Des précautions valables pour vous, vos enfants ou encore votre voiture. Ce qui n'est qu'un trajet, plus ou moins long, un voyage ou voire une excursion, peut vite se transformer en véritable aventure. Et la raison est simple : si la voie est carrossable, elle a été livrée «nue», sans équipements ou infrastructures aucunes. Nous sommes hélas loin de ce chantier du siècle, promis, doté de toutes les technologies les plus avancées, fibres optiques et tout le toutim, tandis que l'on se rend compte que le b.a.-ba des commodités est inexistant. Après les gorges étroites de Palestro, un boulevard ! Cette aventure commence, tout comme l'autoroute, à la sortie de Lakhdaria, et de ses gorges aussi escarpées qu'inextricables. Et quelle délivrance que de sortir de l'enfer de Palestro, où l'on reste bloqué dans d'interminables bouchons. Les voitures, bus et autres poids lourds cheminent lentement, pare-chocs contre pare-chocs, dans des nuages de poussière. Mis à mal, les nerfs doivent composer avec le brouhaha des moteurs et les cris des dizaines de vendeurs installés sur le bas-côté de l'étroite route et ce, en sus des nombreux barrages et check points installés tout au long du passage. Et d'un coup, une large voie s'ouvre aux automobilistes ; toutefois, la vitesse est limitée à 80 kilomètres heures. Et pour cause : s'ensuit le long tunnel de Bouira et un pont, à la sortie duquel un rétrécissement de la chaussée est signalé. Un barrage de gendarmerie filtre les voitures, immobilisant, preuves du radar à l'appui, tous ceux qui n'auraient pas respecté la signalisation routière. Mais la peur des retraits de permis n'est pas l'unique motivation pour ralentir. Ou ne devrait du moins pas l'être, tant les cahots se font ressentir et peuvent provoquer des dégâts lorsqu'un véhicule est lancé à plein régime. La route qui gondole, des affaissements, des crevasses et des fissures parcourent, durant plusieurs kilomètres, le tapis pourtant récemment livré. Même les freins de jonction entre les différents tronçons secouent dangereusement les voitures et leurs passagers. Puis, à mesure que les kilomètres défilent, que les vallées verdoyantes laissent la place à des plaines dorées, la sensation de vide se fait de plus en plus ressentir. Livré à lui-même, le voyageur ne peut que se sentir coupé du monde, comme s'il était en pleine mer. Même l'éclairage fait défaut, dans ces contrées désertiques et inhospitalières. Il est toutefois vrai que des balises phosphorescentes sont encastrées dans les glissières en béton, et encore, puisque ces même signaux lumineux sont inexistants sur plusieurs kilomètres. «Raison pour laquelle il est fortement déconseillé de circuler de nuit sur cet axe. En premier lieu parce que l'on n'y voit pas grand-chose, et qu'un accident est vite arrivé. Mais aussi et surtout de peur des agressions et autres traquenards», prévient un routier, habitué à crapahuter sur cette route. Une autoroute «minimaliste» Les minutes passent et les paysages se font plus arides. Des monts rocailleux se dressent de part et d'autre. L'autoroute chemine et parcoure les vallons, dans une succession de virages et de côtes. Des étendues tantôt brunes, tantôt couleurs paille parsemées de vert s'offrent à perte de vue, tranchant avec le gris du bitume, hâlé par le soleil dardant. Pas âme qui vive, en dehors de rares hameaux au loin. Et d'ailleurs, la nature n'est pas la seule à offrir un tableau minimaliste. L'infrastructure aussi. Sur des kilomètres, un interminable désert d'asphalte, et nul moyen d'y échapper, même la bande d'arrêt d'urgence est tout ce qu'il y a de plus minimaliste, tant elle ne mesure que quelques centimètres par endroits. La ligne jaune rase parfois carrément les glissières. Sur 50 kilomètres, c'est le grand vide. Rien, si ce n'est l'autoroute. Pas une bretelle ou une aire de repos, encore moins