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L'itinéraire d'André Akoun vu par Mohammed Harbi : Défenseur d'une conception de la nation algérienne «souple et ouverte»
Publié dans El Watan le 10 - 04 - 2010

D'autres que moi parmi ses collègues des universités parisiennes restitueront avec plus de compétence l'importance de ses travaux et la qualité de son enseignement. Ma première rencontre avec André a eu lieu à l'occasion de la célébration de la Journée anticolonialiste du 21 février 1952. Il était alors codirecteur d'un journal, l'Etudiant anticolonialiste. On ne pouvait pas ne pas le remarquer, car lors de la préparation de cette journée, il m'est apparu comme un militant passionné, mais qui ne pouvait s'empêcher, dans des débats qui se voulaient solennels, de faire une plaisanterie, un jeu de mots. Nous nous réclamions tous les deux d'une Algérie indépendante avec des perspectives différentes. Mon temps s'affirmait national bien que mes relations avec Pierre Souyri et Jean-François Lyotard de Socialisme et barbarie, avec des trotskistes, notamment Jean-Marie Vincent et Denis Berger, des libertaires, dont Daniel Guérin m'avaient appris que les dynamiques du changement transcendaient les frontières de l'Etat-nation, alors même que le changement était vécu et imaginé en fonction de ses frontières. Son temps correspondait à la vulgate marxiste. André estimait alors qu'en militant au PCF, après s'être frotté au PCA, il avait accompli le pas décisif qui le plaçait du bon côté.Nous allions à la rencontre l'un de l'autre en défendant l'idée d'un Etat algérien multiculturel et multiethnique. Notre conception de la nation était souple et ouverte, contrairement à celle de nationalistes qui se nourrissaient d'ingrédients religieux ou s'abritant derrière le masque de la culture, sans réaliser qu'ils frayaient la voie à un exclusivisme islamique. De notre point de vue, la promotion de l'individu, qui est l'un des faits majeurs de la modernité, devait se traduire par l'émergence d'une forme de laïcité, d'une sécularisation de la société et par un nouveau contrat entre elle et la religion. Nous appelions, en somme, à la cohabitation de «différentes» modalités du «croire» en une Algérie libérée du colonialisme. Le dialogue entre nous n'a jamais cessé ; j'ai pris avec lui l'habitude, dans les situations les plus complexes, à mener dans un même mouvement action et réflexion. De l'investissement politique, nous sommes passés à l'investissement existentiel. André me fit entrer dans sa famille et sa belle-famille, toutes deux ouvertes à l'altérité. Il entra dans les miennes. Dans nos milieux respectifs, la convivialité se nourrissait de débats, parfois vifs, sans nuire à l'affectivité. André affichait sa singularité en recourant à la provocation et en maniant le paradoxe. Il excellait dans ce jeu et trouvait du plaisir à «faire marcher» ses interlocuteurs.
Novembre 1954 marque une rupture dans son itinéraire politique
Il prit progressivement ses distances à l'égard de la politique de la direction du PCF pour se rapprocher des marxistes critiques. Le rapport Khrouchtchev, l'insurrection hongroise, le vote des pouvoirs spéciaux, moments-clés dans la guerre d'Algérie, sont autant d'événements qui ne le faisaient plus douter qu'il avait eu raison de prendre ses distances avec le stalinisme. Il s'engageait dans cette voie avec des militants de la cellule de Philo-Sorbonne, Lucien Sebag, Tony, la fille de Jean Monnet (l'inspirateur de l'unité européenne), Cartry et des universitaires de renom, Maxime Rodinson, Jean-Pierre Vernant, François Chatelet, etc. Nombre d'intellectuels, qui avaient cru que la révolution accomplirait le rêve que portait la résistance au nazisme, pensaient à l'impasse du «socialisme réel» sans renoncer à la révolution. Les luttes du tiers-monde venaient à point renouveler leur rêve.
