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Le nécessaire changement
Publié dans El Watan le 24 - 02 - 2011

L'Algérie, sa jeunesse, les Algériennes et les Algériens dans leur ensemble, excepté une infime minorité, ne peuvent continuer à subir leur enfermement dans un cycle infernal qui grève tout espoir de développement durable, d'épanouissement et de justice, en un mot, se sentir citoyen d'un Etat de droit.En janvier 2008, dans un article publié dans le quotidien L'Expression, nous avons insisté sur les risques «pour les prochaines années, d'une dynamique de tempête dans certaines régions du monde et prévu une période de mutations sans précédent au niveau de l'Ordre international.» Concernant l'Algérie, nous avons précisé : «L'Algérie et sa jeunesse ne pourront rester étrangères à ces mutations et bouleversements… L'anxiété, le désarroi, le manque de perspectives conduisent souvent un grand nombre de jeunes au découragement et à la perte d'espoir, à la frustration et à la violence. La tentation d'échapper à leur souffrance, à leur écrasante et trop pénible quotidienneté, les conduit vers un comportement asocial, à l'utilisation de drogues ou, depuis quelque temps, à la tentation de fuir leur désespoir en côtoyant la mort toutes voiles dehors».
Lorsque l'on se penche sur l'état de la jeunesse en Algérie ces dernières années, ce qui retient l'attention, c'est l'absence, malgré la gravité de la situation, d'une stratégie concernant cette catégorie de la population pour, d'une part, appréhender sérieusement les problèmes liés à sa vie, ses comportements et ses aspirations et, d'autre part, l'associer plus directement à la réalisation des grands chantiers nationaux tant aux niveaux éducatif, culturel, économique que politique. La vulnérabilité de la jeunesse est en partie amplifiée par la position toute particulière qu'elle occupe au sein d'une société qui n'arrive pas à sortir d'une crise multidimensionnelle. Les jeunes sont au cœur d'enjeux politiques, de grands défis et de tensions sur lesquels ils n'ont, bien souvent, aucune prise. Une jeunesse désabusée dont la frustration est accentuée par l'influence quotidienne des nouveaux moyens de communication. Ce sont les jeunes qui affrontent peut-être plus que tout autre groupe social les bouleversements, les incertitudes et les risques générés par le processus de mondialisation économique et culturelle. Qui pourra prétendre à l'ère des SMS, de Facebook ou de Twitter qu'il ne savait pas ?
En soulignant devant les walis, en novembre 2006, que la jeunesse «met en jeu l'avenir de la nation entière et nous interpelle sur notre capacité à valoriser le potentiel d'espérance qu'elle incarne» et que «nous avons aujourd'hui besoin de renouveler notre regard sur la jeunesse, de modifier notre attitude à son égard et d'adopter de nouvelles approches et de nouvelles méthodes dans la prise en charge de ses attentes», le président de la République a non seulement souligné l'importance et la gravité du problème mais signifié également l'urgente nécessité de renouveler les approches et les politiques vis-à-vis des jeunes. Le succès d'une opération aussi vitale pour le pays suppose en premier lieu la fin des habituelles actions conjoncturelles orchestrées par des apparatchiks dont la qualité première est de veiller d'abord non pas aux attentes de la jeunesse, mais au sens «des vents dominants». Pour l'Algérie, la jeunesse est une richesse et une chance. Elle sera le levain des changements inéluctables et indispensables qu'il faut souhaiter pacifiques.
