Arrêtés le 9 décembre non loin de l'Opéra, à Alger, où ils prenaient part à un rassemblement de soutien aux artistes poursuivis en justice, le journaliste Adlène Mellah, le photographe Abdelaziz Ladjal et Abdelhafid Negrouche, un citoyen qui était à la cafétéria Tantonville, font l'objet d'une comparution immédiate après deux jours de garde à vue au commissariat de Bab El Oued. Seul Adlène Mellah a été placé sous mandat de dépôt, alors que les deux autres mis en cause ont été laissés en liberté provisoire pour les mêmes inculpations d'«attroupement sur la voie publique», «incitation à l'attroupement», «désobéissance et outrage à la force publique». L'avocat du journaliste se déclare scandalisé par le contenu des deux réquisitions sur la base desquelles la police est intervenue en cette journée du 9 décembre pour disperser quelques artistes regroupés devant l'Opéra et procéder à l'arrestation de trois personnes, dont le journaliste. «Lisez-bien le contenu de ces deux réquisitions signées par le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh. Les deux sont datées du 13 février 2018 et leur destinataire est le contrôleur Noureddine Berrachedi, chef de la sûreté de wilaya d'Alger (qui n'est plus en poste depuis plus de cinq mois) auquel il est demandé d'utiliser la force publique dès le mercredi 14 février 2018 pour empêcher tout rassemblement ou marche de protestation non autorisés, tenus par des organisations syndicales sur le territoire de la wilaya d'Alger. Ces réquisitions ont été faites lors des marches des médecins résidents à Alger», explique maître Amine Sidhoum, en se demandant «si la force publique a besoin d'une formation sur la procédure ou si elle fait exprès pour détruire ce qui reste des institutions de l'Etat». L'avocat ne met pas de gants pour s'en prendre aux services de police qui, selon lui, ont violé le code de procédure pénale. «Ils arrêtent trois personnes, dont le journaliste Adlène Mellah, pour les mêmes griefs et avec des réquisitions illégales, les présentent au juge, qui les inculpe sans voir sur quelle base ils ont agi. Plus grave encore, le magistrat place le journaliste en détention et met en liberté provisoire les deux autres. Peut-on justifier les griefs et les décisions du juge avec des réquisitions datées de février 2018 et de surcroît destinées à un officier de police qui n'est plus en activité depuis quatre mois. Il y a là une flagrante violation de la loi. Les arrestations sont arbitraires et la procédure de comparution immédiate et d'inculpation nulle et non avenue», dénonce l'avocat. Très en colère, il exhibe un autre document trouvé dans le dossier judiciaire. Il s'agit d'un rapport écrit à la main par un policier et adressé à son chef hiérarchique. Il rend compte du contenu de la discussion entre Adlène Mellah et son épouse, durant sa garde à vue au commissariat. «Comment pourrais-je croire qu'un policier puisse ignorer que la communication entre un prévenu et un de ses proches au niveau de la garde à vue est protégée par l'article 51 bis du code de procédure pénale. Les policiers savent qu'ils n'ont pas le droit d'écouter les personnes qu'ils mettent en garde à vue. Ils savent que la violation de l'article 51 bis est passible de sanction. Alors non seulement l'agent n'a pas respecté la loi, mais en plus il rédige un rapport à son chef hiérarchique pour l'informer de ce qu'il a entendu, et ce rapport se retrouve dans le dossier judiciaire. Où sommes-nous ? Y a-t-il un état de droit dans ce pays ?» lance Me Sidhoum. Pour ce dernier, le procès d'aujourd'hui «va dévoiler de graves entorses à la loi». A rappeler qu'Adlène Mellah est déjà sous le coup d'une poursuite judiciaire en raison de ses écrits sur son site électronique. Il avait été placé sous mandat de dépôt durant plus de deux semaines, puis remis en liberté provisoire en attendant son procès prévu au mois de février prochain.