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Contribution : Pratique médicale et déontologie
Publié dans El Watan le 15 - 11 - 2010

Depuis près de deux décennies, dans le service de chirurgie thoracique, cardio-vasculaire et de transplantation d'organes du CHU Mustapha, dirigé par le Pr H. Chaouche, un travail de fond a été entrepris pour essayer de développer, en parallèle à nos activités de chirurgie classique, des techniques chirurgicales dites de «pointe», passées depuis longtemps dans l'activité hospitalière quotidienne des pays dits avancés et même dans de très nombreux pays en voie de développement. Ce qui n'est pas une mince affaire, quand on sait la pression liée à une demande en soins sans cesse croissante, (environ 2500 patients opérés par an dont des greffes rénales avec donneurs vivants en plus du poids des urgences).
Parmi les interventions que nous essayons de mettre à la disposition de nos patients, les transplantations d'organe occupent une place particulière du fait que le Pr Chaouche a été un pionner dans ce domaine à la fin des années 1970. Dans un premier temps, l'équipe s'était concentrée sur la greffe rénale à partir de donneurs vivants, ce qui a permis de maîtriser un certain nombre d'aspects spécifiques à cette chirurgie puisque plus de trois cents greffes rénales ont été réalisées par l'équipe du Pr Chaouche. Ambitionnant de passer à une autre étape, cette équipe travaille depuis plusieurs années déjà à réunir les conditions nécessaires à la réalisation sur le sol national de la transplantation pulmonaire.
Cette démarche raisonnée répond à la fois à la demande de soins en provenance de nos concitoyens ainsi qu'aux conditions de terrain matérielles et humaines existantes. Actuellement, un certain nombre de nos concitoyens meurent chaque année de certaines affections (emphysème pulmonaire, fibrose, mucoviscidose…) alors qu'ils auraient pu avoir une chance d'être traités par la transplantation pulmonaire. Le nombre de ces patients, et donc des décès liés à ces pathologies, devrait, du fait de la transition épidémiologique et démographique que connaît notre pays, se multiplier dans les années à venir. Ne rien faire consisterait à les abandonner sciemment à leur triste sort.
De plus, ces interventions sont extrêmement onéreuses lorsqu'elles sont réalisées à l'étranger sur certains de nos patients ayant eu la chance d'être inscrits sur des listes d'attente et entraînent des sorties de devises considérables.
La décision de réaliser la transplantation pulmonaire dans le service de chirurgie thoracique du CHU Mustapha n'est pas un phénomène intempestif. Cet objectif s'inscrit dans une stratégie globale de développement de la spécialité, pour répondre à ce que devrait être l'évolution de la demande de soins au cours des prochaines années dans notre pays. Actuellement, les nombreuses spécialités, dont la collaboration est nécessaire à la transplantation pulmonaire, semblent avoir acquis le développement approprié à ce type d'intervention, d'où notre volonté de franchir le pas.
Il est donc possible en Algérie de pouvoir avoir l'ambition de réaliser ce type de chirurgie au bénéfice de nos citoyens en s'appuyant sur ce qui se passe ailleurs, d'autant que les autorités sont prêtes à aller dans ce sens à nos côtés en nous dotant des moyens nécessaires. Ce qui a déjà commencé puisqu'un certain nombre d'équipements sont déjà dans le service, mais ne nous trompons pas, il s'agira d'un processus qui prendra forcément du temps, qui devra être géré d'Algérie et non de l'extérieur du pays par Internet ou par des coopérants techniques. La présence permanente des opérateurs en Algérie au même titre que l'intégration de ces opérations aux autres activités d'un service de chirurgie thoracique sont incontournables si l'on veut donner un maximum de chance au développement de cette chirurgie.
