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La question de la citoyenneté en Algérie
Publié dans El Watan le 13 - 12 - 2010

Le contenu de l'article de B. Mahmoud, député RCD, intitulé, «Pouvoir résolument autiste», publié sur le quotidien El Watan dans la rubrique «Idées-Débat» (1) est troublant envers l'état actuel de la citoyenneté en Algérie et son avenir incertain dans la politique générale du gouvernement d'Ahmed Ouyahia. Il a écrit : «Dans le discours du gouvernement algérien, le développement humain est une notion galvaudée, vidée de son sens et dépouillée de sa générosité… Le pouvoir dans notre pays ne veut pas d'un peuple qui exerce son libre arbitre et veut être acteur des changements de son existence par des actions individuelles et collectives concertées, sociales et/ou politiques… Il ne veut pas non plus d'individus qui participent à la vie de la communauté et qui expriment une opinion sur les choix, les orientations et les prises de décision affectant leur vie. Il veut des sujets totalement soumis, dépendants et incapables d'initiatives ou d'idées et pour lesquels il doit pourvoir aux besoins élémentaires…
En somme, un pouvoir généreux (!) Une logique d'Etat totalitaire qui soumet le peuple et qui veut durer.» Visiblement, ces propos exposent viscéralement la pratique d'un pouvoir archaïque et classique, différent de celui qui a permis précisément à la citoyenneté d'émerger et d'évoluer en tant que statut social et politique.
Effectivement, tout pouvoir qui demeure sourd devant les possibilités et les stratégies qui peuvent néanmoins aider la société à sortir de la dépendance économique et sociale ne fonctionne en réalité que pour affaiblir et anéantir les potentialités et les opportunités qui peuvent construire et consolider la citoyenneté participative. Partant de ce principe, il est évident de constater que les différentes formes de pouvoir que l'humanité a connues par le passé ne peuvent en aucun cas construire la citoyenneté participative. Seul le «pouvoir légal», celui qui n'est la propriété de personne, peut inévitablement et incontestablement participer à la réalisation de ce projet politique.
De ce fait, la citoyenneté comme projet politique ne peut avoir un sens et une place que dans les Etats gouvernés par un pouvoir légal. Un pouvoir de type nouveau, que tous les Etats puissants, bien qu'ils aient vécu des histoires différentes, ont compris et saisi l'utilité de son efficience pour le développement de la citoyenneté et de la démocratie. C'est un pouvoir constitué par l'ensemble. «L'être-ensemble» comme pouvoir, un concept cher à Arendt Hannah et décrit par Paul Ladriere comme «un pouvoir politique reçu. Lorsque nous déclarons que quelqu'un est au pouvoir, nous entendons par-là qu'il a reçu d'un certain nombre de personnes le pouvoir d'agir en leur nom… Le pouvoir émane du peuple, si le peuple se désagrège, le pouvoir politique institutionnalisé s'écroule.
Quant au pouvoir que possède quelqu'un en tant qu'individu, il ne peut plus être en réalité question de pouvoir mais de ‘‘puissance''… Le pouvoir politique est d'abord celui des citoyens qui l'exercent dans toutes les formes de l'espace public, et sans lui, le pouvoir de l'Etat, en démocratie, est illégitime. Ce pouvoir politique premier n'implique pas la contrainte, il implique au contraire la libre opinion, le libre débat, la libre association.»(2) Dans le cas de l'Algérie, le pouvoir politique en place n'est toujours pas exercé par les citoyens parce que leur «Etat», en tant qu'institution juridique, n'a pas été mis en place pour accompagner les Algériens (es) afin de réaliser leur autonomie matérielle pour devenir par la suite des citoyens essentiellement producteurs et actifs.
En ce sens, l'Etat algérien demeure indubitablement le seul acteur qui pense et réfléchit aux problèmes de société. Les concernés «Algériens (es)» qui partagent avec lui le territoire et la vie ne sont pas encore, à ses yeux, habiles pour critiquer ses idées et réfléchir pour proposer de leur côté d'autres politiques pour améliorer leurs conditions de vie et adoucir en même temps la dépendance de la société vis-à-vis de l'Etat. Les politiques de l'emploi et les dispositifs proposés pour réaliser une intégration sociale n'ont jamais été élaborés et construits pour réaliser justement l'autonomie et l'émancipation des Algériens (es). Ces politiques sont devenues avec le temps des instruments déployés pour maintenir la dépendance matérielle et accabler en même temps les chances et les possibilités de toutes les personnes en quête d'un avenir meilleur en Algérie.
