En 2007, le président Abdelaziz Bouteflika avait reconnu publiquement, lors d'une rencontre gouvernement-walis, la faillite de l'Etat dans la prise en charge de la jeunesse. Le chef de l'Etat a admis que les politiques nationales menées jusqu'à ce jour n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes des jeunes. Il a parlé d'une crise de la jeunesse et il a évoqué, dans ce sens, le phénomène de la harga, néologisme qui illustre la gravité de la crise de la jeunesse et le phénomène des kamikazes en affirmant que « le problème du devenir et de l'avenir des jeunes est plus que jamais posé aux pouvoirs publics ». La harga : une maladie contagieuse Il avait promis de traiter et de régler cette problématique en mettant en place une politique nationale de prise en charge des jeunes qui impliquerait l'ensemble des secteurs, dont la Jeunesse et les Sports, l'Education et la Solidarité. Deux ans après cette rencontre où le chef de l'Etat a clairement exhorté ses cadres à se pencher sur la question des jeunes, le résultat est loin d'être satisfaisant. De grands espoirs avaient été placés en cette rencontre, mais la saignée continue sur nos côtes. Le phénomène de la harga a enregistré une mutation en devenant une maladie contagieuse qui n'épargne aucune catégorie sociale. Aujourd'hui, ce ne sont pas uniquement des chômeurs ou des jeunes et des moins jeunes qui sont tentés par la harga à la recherche d'une vie meilleure, mais aussi des universitaires, des pères de familles, des fonctionnaires et des femmes seules ou accompagnées de leurs enfants. Ayant constaté cet état de fait, le chef de l'Etat est revenu à la charge en 2008 et en 2009, lors de la conférence nationale sur la politique sectorielle pour la prise en charge de la jeunesse. Il a, pour la énième fois, brossé un tableau des problèmes de la jeunesse qui sont, de son avis, variés et dont le traitement exige beaucoup de temps et leur analyse demande beaucoup de rhétorique. Le chef de l'Etat s'est toutefois voulu rassurant quand il a expliqué que la problématique de la jeunesse est prise en charge par l'ensemble des secteurs ministériels et des institutions de l'Etat. Il a rappelé que les propositions du gouvernement en la matière « seront concrètes et ne relèveront ni de considération abstraite ni de slogans démagogiques ». Dans le même sillage, le département de Djamel Ould Abbès a organisé des séminaires pour décortiquer le phénomène de la harga. En présence de représentants de plusieurs secteurs, y compris la police et la gendarmerie, de jeunes harraga ont témoigné de leurs aventures. Une commission interministérielle a été créée pour étudier et suivre de très près ce dossier afin de trouver en urgence les véritables raisons et les solutions à ce phénomène. Pour l'heure, cette équipe n'a même pas fourni un premier diagnostic, elle n'a pas identifié la source du mal, hormis les facteurs chômage et logement, connus de tous ; les membres de la commission n'ont pas donné d'autres clarifications ni éléments poussant les jeunes à braver l'interdit. Interpellé sur cette question, Abdelaziz Belkhadem, alors chef du gouvernement, avait déclaré lors d'une de ses sorties que s'il y avait des solutions miracles pour les harraga, il était preneur, alors que le ministre de la Justice Tayeb Belaïz, avait répondu de son côté à une question d'un parlementaire que « l'Etat n'arrivait pas à identifier » les raisons qui poussent les jeunes à quitter le pays. Pourtant, cette semaine, il y a eu mort d'homme à Annaba. Ce sont de jeunes Algériens qui voulaient fuir le pays pour vivre sous des cieux plus cléments. D'aucuns estiment que la malvie, l'absence de moyens et d'espaces de loisirs, le manque d'encadrement, l'absence de perspectives, la hogra, la corruption, la bureaucratie... sont autant d'éléments qui nourrissent chez les jeunes ces sentiments d'angoisse, de marginalisation et d'exclusion, les poussant jusqu'à braver le danger en haute mer. Est-il difficile pour nos responsables de cerner ces éléments pourtant visibles à l'œil nu ? Pourquoi le gouvernement a-t-il échoué dans sa politique de prise en charge des jeunes, alors que des sommes faramineuses ont été dépensées lors des séminaires et rencontres consacrés à cette question. L'Etat est-il à ce point en panne d'idées et de propositions concrètes en la matière ? Dernièrement, une loi destinée à sanctionner sévèrement les réseaux de passeurs a été votée à l'APN ; apparemment, ce texte est loin d'être la meilleure alternative pour le règlement du problème.