Journée scientifique le 26 octobre
La première Journée scientifique du service a eu lieu le 26 octobre 2010 sous le patronage du ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, elle avait pour objectif d'initier nos jeunes chirurgiens aux défis scientifiques qui les attendent, en particulier dans le domaine du traitement chirurgical des cancers pulmonaires et de la transplantation d'organes. Nous y avons invité deux personnalités scientifiques incontournables. La première est le Pr Marc Riquet, chef de service du service de chirurgie thoracique de l'hôpital européen Georges Pompidou, mondialement reconnu pour ses travaux entre autres sur les lymphatiques thoraciques, qui nous a éclairé sur ses travaux personnels et leur rapport avec les cancers bronchiques.
La seconde, possédant un grand vécu de la transplantation pulmonaire car ayant réellement beaucoup transplanté, nous a brossé un tableau d'ensemble du développement de cette technique en France et dans le monde. Les débats qui suivirent leurs conférences furent enrichissants pour tous les participants, même si parfois un peu trop animés. Mais qui dit débat scientifique, ne dit pas insulte, médisance, fausses accusations, insinuations maladives, dénigrement morbide, car débattre n'est pas vomir sa rancœur contre un système de santé qui ne vous aurait apparemment pas fait la place que vous estimiez être la votre et qui vous aurait contraint à l'exil.
Aussi, faire croire que tout ce qui précède puisse avoir été initié par un docteur vivant à Paris depuis plus de vingt ans serait une insulte à l'intelligence, la probité intellectuelle et les sacrifices consentis par tous les Algériens qui ont fait revivre la faculté de médecine en 1962 et qui pendant toutes ces dernières décennies ont essayé de lui donner une âme.
Débat n'est pas insulte
Passons, maintenant, à cet article qui avait pour titre «J'ai honte, Monsieur le Président» commis par un prétendu professeur en pneumologie exerçant à Paris. De ce que nous savons, c'est qu'il n'y a pas de poste de professeur pneumologue dans le service de chirurgie thoracique de l'hôpital européen George Pompidou où ce monsieur est en poste. Ce que nous savons aussi, c'est que sa nationalité française a été la conséquence d'un choix politique. Lisons-le en train d'expliquer son départ d'Algérie : «Il y avait deux raisons (en dehors d'un malaise général qui commençait à s'installer à partir des années 1980 et qui s'est achevé comme nous le savons). La première est que j'ai suivi la femme de ma vie qui était repartie vivre en France d'où elle était venue quelques années auparavant. La seconde était liée au fait qu'on m'a refusé de faire des études de spécialisation en chirurgie.»
Donc, bien au chaud, au moment où des dizaines de milliers d'Algériens mouraient pour la survie de leur pays, mais aussi où nos médecins, nos chirurgiens et nous-mêmes soignions, opérions et sauvions des vies, tant bien que mal, dans des conditions extrêmement difficiles et que l'Algérie était financièrement près de la banqueroute. Oh, combien il est facile maintenant que la paix civile, la sécurité voire une relative opulence du fait de la hausse du prix du baril de pétrole sont de nouveau présents dans notre pays, de nous accuser «de couver un complexe colonial» et «de faire des concessions à ceux dont ont prétend s'être émancipés», surtout quand l'on a acquis la nationalité de l'ancienne puissance colonisatrice et que l'on réside à Paris.
Bénéficiant de je ne sais quels appuis, ce monsieur s'est fait inviter pour nous apporter «la lumière et la science» : à lui la transplantation pulmonaire, pathologie du monde moderne, à nous «indigènes», les pathologies du tiers- monde. Ce monsieur a donc fait le tour des CHU algérois, pour ensuite disparaître car, selon lui, «il y avait initialement de l'enthousiasme et une volonté de la part des autorités du ministère de la Santé… L'immobilisme initial grandissant et les difficultés qui sont ensuite apparues, comme par exemple l'annulation de la deuxième mission par les responsables dudit hôpital…».
