Même si nos vétérinaires rassurent sur la qualité de cette viande et sur l'abattage des bêtes, qui s'effectue selon le rite musulman, les citoyens, du moins ceux que nous avons interrogés, hésitent encore à en consommer. Malgré tout, la viande en question sera quand même disponible sur le marché durant le mois sacré. «Halal oui, mais notre viande est meilleure», lance un sexagénaire, rencontré au marché couvert Bettou, au boulevard Belouizdad. Celui-ci, qui se plaint de la flambée des prix de la viande rouge, et ce à la veille du mois de Ramadhan, estime, néanmoins, qu'il est préférable de consommer local. C'est également l'avis de Djaballah, un épicier exerçant dans la ville d'El Khroub, qui commente la chose ainsi: «Les multiples garanties des autorités algériennes et indiennes ne me convainquent pas, et je n'opte pas pour ce produit, même s'il est vendu à un prix abordable.» Et d'ajouter: «Vous savez, si l'Etat a décidé d'importer la viande indienne, c'est son affaire, mais moi, je reste quand même méfiant.» Aïcha, agent de nettoiement dans un immeuble, veuve et mère de 5 enfants, se dit contrainte d'acheter de la viande importée. «Personnellement, ça m'arrange, d'ici le mois sacré la nôtre ne sera pas à la portée des gens comme nous, et puisque les pouvoirs publics nous rassurent sur la qualité de cette viande indienne, alors je ne suis pas inquiète», dit-elle timidement. Quoi qu'il en soit, cette viande est là, et sera bientôt dans l'assiette du consommateur, en dépit de la polémique qui continue bon train, où d'aucuns se posent des questions sur la qualité du produit. En outre, l'importation de la viande indienne n'est pas du goût de la majorité des bouchers, qui redoutent en premier lieu la concurrence. Le prix de cette viande, fixé entre 410 et 560 DA/kg par la société de transformation et de conditionnement des viandes (Sotracov), sera peut-être en mesure de faire baisser le coût excessif de celle locale. «Il y aura de la concurrence, sans aucun doute, et personnellement je m'attends à ce que les prix de la viande de buffle cassent ceux de la nôtre», dira, avec une pointe d'amertume, un boucher au marché couvert, Boumezou, à la place du 1er Novembre. La plupart des bouchers interrogés n'envisagent pas de revoir leurs prix à la baisse. «Pas question que ce soit le cas», soutiennent-ils. Un autre nous fera savoir que pour rien au monde il ne vendra de la viande importée. «Même si ce produit conquiert le marché, il ne va pas dissuader mes clients de choisir ma marchandise», dira-t-il avec assurance. En tout cas, la mise sur le marché de la viande de buffle ne sera pas facilement gérée par les bouchers constantinois. Quelques-uns n'écartent pas l'éventualité d'une révision à la baisse de leurs prix. «Ben oui, puisque les petites bourses vont certainement se rabattre sur le produit indien…», lance un boucher activant à Souika.