André se lançait dans cette bataille riche de son expérience algérienne et de sa connaissance du FLN, de sa vision d'avenir et de ses pratiques. Il ne croyait pas, comme d'autres, que les luttes du monde colonisé entraîneraient en retour une révolution devenue introuvable en Europe. Plus proche d'Henri Curiel, d'Albert Memmi que de Frantz Fanon, il contribue à nos débats, tout en prêtant attention aux événements dont il donnait une lecture plus historique et moins idéologique.Homme de l'ombre, il a été de 1956 à avril 1958, date de mon départ pour l'Allemagne, l'animateur discret d'un réseau non institué, lié à la commission de presse et d'information que je dirigeais. Ce réseau intervenait selon les occurrences et grâce, à lui, aucun membre de cette commission ne fut arrêté. Natif d'Oran, appartenant à la communauté juive qui vivait en Algérie avant même la conquête musulmane, André se vivait algérien à part entière sans ignorer que nombre de ses compatriotes musulmans ne l'entendaient pas ainsi. A l'appel de l'Ugema, il fait en mai 1956, à la veille du concours d'agrégation, la grève des étudiants. Et quand le consistoire prit position en faveur d'une Algérie française, il fut un des inspirateurs, avec Claude Sixou du comité juif pour l'indépendance, qui contesta au Consistoire le droit de parler au nom de tous les juifs. Convoqué au service militaire et affecté au Val-de-Grâce, il reste au service de la révolution algérienne. Je citerais un épisode significatif de la continuité de son engagement qu'il relate dans ses mémoires. Parlant de lui à la troisième personne pour éviter le «je», il écrit : «Il eut un jour de mai 1958 à convoyer dans Paris, en compagnie du leader trotskiste, Michel Raptis, une valise de quelques centaines de millions pour la déposer chez un de ses militants qui devait la transférer à Cologne. C'était le 13 mai 1958. Paris était quadrillée des forces de police. Ils eurent à traverser la place de la Concorde. Il risquait gros s'il était pris, car il aurait relevé des tribunaux militaires.»
Humaniste et homme libre
L'Algérie devenue indépendante, André choisit de rester en France. Il avait compris depuis longtemps que dans sa patrie de naissance, il ne serait pas un Algérien à part entière, mais un Algérien entièrement à part. Le code de la nationalité adopté par le Parlement, en 1963 ne le détrompait pas. La France, elle, lui reconnaissait le statut de citoyen, abrogé sous Vichy et rétabli plus tard. «Décalé», selon ses propres termes par rapport à l'évolution de l'Algérie, il connut le désenchantement, mais accepta de collaborer à mes côtés à Révolution africaine. L'écart entre le rêve et la réalité mit un terme à ses illusions de jeunesse, qui ne cesseront de se rappeler à lui. Il savait que les circonstances particulières n'ont pas d'impact sur le temps long, tout en étant décisives dans les choix des individus. Son intérêt pour la vie publique ne diminuera pas. Mais son costume est désormais celui du «spectateur engagé». Il se fait réformiste. Notre amitié était trop profonde pour s'en ressentir et il restera toujours à mes côtés, quels que soient mes choix. Je le vis se replier sur l'enseignement et y puiser la volonté de changer le cours des choses en contribuant à l'éveil des esprits. Nommé professeur à la Sorbonne (Paris V), il manifeste son intérêt à l'Algérie et au Maghreb, en recevant une pléiade d'étudiants qu'il aide à construire et à mener à bien leurs travaux. Il fut un éminent professeur et un communicateur de talent. Ses ouvrages en font foi. Ses grandes joies, il les trouva dans la relation avec ses étudiants, dans l'amitié et dans la vie familiale. Humaniste et homme libre, André a gardé jusqu'à son dernier souffle quelque chose de l'hérétique qu'il fut. Humaniste et homme libre, il dit et fait ce que lui dicte sa conscience, cultivant non sans humour le paradoxe pour déstabiliser ses interlocuteurs trop crédules et nageant à contre-courant des modes et des préjugés. Sois en paix, mon vieil ami. Tu laisses après toi un vide, difficile à combler. J'aurais aimé t'annoncer l'arrivée de ta bibliothèque à Oran. Sois assuré que la fidélité que nous avions envers toi ira maintenant à toute ta famille, à Claude, à Sophie, à Catherine et à tes descendants.


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