Entré en application il y a une quinzaine de jours, le texte de wilaya limite l'approvisionnement en carburant à 400 DA pour les véhicules légers et à 1 500 DA pour les camions. Apparemment, cette décision ne concernerait que les voitures suspectes dont des Mercedes, des Renault 25, Renault 21, Renault 18 et Peugeot 504 et 505, en plus des camions de tous types. Pourtant, des pompistes, comme robotisés, font dans la confusion. Interrogé, l'un d'entre eux, affirme qu'il pourrait discerner entre un trafiquant (hallab) et un honnête citoyen à bord d'un véhicule conduit par un fonctionnaire. « Ce n'est pas difficile de faire la différence ! » Paniqués, dans un premier temps, des conducteurs de taxi se disent non concernés par cet arrêté, même si leur calvaire demeure le même. « Le problème ne réside pas dans le remplissage du plein ou de la moitié, puisque les trafiquants sont abonnés aux stations-service. Ils ont tout le temps pour faire plusieurs navettes et « siffler » tout le carburant de Naftal et des stations privées ». Quand on sait qu'ils sont plus de 8 000 hallaba – venant de toutes les régions du pays – qui écument les routes, de jour comme de nuit, transgressant toutes les lois, on ne peut que s'interroger sur l'efficacité de cet arrêté de wilaya qui pénalise surtout les propriétaires de véhicules de transport en commun desservant les cités de la ville. Ces derniers viennent, d'ailleurs, d'observer un arrêt de travail pour protester contre une telle mesure qui les oblige à faire la chaîne comme tout le monde. Il y a quelques années, un autre arrêté avait été signé, obligeant les pompistes, en présence d'un agent de l'ordre, à inscrire tous les conducteurs s'approvisionnant en carburant dans la journée. Au bout de quelques mois, la chose paraissait tellement ridicule et inefficace que les pouvoirs publics ont fini par annuler ledit arrêté. Pourtant, éradiquer ce trafic – le dernier des citoyens honnêtes vous le dira – est d'une simplicité effarante : « Qu'on commence par éliminer les dépôts qui prolifèrent dans les quartiers de Maghnia, Souani, Bab El Assa et sur toute la bande frontalière. Des dépôts installés dans des cités populaires et qui sont de véritables bombes menaçant toute une population ». D'autre part, pour les habitués du tronçon entre la bande frontalière (Bab el Assa-Maghnia-carrefour 35-Remchi, sur la route de Tlemcen et d'Oran), les trafiquants évoluent en terrain conquis, au nez et à la barbe des services de sécurité. « Ce qui est frustrant, c'est que ces meurtriers de la route, ces suceurs de l'économie nationale passent et repassent devant les barrages fixes des gendarmes, des douanes et de la police plusieurs fois par jour sans être inquiétés. Et ce n'est pas drôle de voir des citoyens honorables en famille se faire contrôler ». profession légalisée La réalité est que ce trafic ne pourrait exister s'il n'y avait pas des complicités à tous les niveaux, tant il est vrai qu' « il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ». « Pourquoi ne jeter la pierre que sur les hallaba qui, sans ce métier, seraient autre chose ? Nous payons au niveau des stations pour nous faire livrer, nous payons dans les barrages, nous payons sur la frontière… Nous n'arrêtons pas de payer. Alors, parlez de tout le monde ou ne dites rien, et puis laissez-nous tranquilles ! », s'énervent deux jeunes faisant la queue devant une station-service. En fait, ces trafiquant paient des impôts, même si ce n'est pas à qui de droit. « Exactement et je dirais même que si cette profession était légalisée, l'Etat nous ferait payer moins ». Quand on sait que des gens aisés de l'Est du pays, du Centre et du Centre-ouest ont acquis des semi-remorques et loué des maisons à Maghnia et dans la périphérie pour « exporter » du carburant au pays voisin, l'on se dit qu'un arrêté de wilaya ne peut venir à bout de la détermination farouche de toute une armée de trafiquants évoluant en toute liberté sur un territoire frontalier que des citoyens honnêtes et impuissants qualifient « d'Etat mafieux indépendant ». Le wali le sait-il ?