs le Roi était malade et ne pouvait guère s'occuper de lui. Le conseiller du Roi dit à celui-ci que, pour guérir, il était indispensable que ses fils se mettent en quête de l'«Oiseau de nuit» (thir el-laïl) qui se trouve chez la Princesse-des-sept-îles. C'était là une recherche pleine de périls. Mais, le Roi pensa que cette épreuve formerait ses quatre fils. Il donna à chacun d'eux un cheval, des armes et une bourse et les envoya à la quête de l'Oiseau en leur fixant un commun rendez-vous dans un an. Le cheval de Kahl était noir comme son maître. Kahl qui était formé comme un habile cavalier n'eut pas de peine à se familiariser avec lui et comprit très vite que son cheval était un djinn. Les quatre jeunes gens galopèrent ensemble jusqu'à un croisement de routes. Là deux voies se proposaient à eux. Chacune d'elles avait un poteau indicateur. Le premier panneau disait : «chemin où on est sur de revenir». Le deuxième annonçait : «chemin où on est sûr de ne pas revenir.» Les trois fils blancs choisirent de continuer leur voyage ensemble en prenant la route la plus facile. Le quatrième ne voulait pas imposer sa compagnie à ses frères. De plus, l'aventure ne lui déplaisait pas. Il s'engagea donc seul, avec son cheval noir, sur la route dont on ne revenait pas. Les trois frères blancs ne savourèrent pas loangtemps la joie de leur liberté loin de la Cour et de leur chevauchée dans un pays pourtant annoncé sous le signe d'un heureux auspice.(à suivre...)