Grâce à la clause d'urgence, nous avons cette impression que le détournement et la corruption, et par extension, l'enrichissement illicite sont proportionnels au poste qu'on occupe dans les rouages du pouvoir avec, pour chacun, sa quote-part en fonction de ses responsabilités et de ses capacités. Le procès Khalifa n'a-t-il pas révélé que des personnalités en poste ont été citées, mais elles n'ont jamais été inquiétées. A-t-on un jour cherché à enquêter sur toutes les malversations et cas de corruptions avérés ? A-t-on un jour mené une enquête, depuis le fameux procès oublié du scandale de l'Institut Pasteur, jusqu'à son aboutissement, en révélant les véritables tenants et aboutissants de l'affaire ?! Pour mettre fin à cette gabegie, il est temps de considérer les ressources naturelles et les richesses du pays comme «des biens publics», dont les décisions d'exploitation doivent «être transparentes et soumises à une surveillance par un public informé». Une loi protégeant les ressources naturelles en conformité avec la Constitution, notamment dans son article 17, est devenue plus qu'urgente. La majorité de la population pense que l'exploitation des ressources de l'Algérie ne profite pas au pays, mais aux étrangers et à une oligarchie proche du pouvoir. Ce climat de suspicion affecte «la tranquillité de la société». A titre d'exemple, l'Algérie a réalisé des recettes d'hydrocarbures estimées à plus de 600 milliards de dollars pour les dix dernières années, mais personne ne connaît les détails sur ces recettes, leur répartition entre gaz, pétrole et condensat. Ainsi la rente pétrolière aidant, le clan au pouvoir a compris le système et se prend à considérer qu'il peut tout acheter : les projets, les hommes politiques et les consciences nationales et internationales. Quant au Ministre des privatisations, M. Temmar, l'histoire et le peuple le jugeront sur sa macabre entreprise de destruction de l'économie nationale à travers les fausses privatisations des fleurons de l'économie nationale et ses diverses stratégies de relance industrielle qui n'ont jamais abouti et qui n'ont créé que misère, déperdition du capital savoir-faire national, grossissement des rangs des chômeurs et plus de bureaucratisation. Même le Président le reconnaît dans l'un de ses discours, et après 10 ans pour faire semblant de s'apercevoir que Temmar n'a rien fait, en bradant ses meilleurs actifs et en aggravant davantage la vulnérabilité économique du pays. Tout le monde se rappelle quelle a été la première décision de Temmar lorsqu'il fut installé à la tête du ministère de la Privatisation : lancer des appels d'offres pour la privatisation de centaines d'entreprises. Une démarche dangereuse qui montre le manque de professionnalisme pour ne pas dire de patriotisme. Il s'agit d'une fuite en avant et d'une légèreté, en conformité desquelles la stratégie économique du pays a été préparée. En procédant ainsi, Temmar et ses consultants démontrent une totale méconnaissance des besoins du pays, tant en termes d'investissements et de besoins, qu'en termes de formation et de préservation de l'outil industriel. Le slogan de l'époque : «Tout doit être régi par les lois du marché, l'Etat ne doit plus s'occuper de l'économie, compter sur les investisseurs étrangers pour se développer.» Dans un pays où tout «peut» être fait, Temmar a gravement enfoncé l'Algérie dans la dépendance en encourageant les importations et les privatisations en vertu de la clause d'urgence. Il a fait rater à l'Algérie son introduction dans des secteurs véritablement créateurs d'emplois et de richesse durables tels que les télécommunications, les technologies de l'information, le génie logiciel, la mécanique, la pétrochimie, les biotechnologies pour lesquelles les besoins, la main d'œuvre et la formation en Algérie se prêtent parfaitement. Ainsi les pistes pour un développement économique durable par l'investissement ont été déplacées vers des solutions faciles : les privatisations et les importations. Une stratégie de relance ou de redressement des entreprises en difficulté et un plan d'investissement et de formation de managers pour les entreprises qui ont un potentiel de croissance, pour ne citer que des entreprises comme Saidal, BCR, ENIE, SNVI, auraient aujourd'hui des résultats certes meilleurs que le désert créé par M. Temmar et ses consultants payés à prix d'or. Ces entreprises ont échappé à cette entreprise macabre mais, malheureusement, El Hadjar et les mines de fer ont été bradés à la hâte à un moment où l'acier devenait un produit aussi stratégique que le pétrole et le gaz. Après 7 ans, la production de gestion d'ArcelorMittal, El Hadjar est toujours à 1,2 million de tonnes d'acier ou moins équivalente à la production de Sider, le nombre de travailleurs a été revu à la baisse de moitié à 6000, voire moins et les prix des produits ferreux ont triplé depuis cette OPA. En d'autres termes, aucun investissement n'a été opéré, le maintien de l'emploi n'a pas été respecté, et l'objectif avancé par Temmar de diminution des prix en privatisant ce complexe