Le moment est cependant venu de donner une impulsion nouvelle à ce projet de coopération et d'intégration économique régionale. Il est temps de réexaminer les objectifs du projet, de revoir la feuille de route de son comité de suivi en focalisant sur l'amélioration et l'accroissement du volume des échanges commerciaux dans le cadre d'une politique concertée de développement des régions transfrontalières sahariennes.Dans les lignes qui suivent, nous allons faire un survol des résultats de ce projet avant d'expliquer pourquoi les objectifs initiaux du projet ont besoin d'être recentrés. La RTS est totalement bitumée au Nigeria et plus de la moitié des 1200 km de ce pays sont en 2X2 voies. En Algérie, la RTS est revêtue d'Alger à la frontière du Niger et l'Algérie a construit quelque 1500 km. En Tunisie aussi, la RTS est entièrement bitumée. De très grands efforts ont été accomplis dans les 3 pays enclavés (Mali, Niger et Tchad), surtout lorsque l'on sait qu'au lendemain de l'indépendance, ces 3 pays réunis avaient moins de 500 km de routes bitumées. On peut dire que, malgré le linéaire important qui reste à réaliser (650 km au Mali, 223 km au Niger, 500 km au Tchad), les résultats ont été corrects, si on sait que les mêmes 3 pays comptent aujourd'hui un réseau routier revêtu de plus de 8700 km dont 2300 km appartenant au projet de la route transsaharienne. Pour réaliser ce projet, les pays directement concernés ont créé un comité dénommé Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT). Ces pays sont : l'Algérie, le Mali, le Niger, la Tunisie, le Nigeria et le Tchad. Le CLRT est composé des directeurs des routes de chacun des 6 pays membres et d'un secrétaire général. Il se réunit deux fois par an pour faire le point de ses activités, alternativement à Alger, siège du comité, puis dans un pays membres du comité. Parmi les résultats probants enregistrés à la faveur de la mise en œuvre de ce projet, on relève : 1. La création du comité lui-même en 1966. En effet, ce comité s'est révélé, au fil des années et de l'expérience sur le terrain, un outil adéquat d'un grand support pour l'initiation et la mise en œuvre d'une coopération efficiente. Il a notamment tissé des liens très utiles avec les institutions de financement et avec les institutions continentales qui agissent sur le devenir de notre continent (UA(1) , CEA(2) ). 2. Le comité est le lieu de l'expression de la coopération et de la solidarité entre les pays des deux rives du Sahara. C'est ainsi que dans ce cadre, l'Algérie et le Nigeria ont financé des sections d'études routières au profit du Niger et du Mali. 3. La BID et la BADEA prennent une part active et jouent un rôle moteur pour mobiliser d'autres institutions arabes pour la recherche de financement de sections du projet de la RTS situées dans les pays subsahariens. 4. La coopération arabo-africaine s'est exprimée à la faveur de la réalisation de ce projet par l'amélioration des connaissances des techniciens à travers l'organisation de stages de formation et de séminaires internationaux qui réunissent les ingénieurs ressortissants des pays membres du comité. Financée principalement par la BID, la BADEA, et également par le fonds de l'OPEC et des entreprises algériennes, ces rencontres techniques sont éminemment importantes pour l'échange d'expériences dans la construction et la gestion des routes en milieu désertique. Des documents techniques et économiques très utiles ont été élaborés à la faveur de ces rencontres. 5. La BADEA a financé tout récemment une vaste étude intitulée «Etude d'identification des potentialités d'échanges commerciaux entre les pays membres du CLRT». C'est une étude qui apporte un éclairage sur les obstacles qui contrarient une coopération plus dense. L'étude indique des pistes pour renforcer la coopération et les échanges entre les pays du Maghreb et les pays subsahariens. Les conclusions de l'étude recommandent tout particulièrement «la création d'une instance de promotion des échanges commerciaux entre les pays membres du CLRT». Quelque 4000 km de routes ont été réalisés malgré les faibles ressources dont disposent les pays subsahariens. Il est important de souligner que ces réalisations se sont faites dans un cadre de bonne coordination qui tire le meilleur parti des tracés sur le terrain, dans chaque pays membre, pour servir au mieux les populations enclavées et l'économie de chaque pays. C'est la raison cardinale de l'institution du comité en 1966. L'axe transafricain de la RTS, Alger-Lagos (4500 km), est aujourd'hui entièrement bitumé à l'exception de la section Arlit-Assamaka sur 223 km au Niger, dont le montage du financement est en cours. Cependant, l'effort consenti pour la construction de la RTS n'enregistre malheureusement pas encore de contrepartie significative au niveau de l'évolution du volume des échanges commerciaux et