Hamid Oussedik, ancien fonctionnaire de l�Unesco L�analyse des attentes de plus en plus fortes de la soci�t�, la profonde et persistante crise multidimensionnelle que vit l�Alg�rie, les successives mises en garde faites par des voix autoris�es et respect�es montrent clairement que le syst�me actuel s�est enkyst�, voire dans l�impasse. L�actuel contexte interne et r�gional ne peut se contenter d�un mode de gouvernance dont le souci principal semble �tre la dissociation du champ politique, des revendications sociales. L�indispensable changement ne pourra advenir sans la jeunesse et encore moins � son insu. L'on ne peut continuer � nier la d�sesp�rance ni � ignorer impun�ment les espoirs d'une jeunesse marginalis�e et d�sabus�e. Les Alg�riens per�oivent, par-del� la dure r�alit� quotidienne, les bouleversements et les enjeux actuels dans la r�gion et dans le monde. Ils savent �galement qu�une partie de leurs probl�mes est due � la crise internationale, mais pas seulement. L�ordre ancien a trouv� ses limites et ne peut en aucune fa�on perdurer ou subir une simple r�g�n�ration. Aucun pays, si puissant soit-il, ne peut avancer seul. L�interd�pendance des nations et des peuples qui composent la plan�te est devenue patente. Le village plan�taire est en passe de devenir r�alit�. L�avenir de l'Alg�rie et les dangers qui la guettent imposent � toutes et � tous, sans exception, d'�couter la voix de la sagesse et de bannir la surench�re et les discours dilatoires. Comment croire s�rieusement que l�Alg�rie continuera � rester � l��cart de l�onde de choc qui a secou� la r�gion ? Comment croire que l�on peut ind�finiment continuer � retarder un d�bat loyal et sinc�re autour d�une nouvelle d�finition de l�organisation politique et institutionnelle en Alg�rie ? Qui peut croire que la jeunesse alg�rienne restera longtemps en marge du monde arabe qui �traverse actuellement une p�riode historique absolument essentielle, car pour la premi�re fois depuis la phase des luttes anticoloniales, il s'inscrit de nouveau dans le sens de l'histoire et ce, dans la mesure o�, de plus en plus, y circulent et prennent racine des dynamiques sociales significatives proc�dant de logiques intellectuelles et symboliques ouvertes sur l'universalit�, notamment celles relatives � l�Etat de droit et aux droits de l�homme� Les valeurs de libert�, de dignit�, de respect des droits de l'homme ne sont en aucun cas �occidentales � car elles ont leur pendant dans toutes les cultures du monde et il nous appartient de trouver dans la n�tre les ingr�dients nous permettant de leur redonner toute la l�gitimit� sociale endog�ne qui doit �tre leur�. (Voir l�excellent article de N. Safir, Soir d�Alg�rie, 11 septembre 2011). Trop longtemps oubli�e ou n�glig�e, la dimension humaine s�impose � nouveau comme la r�f�rence et la finalit�. Le citoyen r�appara�t sur �la sc�ne� avec ses impond�rables, ses failles et ses grandeurs. Agir s�rieusement L�exasp�ration et le ras-le-bol g�n�ral font que des bouleversements importants et rapides peuvent survenir � tout moment. Dialoguer de l�ensemble des points, avec exigence et respect, sans surench�re ni d�magogie, aidera l�Alg�rie � ne pas sombrer dans une crise au parfum de haine, de sang et de r�glements de comptes. Agir s�rieusement pour instaurer une bonne gouvernance, assurer le respect des droits humains, permettre l��mergence de v�ritables partis politiques r�ellement implant�s dans la soci�t�, cesser d�emp�cher des formations politiques repr�sentatives et cr�dibles de fonctionner normalement, respecter une r�elle comp�tition politique et l�alternance du pouvoir seraient une v�ritable alternative propre � renforcer l�Alg�rie tant au niveau national qu�international. Comment pr�tendre � un v�ritable d�veloppement durable, pr�parer l�avenir de nos enfants et l�apr�s-p�trole sans commencer par bannir l�autoritarisme, le r�gionalisme, le client�lisme et l�incomp�tence. Le sens de l�Histoire impose � l�Alg�rie de s�adapter non seulement aux d�fis externes li�s aux �v�nements mondiaux, mais �galement aux d�fis internes en am�liorant toujours davantage ses objectifs strat�giques, ses modes op�ratoires et son fonctionnement. Par-del� les raisons objectives et av�r�es, les critiques ne peuvent �tre adress�es uniquement au pouvoir. Le refuge dans une �bulle virtuelle � est loin d��tre de son seul apanage, tant nombre de raisons sont � imputables aux partis, � la soci�t� civile, qu�au pouvoir. Il s�agit de reb�tir le lien social et le r�le du citoyen � travers un processus marqu� d�abord par un v�ritable dialogue politique, loyalement organis�, serein, sans exclusive, ni arrogance, afin de parvenir � une v�ritable feuille de route d�union nationale. Toutes les citoyennes et tous les citoyens devraient pouvoir apporter leur contribution. Ils seront utiles en commen�ant, d�abord, par unir leurs efforts pour veiller aux int�r�ts l�gitimes et sup�rieurs du pays. Cela commence par un engagement clair de respecter toutes les valeurs r�publicaines, de renforcer l�instauration d�un v�ritable