Comme nous l'avons souligné dans plusieurs articles, à vouloir ignorer la gravité du fossé actuel avec les forces vives de la nation, c'est opter, non pas pour l'avenir, le développement durable et le progrès, mais pour la stagnation et la résignation ponctuellement nourries par «une agit-prop» stérile, ayant pour fondements l'opportunisme, des valeurs désuètes et une authenticité «soporifique». Les Algériens ne peuvent continuer à supporter des discours éculés, des slogans périmés, infantilisants et démagogiques. Tous les scénaristes doivent prendre conscience des dégâts politiques, économiques, sociaux et culturels qu'un certain mode de gouvernance a infligés au pays et de l'urgente nécessité à mettre l'Algérie au diapason du troisième millénaire. Comment garder le silence face aux cycles de violences multiples, aux menaces extrêmes qui pèsent sur son avenir et à la balkanisation du champ politique ? Un militant historique et témoin de la révolution, qui a occupé d'importantes responsabilités durant la guerre de libération et au lendemain de l'indépendance, a récemment tenu à sonner l'alarme face aux dangers qui guettent l'Algérie.
Abdelhamid Mehri a, en quelques phrases, mis le doigt sur les maux qui rongent le pays : «L'exclusion est devenue le trait dominant de la gestion politique et de la manière de traiter les divergences d'opinion… Ces pratiques, qui ont contaminé même certains partis d'opposition, ont eu pour effet de pousser des milliers de militants à renoncer à l'action politique, de réduire la base sociale du régime et de réduire le cercle de décision à son sommet… Il s'est nourri également d'emprunts et d'adaptations qui n'ont pas été façonnées par le libre débat ni affinées, durant leurs évolutions, par une évaluation objective qui a été le grand absent dans l'expérience du pouvoir en Algérie. Plutôt qu'une évaluation critique objective du régime politique, on a préféré les campagnes de glorification et de dénonciation taillées sur mesure pour des personnes et par l'attribution de couleurs à des décennies, de sorte à masquer la nature du régime, ses pratiques et sa vraie couleur qui ne change pas malgré le changement d'hommes.
Les voix qui revendiquent le changement de ce régime et qui sont soucieuses qu'il advienne dans un climat de paix et de libre débat sont nombreuses. Les signes qui alertent sur le caractère impératif d'un tel changement sont visibles depuis des années. Ils se sont encore accumulés ces derniers mois d'une manière telle qu'il est impossible de les ignorer ou de reporter la réponse».Un demi-siècle après l'indépendance et face aux rendez-vous historiques, il est désespérant de constater l'incapacité des forces politiques et sociales à se rencontrer, à dialoguer, à s'écouter… sans exclusive, ni invectives ou improvisation. Les professionnels de l'opportunisme, des débats biaisés et les apprentis sorciers aux ambitions masquées et démesurées ne peuvent plus méconnaître la gravité de la situation et leur responsabilité devant l'histoire et le peuple algérien.
L'avenir de l'Algérie et les dangers qui la guettent imposent à toutes et à tous, sans exception, d'écouter la voix de la sagesse et de bannir la surenchère et les discours dilatoires. L'on ne peut également continuer à ignorer la désespérance ni à s'opposer impunément aux espoirs d'une jeunesse marginalisée et désabusée qui «étouffe» au sein d'une société marquée par une crise multidimensionnelle. Il est temps que le peuple algérien et sa jeunesse soient écoutés et associés concrètement et démocratiquement à la vie politique et au développement du pays. Un régime démocratique en mesure de libérer les initiatives populaires dans le cadre d'une citoyenneté responsable et active évitera à l'Algérie, qui a tant souffert, des dérives aux conséquences extrêmement dangereuses.
Pour cela, il revient à toutes les Algériennes et à tous les Algériens de s'impliquer solidairement et pacifiquement pour transformer la peur, la méfiance, le népotisme, le régionalisme, le désespoir voire la haine en une nouvelle page de paix, de dignité, de solidarité, de citoyenneté, de justice et d'espoir. Loin de toute exclusion, exclusive ou intolérance, il revient à toutes les forces politiques et sociales de «bâtir» un véritable pacte républicain et d'impulser l'indispensable volonté politique qui doit porter ce choix patriotique : avant qu'il ne soit trop tard… pour bannir les brasiers !


H. O. : Ancien responsable de l'éducation préventive et du sport de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco)


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