La politique de la promotion de l'emploi, comme celle proposée dans le contenu du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP), illustre nettement notre analyse parce que, effectivement, elle ne fait qu' accentuer les situations incertaines et les emplois précaires. Toutefois, la misère sociale et les conditions aléatoires et vulnérables demeurent des situations qui entravent et bloquent en permanence le développement de la citoyenneté en Algérie. Il faut rappeler que la citoyenneté représente un long processus historique. Elle s'est construite socialement et constituée politiquement après avoir accouché d'un sentiment et d'une conscience collective d'avoir des droits. Ces droits se sont multipliés aux niveaux social et économique. Aujourd'hui, ces droits sont devenus un fondamental incontournable pour booster et vivre réellement la citoyenneté participative.
A partir de cette conviction philosophique et politique, la citoyenneté est devenue une affaire publique, celle de toute la société. Elle est demandée plus que jamais, parce quelle représente désormais le moyen et le levier inéluctable qui peuvent encourager et motiver les membres de la société à travailler et à progresser pour produire leur propre modernité économique et politique. Actuellement, ce type de citoyenneté est passif et inactif en Algérie parce qu'en réalité, ni le pouvoir ni la société n'ont vécu des transformations réelles et palpables au niveau de leur forme et de leur organisation. Bien que les émeutes urbaines et sociales de 1988 aient poussé le pouvoir à réformer le régime politique afin de s'ouvrir sur la société, ce choix n'a malheureusement pas engendré des forces sociales vives pour mobiliser et faire accroître la citoyenneté participative. Ce mouvement s'est soldé par l'institutionnalisation d'une citoyenneté inféconde, octroyée et contrôlée par l'Etat.
En vérité, la faiblesse et l'impuissance de la citoyenneté participative n'intéressaient guère l'Etat algérien et ne peuvent avoir aujourd'hui une priorité dans son programme politique.La citoyenneté comme statut juridique, censé développer des droits et des devoirs, ne peut avoir une signification dans un Etat qui s'est imposé brutalement pour insérer et greffer préalablement une idéologie historique et culturelle particulière dans une société fragile et déstructurée. Cet Etat avait pour mission de justifier principalement la légitimité d'un pouvoir issu essentiellement de l'histoire du mouvement national de libération.
En effet, l'histoire sociale et politique de l'Etat algérien montre clairement qu'il n'est pas le produit des conflits internes entre groupes, d'intérêts ou classes sociales antagonistes algériennes, comme c'était le cas dans certains Etats-nations européens. Au contraire, sa naissance prend effet avec le conflit contre un autre Etat colonial et capitaliste, étranger dans sa conception et dans son fonctionnement aux réalités sociologiques algériennes. L'Etat national a pris donc la place d'un Etat colonial après une guerre de libération, accomplie remarquablement. La question de la citoyenneté algérienne dépendrait donc des choix idéologiques et politiques d'une classe dirigeante qui n'a pas arrêté depuis le temps de glorifier un esprit communautaire figé et stéréotypé qui va dans le sens contraire de celui du sociétaire.
La citoyenneté passive et improductive
Pour renforcer la place de l'Etat et maintenir son pouvoir sur la société, la classe dirigeante s'est mobilisée pour réaliser en priorité de grands projets d'infrastructures en matière économique, culturelle et scientifique. Bien que ces investissements pourraient être, dans le temps, des espaces nouveaux pour produire des liens d'intérêts et des qualifications multiples, le pouvoir en place n'a malheureusement pas manifesté une volonté politique concrète pour s'ouvrir sur des forces sociales qui peuvent éventuellement apparaître pour justement produire et développer la société civile. La façon de gérer les entreprises publiques et les structures étatiques, que ce soit celles des services de l'éducation ou bien celles des universités, est l'une des raisons qui nous expliquent les réticences d'une classe dirigeante envers le développement de la citoyenneté participative en Algérie.
Dès le départ, cette gestion volontariste n'était pas motivée par une politique de développement durable. Etant donné que la rente pétrolière pouvait camoufler et dissimuler les défaillances et les déficits de la mauvaise gestion, les richesses matérielles et les ressources culturelles et humaines que pouvaient produire, accumuler et capitaliser les fonctionnaires, les travailleurs, les éducateurs et les chercheurs, bref, les Algériens (es), n'intéressaient guère les hommes au pouvoir parce que ces potentialités et cette richesse constituaient en réalité une menace pour le pouvoir en place.
