Au chapitre relatif à l'exploitation des ressources hydriques pour l'irrigation dans ces régions où l'agriculture est pratiquée exclusivement en irrigué, les spécialistes autant que les agriculteurs relèvent une exploitation abusive des ressources souterraines sans respect des normes rationnelles. Cependant, les exploitants regrettent l'absence totale des autorités locales en charge du secteur, comme les services agricoles et ceux de l'hydraulique. Pire encore, les témoignages recueillis auprès des populations agricoles font état de blocages supplémentaires inhérents que ce soit au manque de coordination ou à l'enchevêtrement des prérogatives entre les différents services de l'administration locale. L'agronome Camara Karifa souligne à cet effet que, «concernant les travaux de mobilisation des ressources en eau d'irrigation qui comprennent la réalisation des forages, après l'attribution des terres, l'APC émet un avis favorable pour le fonçage d'un puits de 20 mètres de profondeur, mais à cette distance, c'est la nappe phréatique, appelée aussi Complexe terminal ou la nappe miopliocène, qui est captée et ses eaux se caractérisent par leur taux de salinisation très élevé donc impropres à l'agriculture. En revanche, pour l'irrigation, il est nécessaire de réaliser un forage à une profondeur moyenne entre 75 et 150 mètres pour atteindre le complexe terminal. Or, malheureusement les fermes agricoles dans le sud sont irriguées à partir des eaux salées de la nappe phréatique dans la majorité des cas». Faute d'une autorisation du wali, la gendarmerie empêche les agriculteurs Toutefois, le manque de coordination entre les différents services de l'administration met les agriculteurs dans des situations de chantage pur et simple. A ce propos, les agriculteurs contestataires affirment que les autorisations de fonçage délivrées par les APC ne sont pas reconnues par les services de contrôle. En conséquence, soulignent-ils, «l'autorisation de réalisation d'un forage, théoriquement, doit être délivrée par le wali sur la base des PV des études menées par les services de l'hydraulique, l'ANRH (agence nationale des ressources hydrauliques) et les services agricoles. Mais dans la réalité, ces services répondent rarement aux sollicitations des agriculteurs, ce qui fait que ces derniers se contentent de l'avis signé par le P/APC pour la réalisation de leurs forages. Or que, sans l'autorisation dûment signée par le wali, la gendarmerie intervient et ordonne l'arrêt des travaux et la saisie du matériel de forage». Telles sont donc les conditions dans lesquelles le programme de développement de l'agriculture est mené dans les régions du Sud qui concentrent, de surcroît, le plus gros des efforts consentis par l'Etat pour le secteur de l'agriculteur. Par ailleurs, il n'est pas inutile de noter qu'au volet relatif à l'exploitation des eaux souterraines pour les besoins de l'irrigation, les études scientifiques menées ces dernières années par les organismes spécialisés convergent sur les conséquences néfastes d'une exploitation irrationnelle et abusive des nappes. C'est le cas de l'agence de bassin hydraulique du Sahara (ABHS), affiliée au ministère des Ressources en eau, soulignant que «la mise en œuvre de tout développement hydro-agricole dans les régions sahariennes sans études préalables a déjà montré ses limites, sinon ses dangers pour l'avenir du sud du pays, qui risque de perdre ses potentialités en eau. L'accroissement rapide de l'utilisation des ressources en eau souterraines sans une politique de planification et de gestion rationnelle peut créer des situations graves, pouvant avoir des conséquences préjudiciables et irréversibles sur le milieu. Le respect de cette politique est la seule manière de préserver cette ressource, qui est vulnérable, voire fossile, dans une grande partie du Sahara». Cependant, l'Anrgihid, (Agence nationale de réalisation et de gestion des infrastructures hydrauliques pour l'irrigation et le drainage), fait ressortir dans l'une de ses études que «les territoires secs (les régions subsahariennes et sahariennes) représentent 90% de la superficie totale du pays. Dans ces régions, les systèmes aquifères des deux types de nappes souterraines, à savoir la Continental Intercalaire et Complexe Terminal constituent la principale, voire l'unique ressource d'approvisionnement en eau». Outre les ressources hydriques, les exploitants agricoles dans le sud du pays affirment que les pratiques bureaucratiques et autres négligences de l'administration freinent grandement leur élan. «Pour les autres actions de mise en valeur, telles que la préparation des terres et la plantation, les services agricoles exigent des investisseurs le lancement des travaux préliminaires avant de solliciter le soutien de l'Etat. Certes, ces conditions sont imposées dans le souci d'efficacité en incitant l'agriculteur à entamer son projet sur fonds propres, mais quand il n'y a pas de coordination entre les services administratifs sur l'autorisation de réaliser un forage, par exemple, cela signifie l'étouffement automatique du projet, car sans la disponibilité des eaux d'irrigation, l'agriculteur est incapable de planter même pas un arbre ».