Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Ziban vivent, cette année, un été pas comme les autres. De mémoire de Biskri, on n'a jamais vécu un début de saison aussi frais et doux. Après un mois de juin, somme toute des plus agréables, et une entame de juillet non moins exceptionnelle, la canicule a sévi durant une semaine, installant définitivement les Ziban dans la saison des grosses chaleurs avec 45° en début de matinée. Une chaleur insoutenable, doublée de « Chili », ce vent du Sud soulevant des nuages de sable, coïncidant avec les perturbations du courant électrique avec à la clé les pannes des climatiseurs, réfrigérateurs et autres motopompes pour les agriculteurs. Or, ne voilà-t-il pas qu'El Bahri, cette brise de la grande bleue, a rafraîchi, ces derniers jours, le microclimat des oasis. Elle persiste à souffler du sud-est vers le nord du pays, en lieu et place du « Chergui », ce sirocco de sinistre réputation qui, lorsqu'il commence à balayer le désert, il ne fait pas bon mettre un chameau dehors. Pourvu que ça dure, espèrent les personnes âgées, qui, quoi qu'il en soit, ne craignent guère chez nous les effets dévastateurs d'une canicule passagère. Ces anciens, dépositaires incontestables de la mémoire collective, lorsqu'on leur demande s'ils ont une explication plausible à cet événement qui défraie la chronique, répondent : « Il n'y a rien à expliquer, c'est une manne providentielle, Dieu en soit loué ! Après une longue période de sécheresse surviennent toujours une, deux, voire même trois années exceptionnellement pluvieuses. » El Hadj El Hadi Ben Saddok, un nomade intarissable sur la pluviométrie de la région des Ziban et du Tell, sur les crues spectaculaires des oueds et les inondations catastrophiques qu'elles provoquent, affirme, sans crainte d'être contredit : « C'était prévisible, dans la mesure où les anciens, qui savent lire à livre ouvert tous les signes discrets et les sautes d'humeur de la nature, nous ont transmis un aphorisme qui se vérifie toujours et qui dit qu'une année faste (âm zine) suit toujours un automne pluvieux ». N'est-ce pas le cas depuis deux ans ?