Pour mettre fin au diktat des kamikazes de la route, le wali de Tlemcen a signé un arrêté, le 18 juillet, limitant l'approvisionnement en essence et gasoil. Entré en application lundi dernier, le texte de wilaya interdit aux véhicules légers de s'approvisionner en carburant pour plus de 400 DA et aux camions plus de 1500 DA. Tlemcen : De notre bureau Cette décision ne concernerait apparemment que les voitures suspectes dont des Mercedes, des Renault 25, Renault 21, Renault 18 et Peugeot 504 et 505, en plus des camions de tous types. Interrogé sur quelle base il pourrait discerner un trafiquant (hallab) d'un honnête citoyen à bord d'un véhicule conduit par un fonctionnaire, par exemple, et signalé par l'arrêté, un pompiste rétorque avec un rictus : « Ce n'est pas difficile de faire la différence ! » Paniqués, dans un premier temps, des conducteurs de taxi se disent non concernés par cet arrêté, même si leur calvaire demeure le même. « Le problème ne réside pas dans le remplissage du plein ou de la moitié, puisque les trafiquants sont abonnés aux stations-service, donc ils ont tout le temps et toute la patience pour faire plusieurs navettes et "siffler" tout le carburant de Naftal et des stations privées », témoigne un taxi. Quand on sait qu'ils sont plus de 8000 hallaba - venant de toutes les régions du pays - qui écument les routes de jour comme de nuit, transgressant toutes les lois, l'on se demande si cet arrêté de wilaya n'était qu'un provisoire palliatif. Il y a quelques années, un autre arrêté avait été signé, obligeant les pompistes, en présence d'un agent de l'ordre, à inscrire tous les conducteurs s'approvisionnant en carburant dans la journée. Au bout de quelques mois, la chose paraissant ridicule, les pouvoirs publics ont fini par annuler ledit arrêté. Pourtant, éradiquer ce trafic est d'une simplicité effarante selon des citoyens : « Qu'on commence par éliminer les dépôts qui prolifèrent dans les quartiers de Maghnia, Souani, Bab El Assa et sur toute la bande frontalière. Des dépôts installés dans des cités populaires et qui sont de véritables bombes menaçant toute une population. » Par ailleurs, pour les habitués du tronçon entre la bande frontalière (Bab El Assa-Maghnia-carrefour 35-Remchi, sur la route de Tlemcen et d'Oran), les trafiquants évoluent en terrain conquis, au nez et à la barbe des services de sécurité. « Ce qui est frustrant, c'est que ces meurtriers de la route, ces suceurs de l'économie nationale passent et repassent devant les barrages fixes des gendarmes, des douanes et de la police plusieurs fois par jour sans être inquiétés. Et ce n'est pas drôle de voir des citoyens honorables en famille se faire contrôler », s'insurge un autre habitant de la ville. « Pourquoi ne jeter la pierre que sur les hallaba qui, sans ce métier, feraient autre chose ? Nous payons au niveau des stations pour nous faire livrer, nous payons dans les barrages, nous payons sur la frontière… Nous n'arrêtons pas de payer. Alors, parlez de tout le monde ou ne dites rien et laissez-nous tranquilles ! », s'énervent deux jeunes faisant la queue devant une station-service. En fait, ces trafiquants paient des impôts, même si ce n'est pas à qui de droit. « Exactement et je dirai même que si cette profession était légalisée, l'Etat nous ferait payer moins », déclarent-ils. Quand on sait que des gens aisés de l'est du pays, du Centre et du Centre-Ouest ont acquis des semi-remorques et loué des maisons à Maghnia et dans la périphérie pour « exporter » du carburant aux pays voisins, l'on se dit qu'un arrêté de wilaya ne peut venir à bout de la détermination farouche de toute une armée de trafiquants évoluant en toute liberté sur un territoire frontalier que des citoyens honnêtes et impuissants qualifient « d'Etat mafieux indépendant ».