Par contre, une autre version existe, ainsi, selon des personnes qui l'ont approché à l'époque, sa prétention démesurée et son arrogance auraient tout simplement provoqué un rejet de sa personne, d'autant plus vif que rien de ce qu'il est censé avoir apporté n'a été réellement nouveau. Pour plus d'information, il suffit de demander aux cadres du ministère qui l'ont accompagné, aux médecins qui ont travaillé avec lui pourquoi leur brusque revirement, alors que tous l'avaient reçu avec bienveillance car recommandé de haut lieu. Et, maintenant, j'espère, Monsieur, que vous avez compris pourquoi le 26 octobre 2010 vous n'avez pas été invité, parce que, contrairement à il y a quelques années, cette fois-ci l'on connaissait votre vraie valeur, et donc, tout simplement, le comité scientifique très souverainement n'a pas jugé utile de vous inviter.
Opérations maîtrisées
De plus, Monsieur, vous voir vous adresser au président de la République par voie de presse pour le mêler à vos petites histoires personnelles franco-françaises, en dénigrant notre système de santé, en utilisant la diffamation et le mensonge font que maintenant l'on a encore moins envie de vous inviter que le mois dernier.
Un point encore mérite d'être éclairci car extrêmement grave à nos yeux et pour lequel les Conseils de l'Ordre nationaux, algérien et français, vont être saisis incessamment. C'est lorsque vous prétendez que des interventions chirurgicales non maîtrisées sur le poumon seraient réalisées dans le service.
Cette grave accusation relève non seulement du manque d'information sur ce qui se fait dans notre pays, de la volonté de nuire, du propos mensonger mais aussi de la diffamation. Le tout étant forcément prémédité puisque c'est au moins la deuxième fois que vous commettez ces ignobles attaques contre la chirurgie thoracique algérienne. Comment ne pas penser que derrière ce rideau il n'y ait pas d'intérêts inavoués et inavouables ? La chirurgie pulmonaire classique, que ce soit pour les cancers ou les autres pathologies non cancéreuses est maîtrisée dans nos services depuis plusieurs décennies, y compris pour ce qui est des interventions les plus compliquées et nos résultats n'ont rien à envier à ceux des pays de même niveau de développement. Nos chirurgiens se sont formés ici même et au contact des plus grands en Europe et dans le monde, qui d'ailleurs ont souvent été invités à Alger. Si vous ne nous avez pas rencontré, c'est tout simplement parce que vous ne faites pas partie des meilleurs, et si un jour vous voulez apprendre à opérer vraiment les cancers localement évolués, nous sommes prêts à vous l'apprendre.
Par ailleurs, Monsieur, arrêtez de faire l'amalgame entre des «galons» gagnés dans les laboratoires et les animaleries (ce qui est extrêmement honorable en soi), et le travail de chirurgien opérant un être humain, surtout si ce chirurgien travaille dans des conditions aussi difficiles que les nôtres, car ce sont deux mondes différents. Sachez de plus, et cela vous devez vous en douter, Monsieur, que je connais avec exactitude vos capacités dans un bloc opératoire, alors taisez-vous et restez loin de nos patients !
Cela étant, si pour une raison ou une autre vous regrettez vos choix existentiels, vous avez la possibilité, vu votre âge et votre statut de PU/PH dans un service de chirurgie thoracique français, de vous adresser aux institutions nationales concernées en vue d'une éventuelle réintégration dans notre système national de santé, ce qui vous permettra de postuler à une chefferie de service, car il existe actuellement au moins un poste de chef de service de chirurgie thoracique vacant et ainsi, en cas de réussite au concours, réaliser les beaux projets que vous dites porter en votre sein pour mon pays. Vous serez alors le bienvenu !
N.B : Nous ne savons toujours pas qui a téléphoné au secrétariat du Pr Marc Riquet le jeudi après-midi pour dire que la journée du lundi 26 octobre était annulée pour des raisons de sécurité. Mais nous cherchons toujours et peut-être que grâce à Dieu nous finirons, un jour, par le savoir… Dont Acte !


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