Karima, la vingtaine, est une de ces jeunes filles qui tenté le tout pour le tout. Elle raconte son aventure. « A El Marsa, 80% des jeunes sont partis, chaque semaine en hiver, on entend qu'un groupe a pris le large et en été, c'est pratiquement au quotidien. Il y a des voisins qui sont partis et qui ont réussi, ils sont revenus en ayant régularisé leur situation et d'autres envoient de l'argent à leurs parents régulièrement. C'est cela mon but : réussir et prendre en charge ma famille ». Karima est issue d'une famille nécessiteuse, son père a un maigre salaire qui ne suffit pas à la prise en charge de sa famille constituée de six membres vivant dans un F2 vétuste. « Ce sont les conditions de vie précaire qui m'ont poussée à la harga. Il y a en plus les mauvaises langues et les commérages qui nous empoisonnent la vie », dit Karima qui confie qu'elle a travaillé pendant quelques années dans une usine de « dioul » à Aïn El Turck, une usine qui emploie la majorité des filles d'El Marsa et d'autres communes de la corniche. Elle évoque ensuite la procédure de la harga : « Il ya un passeur que je connais, c'est un voisin et un ami d'enfance, je lui ai parlé de mon projet et il a promis de me contacter dès qu'un groupe serait constitué pour le départ. Il m'a dit que cela me couterait 10 millions de centimes. Une somme que j'ai pu me procurer en vendant quelques bricoles en or et en puisant dans mes économies, l'argent que j'avais mis de côté pour mon trousseau de mariage. J'ai remis l'argent au passeur et j'ai attendu qu'il me contacte. Ce fut une semaine plus tard et je n'en ai parlé à personne dans mon entourage même pas à ma sœur. ». Notre interlocutrice soupirera puis se relancera dans son conte : « Ce fut en mars le 18, à 4h du matin, le rendez-vous a été donné à la plage l'Etoile. Arrivée sur le lieu, j'ai trouvé le passeur, treize jeunes et une autre femme âgée de la trentaine. J'étais la plus jeune à bord de l'embarcation. Heureusement, on n'a pas eu de prob lèmes lors de la traversée mais par malchance, nous avons été découverts par les gardes-côtes espagnols. Deux embarcations des gardes-côtes nous ont encerclés et un hélicoptère était au-dessus de nous, et nous a jeté un filet. On a été pris comme des poissons. J'ai cru rêver, il y avait des sirènes qui retentissaient de partout, je me suis sentie comme un terroriste traqué. » Une fois arrêtés, Karima et ses compagnons de traversée ont été placés dans un camp dont elle dira : « Il y avait des Marocains et des Africains dans ce camp d'Almeria. Nous y étions bien traités et espérions tous avoir un laissez-passer, mais ce ne fut pas le cas. Une semaine après, on nous a dit qu'on allait nous refouler en Algérie. Ce fut une dizaine de jours plus tard. ».