cela pour diverses raisons : • Le coût élevé, donc dissuasif du transport, sur les sections encore à l'état de piste. C'est le cas de la liaison algéro-malienne «Gao-Kidal-Tamanrasset», • Ensuite l'insécurité chronique de ces dernières années ; • puis le peu de facilitation, l'insuffisance des textes réglementaires, qui régissent les échanges commerciaux et qui ont besoin d'être adaptés à l'ouverture et l'actwwwualité économiques. Les opérateurs économiques se plaignent notamment de la lourdeur du système bancaire. Le montant des échanges import/export, tous modes de transports confondus, entre les deux pays du Maghreb (Algérie, Tunisie) et les 4 autres pays subsahariens (Mali, Niger, Nigeria, Tchad) s'est élevé pour l'année 2007 à 656 millions US dollars. Les échanges peuvent augmenter significativement sur l'axe Alger-Lagos dès que la dernière section à l'état de piste entre Arlit et Assamaka au Niger sera terminée, si des facilitations réglementaires sont apportées au niveau douanier. Par contre, la simple construction d'une route bitumée entre l'Algérie et le Mali n'est pas suffisante pour sortir les populations de cette zone de la situation difficile dans laquelle elles se trouvent. Toute la zone d'influence du projet entre Gao au Mali et Tamanrasset en Algérie a besoin d'un véritable plan de développement concerté entre les deux pays, pour espérer créer le minimum de conditions qui donnent aux populations isolées de cette zone les moyens de lutter contre l'isolement, la dureté du climat, le manque de ressources et le désœuvrement qui peut conduire à l'insécurité. Pour atteindre Tin Zaouatine à la frontière avec le Mali, il faut traverser plus de 320 km de désert absolu à partir de Tamanrasset (Abalessa). Pas une seule agglomération le long de ce parcours si ce n'est la mine d'or de Timesmessa bien excentrée par rapport à l'axe principal. Il faut encore traverser 350 km de piste naturelle en plein désert à partir de la frontière pour atteindre Kidal, chef-lieu de gouvernorat au Mali. Il y a à notre sens un besoin crucial de décliner, pour ce qui est de l'Algérie qui possède un schéma national d'aménagement du territoire, un plan de détail d'aménagement des zones transfrontalières avec les objectifs propres à la relance de l'activité et de la vie autour de ce grand projet de la RTS qui fait le lien entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Pour cela, une étude ciblée est nécessaire. Cette étude devra identifier des projets concrets, les situer et en évaluer le coût et les conditions de mise en œuvre. Les actions imaginables devraient le plus naturellement tirer le meilleur parti de la spécificité de la zone concernée. On peut imaginer les actions suivantes : • Concevoir la création de villages touristiques pour valoriser l'isolement et la traversée du désert recherchés par les touristes ; • encourager et encadrer l'élevage ovin qui existe déjà même s'il est mouvant ; • explorer les possibilités d'exploitations agricoles là où l'eau existe, comme c'est le cas à In Guezam sur l'axe vers le Niger ; • faire réfléchir de concert les villes et les opérateurs économiques des villes de Tamanrasset, Kidal et Gao pour des actions concertées ; • l'exploitation de l'énergie solaire ; • réfléchir la zone en termes d'aménagement du territoire, concomitamment, des deux côtés de la frontière. Il y a un besoin de préparation d'un dossier pour des actions pragmatiques pour le soumettre : a) aux pays concernés ; b) aux grandes institutions internationales pour une assistance technique, et un soutien financier ; c) pour tenter une expérience de développement concerté entre pays voisins, pour, en finalité, améliorer les conditions de vie des populations désavantagées par rapport à celles des grandes agglomérations. Partant de cette dernière analyse du constat que le projet de la RTS a bien avancé et que les grandes questions techniques de coordination du tracé routier sont résolues, partant également des conclusions de la vaste étude des potentialités d'échanges commerciaux citée en (5), le CLRT a suggéré, pour prendre en charge la nouvelle approche, la création d'une instance de promotion des échanges commerciaux. Il s'agit en fait de réexaminer les objectifs et les actions qui doivent accompagner le projet pour les recentrer sur les échanges commerciaux dans un cadre de politique de développement des régions transfrontalières. Le projet a besoin d'un nouveau challenge qui relève de la compétence des départements ministériels chargés du commerce extérieur. A cet effet, le dossier de l'étude des potentialités d'échanges commerciaux ainsi que les recommandations ont été transmis à messieurs les ministres du Commerce de chacun des pays membres du comité de liaison de la route transsaharienne. Note de renvois : 1) Union africaine 2) Commissiion économique des Nations unies pour l'Afrique