a vu le contraire se produire. El Hadjar aurait doublé sa production, créé plus d'emplois et maîtrisé les nouvelles technologies, si on y avait investi quelques millions de dollars. Le résultat aurait été bénéfique pour le pays à tous les niveaux économique, social et politique. Pourquoi ne pas investir dans la fabrication des produits qu'on importe, tels que les médicaments, les produits ferreux et non-ferreux, les pneumatiques, le ciment et d'autres nouvelles technologies. Aujourd'hui, c'est trop tard, le mal est très profond, les poursuites judiciaires de ces cadres ne sont que de la poudre aux yeux, tant qu'il n' y aura pas de changement radical dans le mode de gouvernance et surtout de contrôle populaire, à travers des institutions élues démocratiquement et une justice véritablement indépendante, ainsi que la réhabilitation des organes de contrôle complètement déstructurés, à l'image de la Cour des comptes, de l'IGF. L'Algérie est dans une impasse stratégique, qui, lorsque le baril de pétrole s'effondrera, sera une menace à moyen terme pour l'intégrité du pays. Heureusement pour les Algériens qu'il existe dans ce pays suffisamment de patriotes honnêtes parmi les civils et les militaires, les politiques et les fonctionnaires qui ont retardé, voire bloqué quelques privatisations et les politiques économiques qui frôlaient la trahison, et qui veillent à ce que le pays ne périclite pas. Heureusement, aussi, que la crise financière internationale et la brusque prise de conscience de la menace du chômage, ont fait changé aux dirigeants du monde de discours pour sauvegarder leurs économies. A travers des mesures de régulation draconiennes, les privatisations débridées dans notre pays ont été stoppées. L'échec de 10 ans de pouvoir absolu est reconnu par le Président, lui-même, et à plusieurs reprises, dans ses discours notamment devant les présidents d'APC du pays en 2008, il reconnaissait sa responsabilité politique, économique et sociale. En effet, tout le monde s'est félicité de l'autocritique de Bouteflika sur son programme économique et l'aveu de son échec, sans qu'aucune mesure à la hauteur de ce constat ne soit prise. On n'a presque pas besoin d'en parler, les Algériens le vivent au quotidien, grèves répétées et réprimées, pertes d'emplois, suicides, émeutes à travers le territoire national, harraga, terrorisme, corruption, détournements, catastrophes politiques, crimes économiques, déprime sociale et effacement de l'Algérie de la scène internationale. Michael Johnston, professeur de sciences politiques et ancien directeur de la division des sciences sociales à l'université Colgate, dans l'Etat de New York a étudié la corruption politique et administrative depuis 1975, il a été coéditeur et fondateur du journal Corruption et Réforme. Son livre le plus récent s'intitule Les syndromes de la corruption : richesse, pouvoir et démocratie et décrit cette adéquation comme suit : «La démocratisation, le développement économique et la corruption sont étroitement liés. Dans certains pays, richesse, démocratie et niveaux de corruption faibles ou modérés se renforcent mutuellement ; ailleurs, pauvreté, institutions politiques non démocratiques et niveaux élevés de corruption composent une riche mosaïque de cas. Des niveaux élevés de corruption constituent une menace pour la démocratie, à la fois directe et indirecte .. D'une part, la corruption affaiblit les institutions politiques et la participation citoyenne ; d'autre part, elle retarde et dénature le développement économique, élément nécessaire au maintien de la démocratie. S'il est vrai que la démocratisation en elle-même ne constitue pas une promesse de croissance économique, elle peut néanmoins, si la concurrence politique est bien établie et déterminante, contribuer à lutter contre la corruption. Pour être efficace en tant que stratégie anticorruption, la démocratisation doit être intégrée à un développement économique solide et à des méthodes anticorruption institutionnelles.» L'économiste et prix Nobel Amartya Sen a consacré une bonne part de ses travaux à démontrer que le développement économique a besoin de la démocratie : les libertés, le pluralisme et l'expression des citoyens sont les meilleurs garants de contrôle et de réussite des réformes et des moyens engagés, sinon la corruption tue les bonnes volontés. Le retour en force d'un Etat autoritaire et répressif, la fermeture du champ politique et médiatique et la mise de la justice sous le contrôle total du pouvoir exécutif, sont les principaux indicateurs du maintien de l'Algérie parmi les pays cancres à tous les niveaux économique, politique, sécuritaire, diplomatique au sein de la communauté internationale. Autrement, comment un pays comme l'Algérie vaste de plus de 2 millions de km2, qui possède un potentiel humain magnifique, 70% de citoyens de moins de 30 ans, une histoire millénaire et des ressources naturelles énormes, peut-il après 50 années d'indépendance sombrer dans le désespoir absolu, en comptant près de la moitié de la population au- dessous du seuil de