Etat de droit, de lutter contre l�intol�rance, de surmonter pacifiquement les obstacles et divergences. La compr�hension entre les �tres humains est une condition pr�alable � la justice, � la paix et au respect de la dignit�. Ne nous m�prenons pas, le redressement sera un travail de longue haleine qui, certainement, sera ponctu� d��tapes difficiles. L��loignement des habituels parasites et troubadours politiques, toujours en qu�te d�utilit�, renforcera � coup s�r la cr�dibilit� et les chances de r�ussite du processus de r�novation, l�objectif principal sera le renforcement des capacit�s nationales. C�est � ce prix que l�on pourra �viter � l�Alg�rie de tr�s graves dangers, voire le chaos et la barbarie qui la menacent. Pour s�indigner, pour crier son refus, il faut avoir conserv� la capacit� de s��mouvoir. C�est � ce titre qu�il est impossible, voir dangereux, de garder le silence face � l�atonie qui semble frapper l�Alg�rie tant au niveau national qu�international. L�influence et le r�le de L�Alg�rie semblent se r�duire de jour en jour... Il n�y pas si longtemps, la comp�tence et l�exp�rience de ses diplomates et repr�sentants �taient reconnues dans le monde et faisaient notre fiert� et celle de tout le continent africain, en particulier. Un climat d�l�t�re qui n�a que trop dur�, la r�gression de la voix de l�Alg�rie dans le monde et une sorte de paralysie ambiante sont insupportables et nous inqui�tent l�gitimement. Beaucoup d�entre nous s�interrogent. Comment �tre heureux devant le malheur qui nous entoure ? Comment se r�jouir en pensant � l�avenir ? Nous sommes aujourd�hui face au d�fi de notre survie, � celui de notre devenir dans le processus de la mondialisation et de notre existence citoyenne au troisi�me mill�naire. La raison principale de l�ingouvernabilit� est l�exclusion. C�est seulement dans un contexte de d�mocratie r�elle que pourront s�op�rer les changements urgents auxquels nous aspirons comme nous l�enseigne l�exp�rience de certains pays africains et d�Am�rique latine. Une Alg�rie nouvelle Il est temps de consacrer nos forces, toutes nos forces au service d�une Alg�rie nouvelle, une Alg�rie capable de relever, comme par le pass�, les d�fis. Analysons sans sectarisme les causes profondes des probl�mes qui minent l�Alg�rie et agissons avec r�solution et courage pour les r�gler ou les pr�venir. B�tissons un Etat de droit, veillons au respect de la r�gle et renon�ons � une forme de culture de la violence de plus en plus envahissante. Cessons d�admettre une forme d�indiscipline g�n�ralis�e qui doit �tre l�affaire de l�Etat et non du gouvernement, de la responsabilit� pas seulement de quelques dirigeants mais de toute la soci�t�. Bannissons le r�gionalisme, le client�lisme et le double langage afin de tarir les ��panchements chuchot�s� dont WikiLeaks nous a abreuv�s. Il ne suffit pas de d�noncer les maux : l�heure est � l�action. Il ne suffit pas de nous scandaliser : il faut r�agir, chacun dans la mesure de ses moyens. Commen�ons par r�apprendre d�abord le sens de la civilit�, du civisme et de la solidarit�, pour que les Alg�riennes et les Alg�riens ne soient pas de simples individus juxtapos�s mais un ensemble de femmes et d�hommes capable de dialoguer franchement, de s��couter avec respect et de parvenir � un nouveau contrat social. Tous les droits de l�homme doivent �tre pris en compte ! particuli�rement celui qui conditionne tous les autres : le droit � la paix, le droit � la vie et de sa dignit�. Faut-il encore rappeler, � ce titre, que le degr� de civilisation d�une soci�t� est li� � la place qu�y occupe la femme. Rejetons les approches manich�ennes et schizophr�niques qui font croire qu�il y a d�un c�t� des vertueux irr�prochables et de l�autre ceux qui sont toujours dans l�erreur. R�apprenons � r�ver d�un monde meilleur en �tant conscients de l��normit� des d�fis. Affrontons ces d�fis en refusant de quitter ce r�ve quels que soient les difficult�s et le pessimisme de l��poque. Le grand po�te portugais Pessoa observe �que c�est parce qu�elle est situ�e tr�s haut que la lune se refl�te �galement dans les plus grands lacs et les plus petites flaques�. Dans son discours du 15 avril 2011, le pr�sident de la R�publique a suscit� un espoir et une forte attente en appelant l'ensemble des citoyennes et des citoyens �� apporter leur soutien pour le renouveau de notre pays et la r�alisation des ambitions de notre peuple, au d�veloppement dans un climat de libert�, de paix et d'entraide �. La sinc�rit�, la lucidit� et le courage aidant, ce serait une r�elle page d�espoir et une occasion historique de parvenir � une nouvelle vision strat�gique, � une v�ritable transition tant au niveau national, maghr�bin, qu�africain. Une vision qui renoue avec l�histoire s�culaire de l�Alg�rie et l�esprit du congr�s de la Soummam qui se voulait fondateur d�un Etat souverain et d�mocratique. Une Alg�rie qui soit � la hauteur des d�fis du troisi�me mill�naire. Le temps presse, l�implacable v�rit� de l�Histoire situera la lourde responsabilit� de tout un chacun.