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Grogne chez les magistrats : Graves accusations portées contre l'inspecteur général
Publié dans El Watan le 12 - 02 - 2011

Le communiqué du président du Syndicat des magistrats transmis aux membres de son Conseil, fait état d'une réunion avec le ministre pour calmer la grogne de plus en plus importante des magistrats. Ces derniers se sont plaints de «menaces, d'intimidation, d'humiliation, de pressions et d'immixtion dans leur travail» de la part de l'inspecteur général. Elle arrive au moment où un appel rédigé par des membres du syndicat et des magistrats dits non syndiqués est largement diffusé au sein de la corporation et qui a provoqué un véritable séisme. Adressé au président de la République, en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), aux députés et au ministre de la Justice le document, de quatre pages, fait état de «magistrats menacés, outragés, humiliés, insultés, déplacés et dont la conscience est ébranlée». Des actes qu'ils imputent à l'Inspecteur général, M. Badaoui, et qui «déstabilisent la corporation et mettent en danger la justice».
Ils estiment que le temps est venu pour porter à la connaissance de l'opinion publique «le harcèlement que subissent les magistrats, juges et procureurs de la part de ce fonctionnaire, érigé en censeur de toutes les activités judiciaires, et qui monopolise depuis deux années les attributions de tous les autres départements de la chancellerie et celles des chefs de juridictions (…)». L'inspecteur général, affirment-ils, «pilote le ministère à travers des instructions qu'il assène aux chefs de cours, verbalement et par téléphone dans la majorité des cas, parce qu'il sait qu'elles sont illégales, mais aussi en menaçant les magistrats pour les obliger à n'obéir qu'à ses ordres et directives dans toutes les affaires même si c'est en violation de la loi. Il supervise l'action publique au niveau des parquets, s'immisce dans l'opportunité des poursuites, s'érige en censeur de tout le pouvoir judiciaire en contrôlant, par le biais de ses inspecteurs, les décisions rendues, ordonne l'annulation en appel de celles non conformes à ses directives et menace de lourdes sanctions les magistrats auteurs de ces décisions, les commentant même quand elles revêtent l'autorité de la chose jugée, se plaçant ainsi comme un degré de juridiction hors normes, minimisant par ces faits le rôle des hautes juridictions qui ont pour mission le contrôle des décisions de justice».
Ils précisent que «les menaces n'ont pas épargné les inspecteurs qui font état dans leurs rapports d'inspection des progrès atteints dans les juridictions, exigeant d'eux de ne porter que les insuffisances (…) et de trouver une victime parmi les magistrats pour la suspendre même si c est pour une faute de frappe répétée, afin de satisfaire et rendre heureux le ministre selon son expression». Pour les contestataires, «cette confiscation des droits du juge et des chefs de cour, crée un désordre et un marasme sans précédent dans l'histoire de la justice». Par «instruction verbale qu'il sait illégale», le responsable «exige des juges à taper leurs jugements sous peine de sanctions disciplinaires. Il les a poussés à être de simples dactylographes passant leur temps à taper des jugements et des arrêts, au détriment de leurs réelles attributions alors que ni les règlements, ni la loi ne prévoient cette procédure». Les magistrats font état du «renvoi» par le même fonctionnaire, «de milliers de jeunes» qui exerçaient dans le cadre du filet social, «dans l'unique dessein de créer un déficit en personnel et justifier aux yeux des autorités l'obligation faite (par lui) aux magistrats de faire des tâches de greffiers». «Cette pression a engendré un surmenage et un stress indescriptibles chez les juges aujourd'hui, atteints de maladies chroniques.
Des dizaines sont décédés ces trois dernières années d'arrêt cardiaque, de pics de tension, de chocs glycémiques, soit en audience soit à la veille en préparant les décisions à des heures tardives de la nuit.» Ils estiment que la «peur de l'inspecteur général a fini par paralyser le juge. Elle lui a fait perdre ses repères psychologiques, sa sérénité et son équilibre au point où il a poursuivi des enfants de trois et cinq ans pour coups et blessures volontaires occasionnés lors de bagarres entre mômes.» Ils regrettent qu'au lieu du dialogue, le fonctionnaire recourt «aux menaces, injures, humiliations et pressions. Son immixtion dans le travail des juges par la menace et l'intimidation est un retour à une justice dirigée et aux ordres, qui ôte à la réforme prônée par les pouvoirs publics, son esprit. Ses intimidations cachent mal les velléités de certains de vouloir susciter le désordre au sein de l'appareil judiciaire. Ces pratiques, qui se sont accentuées ces derniers mois, n'ont qu'un seul but, provoquer un mécontentement des magistrats au moment où les pouvoirs publics ont clairement affiché leur volonté de faire triompher l'Etat de droit qui gagne la planète entière». Face à ce climat délétère, les magistrats disent «non à l'inspecteur général et à ceux qui le protègent», en précisant, qu'ils utiliseront tous les moyens de droit et syndicaux pour faire «obstacle» à son action de «déstabilisation». Ils appellent leurs collègues à boycotter ses «instructions verbales et écrites» et «d'ignorer les commentaires qu'il fait» à leurs décisions. Selon eux, nul ne peut usurper les pouvoirs du juge, ni attenter à son indépendance. De ce fait, ils exhortent le président de la République «à enquêter sur les agissements» du responsable, et les députés à constituer une commission d'enquête sur les entraves à l'exercice de la profession, et aux droits de la défense, et d'évaluer la situation de l'indépendance de la justice. Les magistrats appellent le CSM à revoir «l'opportunité de la mise en mouvement systématique de l'action disciplinaire contre de nombreux juges pour des motifs dérisoires, juste pour faire croire à une opération mains propres ; alors que les vrais dossiers de vrais corrompus ou ceux qui ont commis des fautes graves ont été classés et occultés pour des raisons douteuses, dossiers que le ministre ignore».
Tout en se présentant comme émanant de «l'écrasante majorité des magistrats à tous les niveaux et même de chefs de juridiction», ils informent que l'appel est une «première étape avant la préparation d'une assemblée extraordinaire de protestation dans les prochains jours». C'est en réalité ce texte qui a poussé le président du SNM, Djamel Laïdouni, à transmettre le communiqué aux membres du conseil. Mais, les auteurs de l'appel comptent poursuivre leur contestation jusqu'à ce que l'inspecteur général ne soit plus à son poste. «C'est lui qui a suscité notre colère. Nous n'avons pas de problèmes socioprofessionnels. Nous avons une seule revendication. Le départ de l'inspecteur général…. », déclarent-ils.


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