de station-service ou autres station relais. L'on n'aura surtout pas intérêt à oublier de faire le plein avant d'entamer ce long parcours, qui revêt assurément des allures d'expédition. Sur l'autoroute, un embranchement bifurque et mène vers Béjaïa. Si, par malheur ou par mégarde, un voyageur loupe cette bretelle, il est dans l'obligation de poursuivre son chemin durant plus de 40 kilomètres afin de faire demi-tour, d'autant plus que la signalisation n'est pas des plus omniprésentes. Déroutant. Alors, lorsque l'on débarque d'Alger, ou autres, mieux vaut ne pas s'y aventurer sans vraiment connaître la cartographie de la région, surtout si le pire arrive : la panne. Et, en ces journées caniculaires, la surchauffe du moteur guette. Ainsi, il n'est pas rare de croiser, immobilisés sur le bas côté de la voie, des voitures, capots grand relevés. Devant, de pauvres quidams, pendus à leur téléphone, s'improvisent, impuissants, mécaniciens. Et contrairement aux alentours des grandes agglomérations, où les dépanneuses sillonnent à longueur de journées les voies rapides, nulles traces de remorqueuses ou de garages, tout juste un jeune homme, qui, ayant senti le filon juteux, a installé un étal, juste derrière le béton de la barrière, à l'ombre d'un parasol. Sur le présentoir, différents bidons d'huiles pour moteur et autres flacons de produits mécaniques. Peut-être que les infortunés trouveront leur salut en quelque autre voyageur qui viendrait leur prêter main forte ? Rien n'est moins sûr. «Imaginez que c'est un guet-apens, comme il en arrive souvent ?», se défend un automobiliste. Pas l'ombre d'un gendarme Pour ce qui est de la sécurisation de l'espace, le contraste est saisissant. L'on s'est habitué à la présence massive, parfois même «visuellement agressive», des forces de l'ordre dans nos villes, mais leur absence se fait cruellement ressentir là où ils sont indispensables. Alors que ailleurs sont installés des barrages tous les deux mètres, sur 285 kilomètres, pas un poste, pas une voiture, pas une brigade. «Normalement, des voitures de gendarmerie sillonnent l'autoroute», explique un de leurs éléments, en poste à Oued Athmania, bourgade située à quelques kilomètres après Chelghoum Laïd, où prend fin cette voie à grande vitesse. Tout en affirmant qu'à sa connaissance, jamais personne n'était venu se plaindre d'un incident advenu sur cette distance, le gendarme reconnaît toutefois «l'anormalité» de la situation. «La chaussée a été livrée sans rien autour, avec tous les risques que cela comprend. Et c'est surtout dans ce contexte qu'un renforcement continu de la sécurité est essentiel», admet-il. Puis, il ajoute à brûle-pourpoint, «mais encore faut-il dire que des unités mobiles tentent d'y veiller. Seulement, elles sont obligées, faute de plus de bretelles et de sorties, d'en faire tout le tour. Nos éléments vont jusqu'à Sétif pour faire demi-tour, et parcourir l'autoroute en voie inverse», justifie-t-il. Ceux-ci ne sont pas les seuls à faire les frais de cet «autisme» de la voie express. Deux jeunes hommes sont assis sur la glissière, l'un les bras ballants et l'autre se tenant la tête dans les mains. Ils regardent piteusement une voiture à l'arrêt, capot soulevé. Venu d'El Eulma, le conducteur doit se rendre à Annaba, tandis que son ami a été appelé à la rescousse. «Mais elle est en panne et a besoin d'être remorquée», lance l'un d'eux, sans trop pouvoir situer l'origine de la défaillance mécanique. La solution ? Son compagnon raconte qu'il pensait la détenir, avant de déchanter en prenant conscience du lieu de l'incident. «Ma voiture est garée juste-là», dit-il en avisant un hameau situé juste derrière eux. «Le problème est que je suis obligé de rouler 25 kilomètres jusqu'à Sétif afin de le dépanner», s'énerve-t-il, avant de se lever et d'assener : «Ils ont vraiment fait n'importe quoi !».