Ce pouvoir, écrit L .Addi, «peut perdurer en bloquant l'avènement d'une situation économique qu'il serait incapable de réguler politiquement et qui le rendrait totalement anachronique.» (3) Effectivement, pour préserver le pouvoir, la classe dirigeante n'avait pas d'autre choix que de priver et de dessaisir les managers et les cadres dirigeants, qualifiés pour mener à bien les objectifs de l'entreprise, du contrôle et du commandement. Cependant, toutes les décisions du fonctionnement général des structures et des entreprises publiques ont été désormais prises en dehors de l'espace de l'entreprise, et leur pouvoir en effet s'est produit et s'est exercé dans d'autres sphères, extra-entreprise.
Les décisions économiques ont été constamment rattachées aux décisions et à l'état d'esprit de l'homme politique et de ce que voulait et veut faire seul du sort de ces structures. Pour la quasi majorité des dirigeants économiques, O. Benbekhti écrit qu'«on n'est pas sortis de la tutelle, du monopole de la décision et des pressions administratives sur le pouvoir d'autonomie de décision. A leurs yeux, la bureaucratie administrative et politique en place tient fermement encore à ses positions de contrôle qui lui autorisent ses situations de rente et de privilèges. Elle mène un jeu qui n'est pas fait pour faciliter une quelconque libéralisation de l'économie qui va dans le sens de l'intérêt de l'entreprise, mais qui permet plutôt de maintenir ses avantages et continuer de gérer pour son propre compte la rente.»(4)
Empêcher les gestionnaires et les cadres dirigeants d'effectuer leur travail et ne pas les laisser jouir de leur propre pouvoir dans les entreprises, selon les lois de l'organisation et de la rationalité scientifique veut dire tout simplement stopper la production et arrêter l'accumulation de la richesse. Pis encore, les pouvoirs politiques extra entreprise n'ont pas affaibli uniquement l'entreprise publique algérienne, leur intervention dans la gestion interne de l'entreprise a tué complètement le processus du travail et anéanti les potentialités qui pouvaient développer la citoyenneté économique et productive en Algérie.
En effet, le travail n'est pas seulement un processus de production au-delà de ce qu'il peut engendrer comme bien matériel, il est aussi producteur d'une nouvelle, solidarité et, fondamentalement, d'une conscience collective qui indique aux individus ce qu'ils ont en commun dans une société.
A vrai dire, l'Algérie a raté une occasion pour créer une dynamique sociale qui pouvait proliférer par la suite pour produire, d'une part, une nouvelle culture pour construire la vie collective, et d'autre part, une nouvelle compréhension à la participation collective.
En réalité, le pouvoir algérien a bien compris ce que peuvent produire les infrastructures économiques et culturelles que lui-même avait construites, s'il avait laissé évidemment les cadres dirigeants libres dans leur fonction et libres aussi dans la prise des décisions dans les entreprises publiques. Il a vu qu'il est de son intérêt de stopper toute gestion qui favorise la «socialité productive», sachant pertinemment que la remise en cause d'un pouvoir autoritaire ne peut avoir lieu en l'absence d'une force sociale réelle.
Pour conclure, il faut dire que le citoyen producteur et participatif n'a jamais été souhaité par le pouvoir algérien et ne peut actuellement susciter de l'intérêt, parce qu'il génère sobrement la liberté et l'autonomie par rapport à l'Etat et exige succinctement un rééquilibrage des rapports entre la société et l'Etat.
La citoyenneté comme statut et outil d'expression et de participation ne peut avoir, en fin de compte, une naissance ordinaire dans un environnement social gouverné par un pouvoir autiste qui ne souhaite avoir autour de lui que des citoyens soumis et improductifs. Elle ne peut prospérer avec un pouvoir hostile à toute forme d'ouverture et de liberté. Elle ne peut non plus s'enrichir et grandir avec un pouvoir qui n'aime échanger que de la passivité et de l'inertie.
Références :
1) Boudarène Mahmoud, Le pouvoir résolument autiste, El Watan, «Idées-Débat», journal quotidien, mardi 09 novembre 2010, n° 6095.
2) Paul Ladriere, 1992, Espace public et démocratie, raison pratique, n° 03, Edit, EHESS, Paris, p, 24,25.
3) Lahouari Addi, 1985, Ordre et désarrois en Algérie : L'Etat politique devant l'état économique, Projet d'Assas. Paris, p, 45.
4) Omar Bebekhti, 2005, L'Etat, l'entreprise et le management en Algérie, Dar El Gharb. Algérie. p, 189,190.


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