Juriste de talent, journaliste militant au service de sa communauté et homme politique de trempe, il a consacré de nombreuses années de sa vie à essayer de mettre fin à l'injustice et à obtenir l'égalité des droits entre Algériens et Français d'Algérie. Né le 25 juin 1903 à El Kala (Constantine), dans une famille de notables, le père étant interprète, Kessous a fait ses études au collège de garçons de Skikda. Il a été par la suite pensionnaire au lycée d'Arles. Dans les années 1930, il est étudiant à Paris. Fort gâté par son père qui a tout mis en œuvre pour permettre à son fils de faire de brillantes études, Kessous sera à la hauteur de ces sacrifices. Il achetait beaucoup de livres afin de s'abreuver du savoir. De grande culture, il se frottait à Paris aux grands esprits et chantait même les opéras. Pourtant, il a renoncé au bien-être que lui procurait une vie sans soucis du lendemain pour ne se consacrer qu'à la défense de sa communauté, dont il a découvert les malheurs sans fin. Il a décidé, dès lors, de se consacrer à la défense de ses droits. Mais l'homme, allergique à la violence d'où qu'elle vienne, avait un idéal et il plaçait ce dernier au-dessus de tout. Cet idéal, c'est le «vivre ensemble» dans l'égalité des droits avec les Européens d'Algérie, sans brimades et sans haine. Moraliste ? Philosophe ? Utopiste ? Réaliste ? Kessous était en tout cas certainement pacifiste, et encore davantage un humaniste dans le vrai sens du terme qui plaçait l'humain au centre de ses préoccupations, sans distinction de race, de sexe ou de religion. Il s'est rapproché de la SFIO, parti politique socialiste français, dont le programme correspondait à son idéal de justice, et a collaboré à son organe de presse Fraternité. Ce qui lui a permis de faire ses premiers pas dans le journalisme. En 1935, il a publié un livre d'exception La Vérité sur le malaise algérien qui n'est pas passé inaperçu et a révélé la rigueur de la réflexion scientifique de l'homme du savoir. Kessous s'est rapproché par la suite de la Fédération des élus du Constantinois du docteur Bendjelloul, où il a retrouvé son ami de collège, Ferhat Abbas. Les deux hommes seront successivement rédacteurs en chef de L'Entente franco-musulmane (1935-1942), organe de presse de cette même fédération. L'Entente a été pour Kessous une tribune à travers laquelle il va défendre ses idées. Et, en premier lieu, la représentation parlementaire, qui, selon lui, était la seule à même de permettre aux élus de défendre les droits de leur communauté. Kessous a soutenu le projet Viollette jusqu'à ce que ce dernier soit définitivement enterré en 1938. En ce sens, il a été un jusqu'au-boutiste et a eu du mal à se relever de l'échec. C'est à ce moment-là qu'il a quitté l'Algérie pour la France. Il s'est marié en 1940 à la Mosquée de Paris avec une Française convertie à l'Islam. Mais il est revenu sur la terre natale, séduit par l'idée du Manifeste (1943) auquel il a adhéré. Il a suivi l'illustre Ferhat Abbas dans sa démarche d'autonomie et a été rédacteur en chef du journal Egalité créé par Ferhat Abbas en 1944. Kessous a été par la suite député UDMA à l'assemblée. C'est en 1948 que Kessous décide de prendre ses distances de ceux qui se disaient prêts à la lutte armée, en l'occurrence Ferhat Abbas et ses compagnons de l'UDMA. Kessous, lui, n'arrivait pas à se résoudre à l'idée de voir les deux communautés s'entretuer. Ne pouvant tourner le dos à son idéal, il a préféré se retirer. Il s'est rapproché d'Albert Camus avec lequel il a partagé l'idéal du «vivre ensemble». Il a créé son propre journal Communauté algérienne où il a entrepris de défendre ses idées. Et selon certains membres de la famille Kessous, «c'est lui qui a lancé Alger Républicain, mais les communistes l'auraient évincé». En 1954, Mohammed El Aziz Kessous s'incline devant le désir de son peuple pour l'indépendance. Il a mis son idéal de pacifiste dans le placard et a soutenu le FLN. Malheureusement, il est happé par la maladie, de celles qui ne pardonnent pas. Mohammed El Aziz Kessous est alors père de quatre enfants, tous des garçons et dont l'un décédera précocement. Il habite avec sa famille à Diar Essaâda, sur les hauteurs d'Alger. Il quitte l'Algérie en 1957 pour se soigner en France. C'est là qu'il est mort le 13 mai 1965, battu par la maladie, lui toujours dans l'action. Mohammed El Aziz Kessous a été l'un des plus grands intellectuels indigènes qui ont défendu leur communauté sans relâche, ne cédant sur aucun point qui risquait de les affaiblir ou de leur nuire. Une tête pensante qui détenait la plume qui a été avant 1954 l'arme redoutable dont il a su se servir. Mais si Kessous militait pour l'égalité des droits, il était avant tout le défenseur de sa communauté à laquelle il a fait don de sa vie.