pauvreté et parallèlement, une caste de nouveaux riches issus des cercles du pouvoir ? Lorsqu'on injecte 200 milliards de dollars dans des projets d'infrastructures, le gouvernement devrait au moins s'assurer qu'il n'ouvre pas la voie à la dilapidation et à la corruption. Durant ces dernières années, le pouvoir algérien a réussi deux grands exploits historiques, pour reprendre un passage d'une lettre adressée par Jean Daniel au président tunisien : – «Les riches sont scandaleusement devenus plus riches et les pauvres insupportablement plus pauvres. Il y a une déferlante de nouveaux riches dont le comportement cynique et arrogant constitue une provocation quotidienne pour les millions de travailleurs et chômeurs qui n'arrivent même pas à nourrir leurs enfants convenablement.» – «Les jeunes qui représentent plus de 70% de la population et dont les pères et grands-pères sont morts pour l'indépendance du pays et la dignité pour ses citoyens n'ont aujourd'hui qu'un rêve : quitter ce même pays même au prix de la mort.» Au lieu de faire du pétrole un moteur de développement du pays et de création de richesses et d'emplois durables, le pouvoir a fait de l'exploitation des hydrocarbures la source principale de tous les malheurs de ce pays, et les causes de corruption à grande échelle durant ces dernières années. On n'a pas besoin d'ingénieurs, de techniciens ou de sociologues, on n'a pas besoin de la formation professionnelle, bref, on n'a pas besoin de l'intelligence ou de gens qui réfléchissent pour le développement du pays mais, on a besoin de gens sans âme, sans conscience, sans culture pour transformer la rente pétrolière en faux projets afin de fabriquer de nouveaux riches. Le pétrole est devenu une véritable culture de la rente, un calcul simple et borné de l'argent facile à répartir, sans aucune stratégie de développement ou de préoccupation de l'avenir d'un peuple. Pour répondre aux aspirations les plus urgentes de nos citoyens et cerner les notions élémentaires de bien-être des citoyens et afin de réconcilier gouvernants et gouvernés, il est urgent de prendre en charge les secteurs stratégiques et d'entamer des réformes à la hauteur des aspirations des citoyens et de la gravité de la situation, à savoir : – la garantie des conditions de vie matérielle tels que l'emploi et le pouvoir d'achat ; – le droit à une bonne éducation de tous les enfants de l'Algérie ; – l'accessibilité aux soins de qualité et à la portée de tous les citoyens ; – l'ouverture du champ politique et médiatique pour une participation large des citoyens et la garantie d'une justice indépendante et au service du citoyen. Ce que la classe politique en général et le pouvoir en particulier n'ont pas réussi malgré tous les milliards injectés, c'est grâce au sport, ironie du sort, que la voix du changement peut être concrétisée. Un fleuve qui emportera tout sur son passage s'il venait à être encore une autre fois ignoré et méprisé, comme du temps de toutes les hogras. Les décideurs du pays l'ont-ils compris, quand ils ont décrété, en un temps record, la mobilisation générale de tous les appareils de l'Etat autour de l'équipe nationale et de ses supporters ? Seront-ils les architectes qui canaliseront ce fleuve, notre jeunesse, vers un avenir meilleur ? Seront-ils ces architectes qui ne craindront aucun débordement et mettront en place les passerelles nécessaires à un accès juste et équitable à l'éducation, la santé, la justice et l'emploi, autant de ruisseaux qui feront l'oasis ? Se mettront- ils enfin à écouter le peuple et sa jeunesse, pour les faire participer effectivement à la gestion des affaires de leur pays et faire de cette jeunesse une force de création, de construction et de prospérité pour tous, au lieu de la regarder fuir le pays en harraga, se faire exploiter par des dealers de toutes sortes et surtout, se transformer en appât facile aux mains de criminels terroristes ou autres. La mobilisation collective réussie autour d'un match de football ne peut-elle pas s'inscrire durablement dans le temps ? Mais cette fois pour l'éducation, la santé, le niveau de vie, l'emploi des jeunes, la lutte contre la corruption, la bureaucratie … et surtout comprendre ce peuple merveilleux, apprendre à le respecter et s'atteler à réduire le fossé qui sépare toujours gouvernants et gouvernés, source d'incompréhensions et de conflits. H. B. : ancien parlementaire |Commémoration :à la mémoire de Fernand Yveton| |Il y a 53 ans était exécuté le chahid Fernand Yveton. En répondant à l'appel de la patrie, Fernand, l'enfant de Clos-Salembier (El Madania) a offert sa vie pour que vive l'Algérie libre, indépendante et fraternelle. Avant son exécution, il déclara : «La vie d'un homme, la mienne compte peu ; ce qui compte, c'est l'Algérie, son avenir, et l'Algérie sera libre demain.» Pour mémoire et afin que nul n'oublie, une cérémonie de recueillement sur sa tombe aura lieu jeudi 11 février 2010 au cimetière chrétien de Bologhine (ex-St-Eugène), à Alger, face au stade. Gloire éternelle à tous nos valeureux chouhada. La famille Yveton|